Pas de master, mais 240 ECTS (Journal 4/2005) Monique Adam

15.09.2005

La formation des instituteurs entre espoir et scénario catastrophe



Notre campagne pour fixer l'accès à la profession d'instituteur au niveau master a recueilli quelques 1 500 signatures auprès de nos collègues. Les discussions que nous avons menées lors de cette campagne nous ont montré que, hormis quelques nostalgiques du bon vieux temps pour qui il suffirait de restaurer l'autorité du maître et d'assurer la transmission correcte de quelques techniques du métier, les instituteurs et institutrices sont en général bien conscients du fait que la profession a changé et qu'il faudrait une préparation plus poussée, bien ancrée dans la pratique, mais plus fortement reliée aux savoirs scientifiques. Nombreux étaient celles et ceux cependant qui pensaient qu'il ne serait pas possible d'organiser une telle formation au Luxembourg. L'affirmation la plus fréquente étant que le prolongement des études de l'IP à l'ISERP n'aurait été qu'une chicane supplémentaire. Ayant à plusieurs reprises critiqué la transmission de recettes méthodologiques, ainsi que la désuétude de certains cours théoriques non articulés sur la pratique, nous ne pouvions évidemment que partager ces appréhensions. Mais, où était l'alternative ? Et pourquoi ne pas donner une chance à la nouvelle université ?

Lors d'une récente entrevue, le recteur, Rolf Tarrach nous a paru très engagé pour une amélioration de la formation des instituteurs. Il a clairement souligné que l'université avait des difficultés, mais qu'il n'était pas impossible de mettre sur pied une formation valable. Il faudra évidemment lui accorder les moyens nécessaires. Car il est vain de se lamenter sur les insuffisances de l'université, si le pouvoir politique ne lui accorde pas les moyens de recruter les formateurs dont elle a besoin. Il est clair que le département des Sciences de l'Education n'aura pas la même facilité de trouver des sponsors ou d'exiger des frais d'inscription élevés, comme c'est le cas dans d'autres domaines. Ce sont donc bel et bien les pouvoirs publics qui ont une responsabilité dans le financement de ces structures de formation.

Avec la décision d'organiser un bachelor de 240 ECTS, le Conseil de gouvernance de l'Université de Luxembourg situe la formation des instituteurs en dehors du cadre tracé par le processus de Bologne pour les diplômes universitaires en Europe. Par ailleurs, il n'y a actuellement pas de master en sciences de l'éducation, ce qui ne facilitera pas le
développement des compétences de l'université dans ce domaine. Voilà des faits qui risquent d'hypothéquer lourdement la réforme de la formation.

Par ailleurs, il y a une réelle volonté de réforme au sein de l'université pour développer une formation à la fois académique et professionnalisante, s'alimentant à un corpus de connaissances théoriques et conceptuelles reconnu pas la communauté scientifique et à des savoirs pratiques formalisés. Le terrain y est conçu comme ressource pour la construction des concepts (recherche) et comme contexte de pratiques et de développement des compétences professionnelles (stages). Les syndicats des enseignants ont été invités à un groupe de travail qui s'occupe des relations avec le terrain. Il serait évidemment souhaitable qu'un réel dialogue s'établisse entre les formateurs de l'université et les instituteurs et institutrices du terrain.

La nouvelle formation débute à la rentrée et il est clair que les formateurs de l'université devront se montrer à la hauteur du projet de formation élaboré. Le SEW/OGB L espère qu'il sera possible de développer un dialogue constructif entre le terrain et la formation, afin de pouvoir sortir cette formation de l'impasse dans laquelle on semble vouloir la maintenir à tout prix. Toute la profession doit rester mobilisée pour
analyser le développement de la formation et sa reconnaissance sur le plan académique. Si l'université remplit son contrat, le changement qualitatif deviendra évident et les développements ultérieurs conduiront enfin à un master. Si tel n'est pas le cas, nous serons confrontés à une formation qui s'étire en longueur avec des étudiants de plus en plus désabusés et des problèmes de recrutement pour la profession. Le terrain a grand besoin d'une plus-value au niveau de la formation, un nouveau ratage serait la catastrophe.



Monique Adam,
institutrice primaire