Budget de l'Education nationale 2007 - croissance des dépenses courantes inférieure à la norme budgétaire
L'Education nationale figure parmi les éléments stratégiques de la politique économique et sociale mis en évidence par le gouvernement et nos décideurs politiques s'empressent d'insister sur une politique budgétaire résolue en sa faveur.
Il est vrai que devant le nombre sans cesse croissant d'élèves dans l'enseignement secondaire et secondaire technique, l'Etat investit des millions d'euros dans la construction de nouveaux établissements scolaires. Pour l'année budgétaire 2007, pas moins de 32 projets sont dotés au niveau du fonds d'investissements scolaires (dotations totales pour 2007: 121 millions d'euros), dont notamment le Lycée technique Nic. Biever, le Lycée du Nord à Wiltz, le Lycée technique Mathias Adam, le Nouveau Lycée de Rédange, le Lycée technique de Dommeldange, le Lycée technique de Lallange, pour ne citer que les plus gros chantiers.
Il est vrai aussi qu'à côté du MENFP, d'autres acteurs sont impliqués dans le financement de l'Education nationale. Ce sont par ordre décroissant les communes, l'Administration des Bâtiments publics, le Ministère de la Famille, le Ministère de l'Intérieur, le Ministère des Transports, le Ministère de la Fonction publique et le Ministère de la Santé.
Il nous est évidemment impossible d'englober tous les éléments qui touchent de près ou de loin le financement de l'école publique dans le cadre du budget de l'Etat et encore moins au niveau des budgets communaux, comme cela a été fait en 2005 dans une étude du SCRIPT pour l'exercice budgétaire de 20031; nous ne disposons pour cela ni des informations, ni du temps nécessaires.
Nous pensons néanmoins que le budget du MENFP fournit la substance pour le fonctionnement de l'école publique, surtout au niveau de l'ES et de l'EST et nous pouvons affirmer que l'étude de ce budget -côté dépenses courante surtout - nous fournit des renseignements intéressants sur la politique que le gouvernement mène réellement.
Dépenses courantes du MENFP: à nouveau moins de croissance que la norme budgétaire !
Deux chiffres sautent aux yeux dès le départ: alors que les dépenses courantes du budget global de l'Etat augmentent de 5,4 %, celles du budget de l'Education nationale n'augmentent que de 4,5 %; la croissance de ce dernier se situe donc au-dessous de la norme budgétaire. Etonnant pour un domaine stratégique ! Mais cela ne fait que prolonger une tendance plus que décennale, comme le montre le graphique suivant :

En chiffres bruts, le retard du budget des dépenses courantes du MENFP par rapport au budget global des dépenses courantes entre 1995 et 2007 s'exprime comme suit :

On peut en conclure que si les dépenses courantes du budget de l'Education nationale avaient cru dans la même mesure que celles du budget global, elles s'élèveraient à 841.728/191,24*215,46 = 948,330 millions d'euros en 2007 soit 106,6 millions d'euros de plus que les dépenses courantes prévues. A noter que le retard accumulé depuis 1995 par le MENFP au niveau des dépenses courantes se chiffre à environ
775 millions d'euros.
Pour les dépenses en capital, les montants pour 2006 et 2007 sont les suivants :

La diminution de 15,9 % pour le budget du MENFP s'explique en grande partie
- par le passage sous gestion séparée du service des restaurants scolaires
- par la réduction de 4 millions d'euros de l'alimentation du fonds d'équipement sportif pour le financement du programme quinquennal d'équipement sportif.
Forte réduction des dotations dans l'intérêt des lycées et lycées techniques « autonomes »
Le tableau ci-dessous donne plus de détails au sujet des dépenses courantes par sections du MENFP (en milliers d' et en %):

Alors que certaines diminutions importantes sont frappantes (Dépenses générales, Service des restaurants scolaires et CPOS), elles résultent plutôt d'adaptations structurelles (gestion séparée, réorganisation). Par contre, des réductions de crédit importantes risquent de passer inaperçues, si on ne s'intéresse au détail. Il en est ainsi des crédits alloués à l'enseignement postprimaire, qui, tout en augmentant de 6,5 %, cachent - par rapport à 2006 - de fortes diminutions de dotations dans l'intérêt du fonctionnement des lycées et lycées techniques :

Voici donc les établissements postprimaires prétendument autonomes mis au pain sec et à l'eau !
De qui se moque-t-on ?
A noter aussi la diminution de 56 % du crédit faisant l'objet de la convention avec l'Université du Luxembourg dans l'intérêt de l'organisation du stage pédagogique.
Les crédits à l'enseignement privé continuent d'augmenter
L'engagement de l'Etat pour les écoles privées s'est fortement accru depuis le milieu des années 1990 et surtout depuis le vote de la loi du 13 juin 2003 concernant les relations entre l'Etat et l'enseignement privé. Cette tendance - tant pour les dépenses courantes que pour les dépenses en capital - est illustrée par le tableau suivant:

Il est étonnant et révoltant d'observer que le projet de budget des dépenses courantes de 2007 du ministère de l'Education nationale fait bénéficier les établissements privés d'enseignement d'une augmentation de crédit de 13, 1 % - contre 4,5 % seulement pour l'ensemble du budget des dépenses courantes du MENFP !
Le commentaire du budget du MENFP comporte peu d'informations explicatives
Remarquons enfin que sauf pour le département ministériel du Sport, le commentaire au budget du MENFP ne donne aucune explication sur les dotations ou les variations de crédits. Il se contente de rappeler une nouvelle fois les priorités en matière de politique scolaire :
- Diversifier l'offre scolaire de l'enseignement public (Neie Lycée, Concept du groupe luxembourgeois pour une école nouvelle, bac international au LTC, Lycée de Schengen-Perl, e-bac)
- Réformer les structures (réforme de la loi de 1912, restructuration le l'EST, redéfinition de la tâche des professeurs, réforme de la formation professionnelle)
- Réformer les contenus (logique des compétences, cycles d'apprentissages, révision de l'enseignement des langues)
- Améliorer les infrastructures scolaires (nouveaux lycées à Rédange, Junglinster et Belval, private-public partnership lors des nouvelles constructions pour le Neie Lycée et le Lycée technique pour Professions éducatives et sociales).
C'est bien maigre pour un commentaire de budget, qui devrait au moins fournir quelques pistes de mise à disposition et de changement d'affectation de ressources.
Le MEN reste fidèle à lui-même: il énonce des objectifs sans tracer la voie ni évoquer les moyens mis en oeuvre !
Le lien avec la redéfinition de la tâche des professeurs
L'analyse du projet de budget du MENFP pour 2007 fait apparaître une contradiction flagrante entre les prétentions des responsables gouvernementaux et leurs actes. Alors que l'Education nationale est présentée comme un enjeu stratégique, ses moyens de fonctionnement courants augmentent moins fortement que le budget ordinaire global. Ceci face à la progression - plus importante encore que prévue initialement - du nombre d'élèves et face aux exigences croissantes formulées à l'encontre de l'école publique. Quels moyens pour quelle école ? La question est posée ! Le gouvernement y répond en serrant l'étau autour des enseignant-e-s. Le lien avec la redéfinition de la tâche des professeurs est évident: il s'agit de les faire travailler plus pour le même salaire. Cela s'appelle « politique d'austérité » !