EST - Quo vadis ? (Journal 3/2004) Guy Foetz
EST - Quo vadis ?
Genèse de l'EST ...
L'enseignement secondaire technique a été créé par la loi du 21 mai 1979, à la fin de la première législature d'après-guerre régie par une coalition LSAP-DP, c'est-à-dire sans le parti social-chrétien (PSC-CSV).
A l'issue du mouvement de réformes scolaires des années 1970 et à un moment de crise économique profonde, il s'agissait de mettre en place, à côté de l'enseignement classique, un enseignement technique cohérent, performant et ouvrant de nouvelles perspectives aux couches défavorisées de la population. Le déclin de l'industrie sidérurgique employant des milliers d'ouvriers peu formés et la tendance vers une économie techniquement plus avancée lançaient le défi d'une meilleure qualification et d'une formation générale plus élevée pour un plus grand nombre.
La loi de 1979 fut le résultat d'un compromis :
... et premières adaptations dans les années 1980
Le changement de gouvernement (CSV-DP) après les élections législatives de 1979 eut pour conséquence que les règlements d'exécution des lois scolaires de 1979 furent prises sous l'égide du parti social-chrétien, qui, au cours de la législature précédente, avait marqué son opposition farouche à ces lois.
La première victime du changement politique fut le «tronc commun », vidé progressivement de sa substance à travers la dilution de la réglementation existante et le tarissement des moyens financiers pour sa mise en oeuvre.
Quant aux idées sous-jacentes à la loi sur l'EST, et notamment celle de l'égalité des chances, le manque de concept et le conservatisme des « nouveaux » dirigeants leur faisaient rapidement échec.
Ainsi, au niveau des changements structurels, on note :
Au niveau des méthodes et contenus, il faut regretter :
Les mauvais résultats des élèves dans les nouvelles structures plus ou moins improvisées de l'EST (dégringolade vers les filières basses) et les problèmes de recrutement d'apprentis pour les métiers traditionnels mis en évidence par la Chambre des métiers début 1985 entraîna la préparation d'un projet de réforme en direction d'une meilleure prise en compte des intérêts des entreprises. Parmi les « innovations » prévues figuraient:
regain de l'enseignement en ateliers pour apprendre le « geste manuel » et séparation dès la huitième entre élèves « professionnels » destinés à l'apprentissage d'un métier et élèves « techniques»;
étape.
Les changements lors des années 1990
Les élections législatives de 1989 et le changement de ministre (Fernand Boden fut remplacé par Marc Fischbach) mirent provisoirement fin à la discussion et c'est en 1990 que la loi du 4 septembre portant réforme de l'EST et de la formation professionnelle introduisit de nouvelles modifications fondamentales somme toute plus conciliantes et positives que celles prévues dans le projet initial de 1988-89. Les changements prévus par l'ancien projet en matière de professionnalisation du cycle inférieur furent en partie maintenus, mais un accent plus important fut mis sur l'établissement d'un profil d'orientation. D'autre part, le diplôme de technicien (régime Formation de technicien) est désormais
considéré comme le diplôme central de l'EST et le bac technique délivré aux diplômés du régime technique est déclaré équivalent au bac classique (allgemeine Hochschulreife-équivalence générale quant à la poursuite d'études supérieures et universitaires). Notons encore la création du régime préparatoire de l'EST par la loi du 3 juin 1994.
Un processus de réformes en matière de contenus et de méthodes fut lancé et le SCRIPT (Service de Coordination de la Recherche et de l'Innovation pédagogiques et technologiques) créé par la loi du 7 octobre 1993 et doté d'importantes prérogatives. Le ministre Fischbach, très actif et - peut-on dire visionnaire ? - lança de nombreux projets; or malheureusement la plupart n'ont guère dépassé le cercle des initié-e-s directement impliqué-e-s. Même les acquis de projets de plus grande envergure, comme PROF ou PROOF n'ont pas suffisamment été évalués ni généralisés. On touche ici à un problème fondamental de l'école publique luxembourgeoise: l'absence de prise en charge institutionnelle et d'évaluation des réformes sous la direction du Ministère de l'Education nationale. Cette administration éprouve de grandes difficultés à mettre en oeuvre et à faire assumer par l'ensemble du personnel enseignant des réformes majeures. Faute d'évaluation, faute de politique de formation continue et faute de poigne politique visant à faire appliquer les acquis, on reste confiné au niveau de l'amateurisme, qui finit par décourager finalement même les derniers imperturbables. A cela s'ajoutait le manque de personnel qualifié causé par la politique d'austérité aussi incompréhensible qu'irresponsable.
Le fait est que les problèmes fondamentaux auxquels se trouve confronté l'EST n'ont pas été résolus, ni ses performances améliorées. Cette situation perdura tout au long de l'ère Hennicot-Schoepges (deuxième moitié des années 1990), qui fut surtout marquée par des discussions stériles sur les critères de promotion et une redéfinition plus exclusive des finalités du diplôme de technicien en direction de la vie active.
