Les épreuves standardisées au cycle 3.1 : Un cas de conscience pour les enseignants (Journal 4/2010) Monique Adam

08.10.2010

Actuellement le MEN distribue des épreuves standardisées aux enseignants du cycle 3.1, afin de faire passer ces épreuves à leurs élèves entre le 12 et le 20 octobre.

Un premier coup d’œil ne serait-ce que dans les 2 cahiers de tests prévus pour l’allemand permet de comprendre qu’il s’agit ici d’obtenir une fourchette maximale des compétences des élèves et que vu la longueur et la complexité des textes à lire et le nombre de questions auxquels il faut répondre, la majorité des élèves n’arrivera pas à y répondre dans les 50 minutes imparti à la passation de chacun de ces tests. Seuls les très bons lecteurs, possédant par ailleurs une très vaste culture générale sur les cétacés et les primates, réussiront probablement à répondre correctement et dans les temps impartis à la plupart des items contenus dans ces cahiers. Ce qui est contrôlé ici, ce ne sont pas les apprentissages réalisés au cycle 2, surtout pas dans les écoles, où bon nombre d’élèves apprennent la langue allemande en même temps qu’ils sont alphabétisés dans cette langue. D’ailleurs tous les élèves de la classe doivent participer aux tests comme il est indiqué en gras dans les consignes données aux enseignants. « Alle Schüler Ihrer Klasse müssen an allen Tests teilnehmen, auch jene mit sprachlichen Schwierigkeiten. »

C’est d’ailleurs symptomatique qu’on fasse passer ces tests au début du cycle 3 quand les enfants rentrent des vacances, alors qu’on sait pertinemment que les écarts entre les élèves se creusent surtout pendant les périodes de vacances. Parions également que le plupart des enseignants du cycle 2 auraient refusé de faire passer ces tests à leurs élèves parce qu’ils ne correspondent nullement aux apprentissages réalisés à l’école. Craignant de les décourager définitivement, ils auraient préféré préserver leur désir d’apprendre en évitant de les confronter à un exercice qui n’a rien à voir avec les apprentissages qui ont été réalisée à l’école.

En faisant passer les épreuves au début du cycle 3 on espère que les enseignants de ce cycle se désolidarisent de leurs collègues du cycle 2, car ce seront ces derniers qui seront tenus pour responsables des résultats des élèves.

Ce seront eux qui seront jugés à travers les jugements que prononceront les parents aux énoncés suivants :
« Je suis satisfait(e) du contenu des cours enseignés dans cet établissement »
« Le niveau d’exigences est élevé dans cet établissement »
« Je suis satisfait(e) du climat de discipline de cet établissement »
De même que les enfants se prononceront sur les énoncés suivants :
« In meiner Klasse behandeln mich die meisten Lehrer gerecht »
« In meiner Klasse behandeln die Lehrer Mädchen und Jungen gleich »
« In meiner Klass ist es für die Lehrer oft nicht einfach für Ruhe zu sorgen »


Et pourquoi tout ça? D’après la fiche d’information, il s’agit d’évaluer les performances du système scolaire luxembourgeois et de donner un feedback aux enseignants des classes concernées, aux directions des écoles (sic), ainsi que de publier un rapport au niveau national. D’après les informations du MEN il ne sera nullement possible d’identifier les différentes écoles, les classes ou les élèves dans le rapport national qui sera publié.
Pourtant, qu’en est-il des parents d’élèves ? Ne sont-ils pas en droit de connaître les résultats de leurs enfants, ou de la classe de leur enfant, ou de l’école que fréquente leur enfant ? Dès lors qu’ils savent que les enseignants disposent de ces données, comment ne pas les leur communiquer sans créer un climat de méfiance ? Il sera dès lors facile de comparer les résultats des différentes écoles et d’établir un palmarès.

Favoriser la compétition entre les écoles, tout en sachant que le milieu socioculturel des enfants joue un rôle déterminant dans les résultats obtenus par les écoles, c’est mettre en péril l’unité du système scolaire luxembourgeois.

Voilà bien des éléments qui déterminent le SEW à demander une entrevue d’urgence à Madame la Ministre de l’Education nationale pour lui demander de discuter et d’amender les modalités de ces épreuves avec les enseignants avant de leur demander d’y soumettre leurs élèves.b>

Monique Adam