Le SCRIPT - situation actuelle et perspectives de développement

03.11.2004

Dans l'article « EST-Quo vadis ? », paru dans le SEW-Journal no 3-04, le manque, voire l'absence de recherche pédagogique au Luxembourg a été mis en évidence et il a été noté que « le MENFPS a même procédé à un démantèlement du SCRIPT, dont l'activité se limite actuellement à publier des statistiques et à administrer l'offre de formation continue ». Suite à la publication du journal, le directeur du SCRIPT nous a contacté pour « redresser cette présentation des choses » et pour« mettre en lumière les différentes activités de son service ». Les lignes suivantes résument l'entretien avec Monsieur Michel Lanners.

M.L.: Sans pouvoir entrer dans les détails, je voudrais mettre en évidence les grands axes d'intervention du service..
L'activité du SCRIPT comprend trois volets fondamentaux :
- La conception, l'organisation et l'évaluation de la formation continue
A partir de la prochaine rentrée scolaire, les activités de formation continue du SCRIPT s'adresseront à l'ensemble du personnel enseignant, psycho-socio-éducatif et dirigeant de tous les ordres d'enseignement, y compris le personnel de l'Education différenciée.
Avec 100.000 personnes-cibles (élèves inclus), le MENFPS, par l'intermédiaire du service ressources SCRIPT, devient ainsi le plus important « offreur » de formation continue du pays. Je note en passant qu'une seule personne assure actuellement le travail d'organisation de la formation continue. Elle est assistée par deux auxiliaires temporaires, qui repartent dès qu'ils ont trouvé un emploi. Le service a développé des relations de partenariats avec de nombreux instituts de formation étrangers, avec l'Université du Luxembourg et avec l'Institut Nationale d'Administration Publique (INAP) luxembourgeois. Ce dernier reconnaît d'ailleurs officiellement les cours offerts par le SCRIPT dans le domaine pédagogique.
A l'avenir, une plus grande visibilité et partant plus grande dynamique des activités de formation pédagogique (sorte d'INAP pédagogique) pourrait être atteinte en créant un institut de formation pédagogique particulier.

- le monitoring du système scolaire luxembourgeois
La production de statistiques courantes sur le système scolaire luxembourgeois est une tâche de base; au-delà des données quantitatives courantes, il convient de pousser la recherche en direction du suivi du parcours scolaire des élèves (cela est désormais légalement possible). Nous développons des instruments permettant aux écoles de s'informer sur leur propre fonctionnement et de garantir un enseignement de bonne qualité. Il convient de mentionner à ce sujet la récente consultation nationale « Votre école et vous » qui s'est adressée aux enseignant-e-s dans les lycées et lycées rechniques ou encore les questionnaires à destination des bacheliers. Pour l'année prochaine, en prolongement de cette consultation nationale, un projet-pilote est prévu au LMRL. Celui-ci comportera une enquête en direction des élèves, des enseignants et des parents des élèves. De manière plus générale, il faut promouvoir la formulation d'objectifs dans les programmes scolaires (au lieu de contenus), l'établissement de standards éducatifs et l'évaluation systématique des projets réalisés. Le Luxembourg poursuit également ses participations aux études internationales, qui lui permettent de mettre en évidence les forces et les faiblesses du système scolaire. A nous tous, de tirer ensuite les conclusions qui s'imposent.

- l'innovation pédagogique
L'innovation pédagogique n'a pas de fin en soi. Elle est soit directement au service des écoles (notamment dans les divers projets pédagogiques portant sur la prévention de la violence et de la toxicomanie ), soit au service du MENFPS (pour les projets d'innovation dans l'enseignement primaire et pour certains projets pédagogiques dans l'enseignement postprimaire).
Le Centre de documentation et de formation continue, installé dans le bâtiment du Centre de Langues sera pleinement opérationnel à partir de la rentrée 2004-05 il constituera à l'avenir un moyen précieux pour participer au renouveau de l'éducation au Luxembourg; environ 70 % des cours de formation continue y auront lieu. Malheureusement, le Centre de documentation n'est géré que par une seule personne; pour pouvoir assurer une permanence pendant tous les après-midi, une autre demi-tâche de bibliothécaire-documentaliste est certainement nécessaire. Sans ressources humaines en nombre et en qualification suffisants, il nous est impossible d'offrir les meilleurs services aux enseignants.
Je remarque aussi que le SCRIPT sollicite pleinement les opportunités offertes par les moyens de communication électronique modernes, tant au niveau de la gestion des activités de formation continue, qu'au niveau de l'innovation pédagogique dans les écoles.

