Les comités d'école et les comités de cogestion sur les rampes de lancement (Journal 4/2009) Patrick Arendt

Faut-il le rappeler pour la énième fois que l'introduction des comités d'école était une des revendications majeures du SEW/OGB-L. Le fait que la nouvelle loi sur l'enseignement fondamental donnait enfin une base légale à la cogestion, était l'argument clé pour soutenir la nouvelle loi.
Faut-il rappeler que le concept de la gestion des écoles par un comité, formé par des enseignants élus démocratiquement au sein du corps enseignant, n'a pas été inventé lors de l'élaboration de la réforme scolaire. Des comités existaient auparavant dans bon nombre de communes. Ils avaient bien compris que le délégué du personnel était trop souvent pris entre le marteau et l'enclume et n'arrivait pas à satisfaire les demandes et exigences qui venaient des enseignants, de la commune et de ses supérieurs hiérarchiques. Les comités de cogestion, une équipe pédagogique avant la lettre, pouvait gagner le poids et l'influence nécessaire pour faire valoir les intérêts des enseignants. Bien que les comités avaient adopté des modes de fonctionnement différents pour s'adapter aux besoins de leurs écoles, ils apportaient un plus au fonctionnement de leurs écoles.
La mise en place d'un comité de cogestion pour les grandes communes se révèle d'une grande importance. Il est indispensable que les enseignants disposent d'une représentation au niveau communal pour se faire une vue globale de la situation scolaire de la commune et pour coordonner les propositions émanant des différentes écoles, afin de présenter un projet de développement scolaire cohérent aux responsables politiques. La répartition des moyens, des postes, des classes et du budget doivent se faire selon les besoins des écoles des différents quartiers afin de garantir l'égalité de la qualité de l'enseignement. Les comités de cogestion élus par tous le personnel des écoles de la commune seront le garant d'un traitement équitable de toutes les écoles. Les autorités communales pourraient bien être tentées de privilégier tel projet au détriment de tel autre et d'accorder plus de moyens à telle école au détriment de toutes les autres. Le rôle d'un comité de cogestion sera de veiller au traitement équitable de toutes les écoles et d'organiser une réflexion approfondie sur la qualité des différents projets. Une telle analyse orientera les prises de décision communales ainsi que l'élaboration de projets futurs. Vu le rôle important des comités de cogestion, le SEW/OGB-L regrette que la loi ne prévoie pas plus de moyens et de décharges pour cette tâche, ce qui risque d'affaiblir la force de proposition des enseignants dans les grandes communes.
Les comités existants ont profité du troisième trimestre de l'année scolaire écoulée pour s'adapter à la nouvelle loi scolaire et pour organiser de nouvelles élections afin d'être opérationnels lors de la phase de l'élaboration de l'organisation scolaire 2009/2010. Dans les communes ne disposant pas de cogestion, soit parce que les autorités communales y étaient opposées, soit parce que les enseignants n'en voyaient pas l'intérêt, de nouveaux comités furent créés.
La loi a toutefois confié trop d'attributions et de missions à la seule personne du président du comité d'école. Que ceci provienne de critiques formulées par des associations ou des parents d'élèves charchant un interlocuteur clairement identifiableau sein de l'école ou d'autres considérations moins avouables, le président du comité d'école risque de se retrouver dans une situation similaire au délégué du personnel d'antan. Le ministère, les inspecteurs et dans une moindre mesure les communes risquent de l'accaparer et de le surcharger de tâches administratives. Le président et son comité d'école ne pourront jamais être le bras droit du ministère ou de l'inspecteur. Actuellement des inspecteurs essayent d'organiser à leur gré les comités de leur arrondissement pour garder le contrôle et la mainmise. Dans ce contexte, il est important de rappeler que les comités d'école, contrairement au directeur d'école, représentent une gestion émanant du corps enseignant. Les comités ne vont donc pas se faire octroyer des projets pédagogiques ou des méthodes d'enseignement, mais dans un processus d'organisation par la base et en concertation avec les collègues, profiter du savoir-faire pédagogique des enseignants du terrain pour développer leurs propres concepts et parfaire la qualité de leur enseignement.
Dans ce contexte, il faut rester vigilant à ce que les comités ne soient pas submergés par des tâches administratives, souvent superflues ou ne contribuant pas à l'amélioration de l'enseignement. Clamons le haut et fort: Le rôle du président du comité ne se résume ni à distribuer toutes sortes de paperasseries du ministère, ni à faire exécuter les projets de l'inspecteur. Il est toutefois évident que le président tentera d'établir une bonne collaboration avec ses supérieurs hiérarchiques.
Il y a toutefois des bémols qui subsistent.
Dans l'accord de coalition du nouveau gouvernement, les deux partis se sont engagés à analyser voire à préparer le terrain pour un directeur d'école. Le SEW/OGB-L s'opposera violemment à de tels projets qui remettent en question le difficile compromis trouvé au moment du vote de la loi. Nous sommes convaincus que les comités prouveront leur efficacité si seulement on le leur permet et si l'on ne considère pas le président du comité d'école d'emblée comme le prédécesseur du directeur.
Les formations continues du SCRIPT indiquent d'ailleurs le chemin dans cette direction. Il ne s'agit pas d'installer une sorte de management d'école à l'image d'entreprises fortement hiérarchisées, mais d'organiser la participation de tout le corps enseignant. Les enseignants qui ont déjà acquis une expérience et qui ont contribué à perfectionner le système des comités de cogestion, se retrouvent dans le devoir d'offrir leur collaboration au SCRIPT pour transmettre leurs compétences. Les comités représentent avant tout un modèle participatif de gestion. Les initiatives sont prises à la base. Ceci est totalement opposé au modèle hiérarchique du directeur qui constitue le modèle du « top down ».
Aux comités de rester vigilants pour ne pas se faire imposer l'institution du directeur d'école par la petite porte. Si dans une première phase, des incertitudes et des questions concernant le fonctionnement, les missions et les objectifs des comités subsistent, ceux-ci ont tout intérêt de se concerter entre eux au lieu d'abandonner l'initiative et de se faire guider par le ministère, le SCRIPT ou leur inspecteur.
Le SEW/OGB-L exige que le gouvernement laisse le temps aux comités de démontrer leur efficacité, tout en leur attribuant les moyens et ressources nécessaires et sans leur octroyer un mode de fonctionnement préméditant l'introduction du directeur d'école.
Par l'attribution du grade bis au président du comité, il serait à nouveau prouvé que le travail avec et auprès des élèves a moins de valeur que les tâches administratives.
La nouvelle loi constitue un grand pas dans la bonne direction. Les enseignants sont dans la responsabilité de démontrer l'efficacité d'un modèle que pour une fois le Luxembourg n'aura pas copié sur ses voisins. Aux responsables politiques de faire preuve de leur confiance dans l'engagement et le professionnalisme des enseignants, de leur laisser le temps nécessaire à l'intériorisation de la cogestion, tout en leur accordant les libertés indispensables et en leur garantissant les ressources humaines et financières.
Au boulot !
Membre de la direction syndicale