L'« offensive scolaire » dans l'EST depuis 2000: un constat décevant
Le Ministère de l'Education nationale actuel, au lieu d'ouvrir de nouvelles perspectives à l'EST, a plutôt fait marche arrière par rapport à la loi de 1990. Nombre de ses mesures donnent l'impression qu'il lui importe avant tout de drainer les élèves le plus rapidement possible à travers le système scolaire, au lieu de
faire prévaloir l'obtention d'une qualification maximale par un maximum de jeunes. Sans entrer dans le détail, mentionnons à cet égard trois mesures du MENFPS et la position du SEW/OGB-L à leur égard :
L'article « Objectif réussite » publié pans le présent journal dresse un premier bilan de la part d'une enseignante engagée dans le projet en question.
D'autre part, on traite ainsi différemment les élèves de l'EST par rapport à ceux/celles de l'ES, où une telle restriction n'existe pas !
Alors que nous admettons qu'il faille orienter les élèves suivant leurs capacités, nous doutons fort que les capacités de nos élèves ne soient suffisamment mises en valeur dans le cadre du système scolaire luxembourgeois actuel. (Voir à ce sujet l'article qui analyse les réponses de la Ministre de l'Education nationale à la question parlementaire du député Serge Urbany au sujet du règlement grand-ducal du 10 juillet 2003 déterminant l'évaluation et la promotion des élèves de l'EST.)
Quelles solutions pour quels problèmes ?
Il ne s'agit pas ici de désapprouver dans l'ensemble l'action menée par le MENFPS depuis 5 ans dans l'enseignement secondaire technique; un certain nombre de mesures, comme celle libéralisant l'usage des langues dans l'EST, ou l'intention déclarée du projet-pilote de réforme du cycle inférieur de créer un « environnement stable et attentionné » pour les élèves (classes stables, équipe réduite d'enseignant-e-s, tutorat, réaction immédiate en cas de difficulté) vont dans la bonne direction. N'empêche que les mesures de libéralisation des langues ne remédient pas au problème fondamental de l'apprentissage des langues au Luxembourg.
N'empêche que ledit projet-pilote se passe à la fois d'une évaluation sérieuse des problèmes de l'EST et d'une mise à disposition de moyens (personnel, formation, infrastructures - les responsables ont renvoyé ici à la future autonomie des établissements) pour surmonter ceux-ci, alors qu'il risque de générer des changements de structure profonds de l'EST. Il n'est pas admissible que le MENFPS se réfère à l'autonomie des établissements quand il est pris au dépourvu d'explications et de moyens. Les élèves et leurs parents, ainsi que les enseignant-e-s de l'EST méritent que le MEN les prenne au sérieux et qu'il ne continue pas d'essayer de les embarquer dans des projets irréfléchis.
Nous touchons ici au manque - ne devrait on dire plutôt: à l'absence ? - de recherche pédagogique au Luxembourg. Or, il est un fait que le MENFPS actuel a même procédé à un démantèlement du SCRIPT, dont l'activité se limite actuellement à publier des statistiques et à administrer l'offre de formation continue. Les responsables au Ministère de l'Education nationale pensent-ils/elles réellement qu'on puisse retourner aux recettes d'antan et qu'il soit possible d'assurer l'avenir formatif du pays en se focalisant sur les qualifications de base et sur la réduction du taux d'échec (dû en réalité au fait qu'on interdit aux élèves de doubler une année) ?
Ou a-t-on affaire à un manque d'imagination, de compétences, et de moyens de mise en oeuvre de leur part ? Gageons que face au défi de la société du savoir et de la formation continue, il faudra s'engager en direction d'un relèvement du niveau de qualification de l'ensemble des jeunes passant par notre système scolaire, et en particulier par l'EST. Pour y réussir, il faudra
Tout cela demande des investissements dans la recherche pédagogique et la formation des enseignante-s, ainsi que dans l'équipement des écoles; soit l'engagement de vraies réformes à moyen et long terme.
C'est ce projet fondamental que le prochain gouvernement devra enfin entamer !
![]() Guy Foetz Vice-président du SEW |
(*) «Le Conseil de classe prendra comme ligne de conduite pour sa décision qu'il faut de bonnes notes (>45)pour les branches «'importantes' dans la formation visée.»
Projet de loi de base sur l'école : Admissibilité limitée pour les détenteurs d'un bac technique
L'article 21 du projet de loi de base sur l'école actuellement déposé à la Chambre des Députés fait une différenciation entre l'enseignement secondaire et l'enseignement secondaire technique. L'expression « Sous certaines conditions, l'EST permet aux élèves d'accéder aux études supérieures de niveau universitaire » constitue une barrière pour les élèves de l'EST. Il faut noter d'ailleurs une contradiction avec l'article 12 de la loi sur l'Université du Luxembourg, qui ouvre l'accès aux études universitaires aux détenteurs d'un diplôme de fin d'études secondaires ou secondaires techniques et même aux détenteurs du diplôme de technicien dans leur spécialité.
Dans son avis sur le projet de loi de base, le SEW a exigé de redresser cette incohérence.
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