La formation mal organisée des chargés d’éducation nouvellement engagés - l’aboutissement d’une politique de recrutement désastreuse

Depuis le milieu des années 1980, les responsables successifs du Ministère de l’Éducation nationale ont recruté année par année un nombre insuffisant de personnel enseignant qualifié dans l’enseignement postprimaire.
Depuis des années aussi, les syndicats d’enseignants – en particulier le SEW – ont protesté contre cette politique anémique. Nous ne comptons plus les articles, avis et prises de position à son encontre.
Le MEN s’est finalement rendu compte que la situation est devenue intenable – 25 % des cours dans l’ES et l’EST sont à présent assurés par des chargés de cours et d’éducation, qui ne disposent d’aucune formation pédagogique. Mais au lieu de rectifier le tir de manière correcte, le MENFP a poursuivi sa politique négative.
- Il a promu une loi créant une voie de recrutement parallèle d’enseignants du postprimaire à un niveau de formation inférieur à celui prévu pour les titulaires et avec des conditions de travail et de rémunération plus déasavantageuses. En effet, ces enseignants peuvent à présent être recrutés de manière tout à fait légale au niveau d’un bachelor et ils doivent assumer une tâche de 24 leçons par semaine pour un salaire de 2.500 euros brut par mois. Le seul élément “positif” est l’introduction d’une formation obligatoire – il est vrai – minimaliste, de 60 heures pour les chargés d’éducation.
- Il a réformé le stage pédagogique en diminuant les heures de tutorat et de formation pédagogique, en accroissant le nombre de leçons d’enseignement des stagiaires et - surtout - en déplaçant le commencement du stage du début du 2e au début du 3e trimestre de l’année scolaire. Du fait de ce dernier changement, le stage devient une véritable machine à recrutement de chargés d’éducation. En effet, en attendant l’examenconcours, les nouveaux diplômés s’orientant vers l’enseignement cherchent dès septembre à trouver un emploi comme chargé d’éducation et resteront en place malgré un échec au concours.
Ajoutons que ceux qui réussissent au concours entreront en stage au 3e trimestre à partir de situations de chargé d’éducation différentes (leur tâche varie de 11 à 22 leçons) et sont rémunérés de manière variable suivant cette situation de départ; la réforme du stage sert donc de prétexte pour abaisser la rémunération de certains stagiaires débutants comparativement au niveau de rémunération actuel.
Le SEW a bien évidemment rejeté la nouvelle loi de recrutement des chargés d’éducation – tout en approuvant par ailleurs la formation nécessaire de 60 heures.
Quant à la réforme du stage pédagogique, nous avons demandé surtout de faire commencer le stage au début de l’année scolaire. Or, le MEN a refusé cette demande parce qu’il ne voulait pas réformer le concours de recrutement. Pourtant, c’est précisément cet examen-concours qui est en grande partie responsable de la pénurie actuelle d’enseignants qualifiés. Il est mal organisé, peu transparent tant au niveau des objectifs que de la composition des jurys et éliminatoire pour de nombreux candidats, qui pourtant continuent d’enseigner comme chargés d’éducation. Dès sa mise en place au début des années 1980, il a servi de rempart contre la prétendue “pléthore” d’enseignants que le MEN revendiquait faussement pour réduire les recrutements.
Ensuite, après sa transformation en examen-concours dès 1992, il réintroduisait une sorte de collation des grades d’avant 1968 à l’égard des diplômes délivrés par les universités étrangères.
Le SEW n’a cessé depuis une dizaine d’années de présenter ses propositions de réforme de l’examen-concours, à commencer par une lettre adressée au 1er ministre en avril 2001 jusqu’aux propositions faites à la ministre de l’Education nationale en juin 2007 et qui sont restées sans effet à ce jour.
Mais voici que Madame Delvaux voudrait soudainement réformer l’examen-concours.
C’est étonnant et réjouissant à la fois! Le tapage autour de la formation des chargés d’éducation on ne peut plus mal organisée commencerait-elle à produire ses premiers fruits?
Nous attendons ses propositions tout en lui disant que le recrutement parallèle d’enseignants non qualifiés dans le postprimaire est devenu intolérable. Notre manifestation avec les chargés d’éducation nouvellement recrutés, qui sont les victimes d’une politique de précarité systématique, n’est que la première expression de ce ras le bol!
Professeur de sciences économiques
et sociales au LNB
Vice-président du SEW/OGBL