Planification des besoins en personnel enseignant et éducatif dans l’enseignement fondamental (Journal 3/2012) Monique Adam

Planification des besoins en personnel enseignant et éducatif
dans l’enseignement fondamental:
Quand on n’a que deux oreilles, deux bras et une bouche
Le rapport de planification constate que le nombre d’enfants manifestant des troubles de comportement dans différentes classes de l’enseignement fondamental se trouve en augmentation constante, il indique à juste titre que l’école fondamentale fait de grands efforts pour intégrer les enfants à handicap(s) et il en déduit la nécessité de lui attribuer des moyens supplémentaires. Pourtant les moyens supplémentaires accordés se résument très souvent à des formations ou à des conseillers. Trop rarement les moyens sont investis pour recruter du personnel intervenant directement sur le terrain.
Il y aura certes huit (8!) éducateurs gradués et cinq (5!) professeurs de logopédie, ainsi que 15 instituteurs spécialisés supplémentaires qui rejoindront les équipes multiprofessionelles pour 2012/2013, mais auront-ils assez de temps pour intervenir directement auprès des élèves ou se contenteront-ils plutôt de leur tâche de conseillers? Et surtout, comment comptent-ils compenser la réduction du taux d’encadrement qui passera de 1,9113 en 2012/2013 à 1,8528 en 2016/2017, ce qui signifie la réduction d’au moins autant de postes d’enseignants sur le terrain qu’on en en crée dans les équipes multiprofessionnelles.
Où sont donc les moyens supplémentaires?
Les titulaires de classes constatent qu’ils ont de plus en plus d’enfants à besoins spécifiques qui demanderaient tous une attention toute particulière, mais qu’ils disposent de moins en moins de temps pour s’occuper de tous ces élèves. La plupart d’entre eux savent très bien ce qu’ils pourraient faire pour les aider, mais ils ne trouvent pas le temps de le faire. Nombre d’entre eux constatent ces besoins lors des corrections qu’ils effectuent après la classe, ils dressent des listes avec différentes interventions à faire auprès de différents élèves tout au long de la journée scolaire suivante pour constater à la fin de celle-ci que la moitié des interventions n’ont pu être réalisées faute de temps. Car à côté de ces appuis individualisés, ils ont à gérer la classe en orchestrant les activités d’apprentissage collectives et individuelles, en répondant aux demandes d’explication et en assurant un climat de travail serein. Voilà pourquoi les enseignants demandent l’étoffement des équipes pédagogiques. Ils ont besoin d’être plus nombreux pour encadrer les élèves!
Or, ils ont de plus en plus l’impression que le MEN y répond par l’étoffement de l’encadrement des enseignants. De conseils en formations, les enseignants se rendent de mieux en mieux compte de l’aide supplémentaire qu’ils devraient fournir à leurs élèves, sans pour autant trouver le temps nécessaire pour le faire. Ils ont souvent l’impression de privilégier un aspect de leur travail par rapport à d’autres aspects tout aussi importants, ou encore tel élève au détriment de tel autre. De cette façon leur tâche devient de plus en plus épuisante. Voilà pourquoi ils deviennent allergique à tous ces conseillers qui ont une tâche spécialisée et spécifique et qui viennent charger les généralistes de l’exécution de programmes tenant compte des besoins spécifiques des différents élèves. Quand on n’a que deux oreilles, deux bras et une bouche, il y a des limites au multitasking, même si d’aucuns ne veulent l’admettre!
Les équipes pédagogiques demandent plus d’intervenants sur le terrain au contact direct avec les élèves. Si la ministre de l’Education nationale n’a pas les moyens d’investir dans des postes supplémentaires à ce niveau, les investissements supplémentaires dans l’encadrement des enseignants resteront au mieux sans effet et mèneront au pire à la résignation des acteurs du terrain.
Membre de la direction syndicale