G.F.: Ma remarque a peut-être été un peu sèche. Mais il faut voir le contexte dans lequel elle été faite, c'est-à-dire la critique du projet-pilote de réforme du cycle inférieur de l'EST. Celui-ci se passe en effet à la fois d'une évaluation sérieuse des problèmes de l'EST et d'une mise à disposition de moyens (personnel, formation, infrastructures - les responsables ont renvoyé ici à la future autonomie des établissements) pour surmonter ceux-ci, alors qu'il risque de générer des changements de structure profonds de l'EST. Dans le rapport d'activité 2003 du MENFPS, l'intervention du SCRIPT y est décrit comme suit: « Le SCRIPT collabore en tant que service ressource pour l'innovation pédagogique au projet de réforme du cycle inférieur … » (p. 103).
Or, quelles ressources concrètes le SCRIPT a-t il fournies à ce sujet ?

M.L.: Le SCRIPT a financièrement pris en charge le groupe de travail en question (5 personnes), il a assuré la formation de ces enseignant-e-s et il a financé l'assistance de la part d'une personne externe de l'université de Namur (consultante externe). Présidé par un représentant du ministère, le groupe de pilotage était également assisté d'une collaboratrice du service.

G.F.: Vous admettrez avec moi que la recherche fondamentale au niveau pédagogique fait défaut au Luxembourg, bien que nous en ayons cruellement besoin, surtout au niveau de l'enseignement des langues. Il s'agit là d'un problème qui ne se présente nulle part ailleurs dans cette envergure et qu'aucun autre pays ne résoudra à notre place. Il est donc impératif que nous nous y attelions.
Or, malgré les résultats catastrophiques pour notre pays révélés par l'étude PISA, aucun effort substantiel en matière de recherche pédagogique plus fondamentale sur l'apprentissage des langues n'a été fait. La politique scolaire actuelle part de l'idée que les enfants des immigrés apprendront le Luxembourgeois grâce à l'éducation précoce et préscolaire et qu'ils pourront ainsi être intégrés avec succès dans l'enseignement primaire. Cette optique néglige e.a. le rôle de la langue maternelle pour l'apprentissage d'autres langues. Je me demande, qui va faire le suivi des progrès scolaires de ces enfants; qui va évaluer le succès - ou l'échec - de cette politique. J'ai l'impression qu'on continue comme par le passé à mener une politique au jour le jour et à se limiter à réformer au niveau des critères de promotion.
Le seul service-ressource dont le MEN dispose pour sortir de ce cercle vicieux - et qui pourrait notamment faire appel à l'Université du Luxembourg pour pousser la recherche -est le SCRIPT !
Pensez-vous que le personnel dont vous disposez actuellement sera en mesure de dépasser l'évacuation des affaires courantes (organisation de la formation continue des enseignants, travaux statistiques, coordination des projets d'innovation) ?

M.L.: Non ! Le ministère devrait se donner davantage de moyens (ressources humaines et financières) pour combler ces lacunes. J'attire votre attention sur le fait que le SCRIPT dispose cette année de 0,52 % des ressources du MEN. Pour vous donner une idée de ce qui est investi dans l'évaluation et l'analyse du système scolaire luxembourgeois, je vous dis que si on fait abstraction des 300.000 € qui vont dans l'organisation et le suivi de l'étude PISA, il ne reste qu'une somme d'environ 100.000 € pour l'ensemble des autres projets. La consultation nationale « Votre école et vous », nous l'avons pu mener à terme grâce au concours d'une étudiante-stagiaire pour tout vous dire …

G.F.: Quels vœux formulez-vous à l'adresse des membres du nouveau gouvernement et du nouveau ministre de l'éducation nationale au sujet de votre service ?

M.L.: Comme tout citoyen, j'aimerais d'abord qu'ils n'oublient pas trop vite ce qu'ils ont dit et promis aux électeurs lors de la campagne électorale !
Au nouveau ministre de l'éducation nationale, je souhaite du courage et de la persévérance dans son travail. Au niveau des actions concrètes, il me semble indispensable d'investir nos efforts dans une meilleure compréhension de l'échec scolaire au Luxembourg pour en situer clairement ses causes et ses conséquences (financières et humaines) et pour pouvoir prendre ensuite les mesures adéquates. La fixation de standards de formation dans le cadre de programmes réformés et partiellement élagués devraient être également des projets prioritaires dans le futur immédiat.
Quant au personnel du service, il faudrait l'augmenter substantiellement au vu des missions très variées définies par la loi ou bien, comme je l'ai suggéré en introduction, penser sérieusement à un recadrage de ses missions à l'image des organismes similaires à l'étranger.

G.F.: Monsieur Lanners, je vous remercie pour cet entretien !

Guy Foetz (26/07/04)