Bouger, c'est apprendre à vivre (Journal 6/2005) Aloyse Ramponi

06.11.2005

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Bouger, c'est apprendre à vivre


Cultiver le plaisir de bouger, favoriser l'apprentissage par le mouvement, voilà un défi pour les foyers scolaires/maisons relais, lieux de rencontre et de séjour des enfants en dehors du temps de classe. Observons le très jeune enfant ! La multitude de mouvements et de gestes (apparemment) sans but précis, à l'aspect un peu chaotique, faisant bouger le corps entier, le plaisir évident qu'il éprouve à les expérimenter, à les perfectionner et à les maîtriser, provoquent à chaque fois notre admiration. C'est toute l'évolution de l'espèce humaine qui se déroule devant nos yeux en ce court laps de temps. Ce petit clown, qui nous fait rire et provoque nos étonnements, se construit les bases de son équilibre physique et psychique, les conditions de son développement intellectuel.






Les trois premières années de la vie, c'est du pur mouvement de plus en plus raffiné. A quel autre stade du développement de l'être humain les progrès sont-ils plus massifs, plus rapides et plus spectaculaires ?

Puis suivent les années de l'apprentissage scolarisé et intellectualisé. La position assise s'installe, devient une norme de maturité scolaire. Pour bon nombre d'entre nous, cette position devient la coutume qui nous fige devant la télévision, le PC, sur un des sièges de voiture, sur le sable des plages avec bain de soleil ou bien encore derrière une table ou devant un comptoir, de préférence avec une alimentation et des boissons qui déterminent de plus en plus nos modes de vie et nos façons de bouger ou de ne pas bouger. Quels efforts éducatifs ne sommes-nous pas prêts à déployer pour amener notre progéniture encore bien vivante à accepter finalement ces habitudes de comportement peu adaptées à ses réels besoins?



Depuis longtemps, scientifiques et médecins poussent des cris d'alarme: manque de mouvement, malnutrition,obésité, allergies, hyperactivité, malaises physiques et psychiques, maladies dites de civilisation. Plus récentes sont les études qui établissent des relations entre l'absence ou le manque de mouvement et les déficiences de comportement, les difficultés scolaires, l'agressivité, la violence, l'hyperactivité et autres problèmes de communication et de concentration, auxquels sont confrontés parents, éducateurs et enseignants.

Bien qu'il ne s'agisse là que d'hypothèses que les chercheurs sont en train d'analyser et de vérifier, il devient de plus en plus évident que notre société éprouve de graves problèmes à maîtriser ces nouveaux fléaux sociaux, qui entre autre, pèsent sur les assurances sociales.

En se penchant peut-être trop sur les problèmes visibles et en y cherchant des remèdes thérapeutiques, ne risque-t-on pas de négliger le domaine préventif (moins coûteux), c'est-à-dire la création d'un encadrement et d'espaces propices pour que l'enfant, dès son plus jeune âge, puisse bouger, jouer et expérimenter librement, sauter, tomber, courir, grimper, bref, conquérir son espace de vie ? Je m'abstiens de commenter d'autres besoins pas moins élémentaires, mais qui ne font pas partie du présent article.

En effet, l'absence de mouvement n'est sûrement pas la seule cause de tous les problèmes soulevés, mais c'est au moins dans ce domaine que les structures d'accueil peuvent mettre en œuvre une panoplie de moyens pour répondre, si ce n'est que de façon complémentaire, à ce besoin si élémentaire de bouger, sans que tout soit organisé, réglementé et sécurisé jusqu'au dernier détail. A mon avis on y prête trop peu d'intérêt et d'importance.
Les termes de garderie ou encore de surveillance et d'accueil font croire à un encadrement sans qualification spéciale, alors que cette forme de pédagogie nécessite une démarche hautement qualifiée.

Bien sûr, il y a le sport, mais ne peut-on faire du sport, de même que toute autre activité, que si l'acquis d'une motricité adaptée est garanti par une démarche ludique

préalable, qui est à la base du développement physique et psychique chez l'être humain ?
Mettons donc tous les moyens en œuvre pour créer le cadre propice à favoriser le mouvement ludique, sans règles précises à priori; réservons l'espace, la place et le temps nécessaires au jeu spontané et expérimental; créons des espaces de mouvement et de défoulement, mais aussi de repos, surtout que bon nombre d'enfants, notamment en milieu urbain, ne disposent pas nécessairement de ces espaces, ni à leur domicile, ni dans leur environnement naturel.

Les conceptions des foyers scolaires (maisons relais) devraient tenir compte des considérations développées ci-devant pour créer les conditions propices au développement et à l'entraînement de la motricité chez les enfants :

  • garantie d'un encadrement hautement qualifié
  • création d'espaces variés de défoulement et de repos
  • éducation à la santé par le mouvement et la nutrition
  • mise à disposition de matériel adéquat
  • apprentissage par le mouvement
  • techniques de relaxation
  • exercices psychomoteurs variés
  • développement des moyens d'expression par le mouvement - meilleure communication et intégration
  • prévention de la violence par le mouvement, le jeu et l'activité sportive bien comprise
  • lien entre le mouvement et l'activité créative et culturelle
  • développement de l'autonomie et du sens de la responsabilité
  • mise en valeur du plaisir de bouger physiquement et mentalement


layoutPermettons, encourageons le mouvement avant de le coincer dans des règles qui risqueraient de le limiter plutôt que de le favoriser. Réduisons donc ces règles au strict minimum du nécessaire. En ayant le droit de trouver leurs limites, les enfants trouveront eux-mêmes les règles qui leur permettront de développer leur personnalité dans l'estime de soi-même et d'autrui. Cette démarche éducative crée une ambiance de confiance, de respect mutuel et de plaisir.
Développons la culture physique pour éliminer un facteur de risque, dont les conséquences coûtent cher à l'individu et à la société ! Dans ce contexte, les foyers scolaires, dotés des moyens nécessaires et de la considération qu'ils méritent, vont bien au-delà d'une garderie qualifiée. Ils constituent un lien entre l'éducation familiale et l'instruction scolaire, ils présentent un terrain d'apprentissage complémentaire indispensable pour un
nombre croissant de nos enfants, à condition que la devise soit bien comprise :

Le mouvement est le moteur de tout apprentissage

Texte: CAPEL (Centre d'Animation Pédagogique et de Loisirs, Ville de Luxembourg



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, instituteur, Luxembourg