Prise de position du SEW au sujet de l'avant-projet de règlement G-D portant organisation des équipes curriculaires et des commissions nationales pour les programmes de l'EST

Le MENFP - un ministère sans mémoire ni savoir-vivre ?
Dans le cadre de la nouvelle loi portant réforme de la formation professionnelle, le MENFP a élaboré un avant-projet de règlement grand-ducal portant organisation des équipes curriculaires et des commissions nationales pour les programmes de l'EST.
Or, l'exposé des motifs de ce document déclare :
« Avec la nouvelle loi portant réforme de la formation professionnelle, il y aura un changement de paradigme: . La réforme de ces programmes de formations vise les objectifs suivants :
- améliorer la cohérence entre la formation en milieu scolaire et en milieu professionnel … .
- mettre en œuvre l'approche par compétences …. (p. 1 et 2)
- offrir toutes les formations en système modulaire …» ( p..2)
« … les lycées techniques … ne doivent pas fonctionner en vase clos. Il est important qu'ils soient à l'écoute de l'économie luxembourgeoise. » (p. 3) :
Face à ces déclarations, il nous tient à cœur de rappeler aux rédacteurs de cet exposé des motifs que depuis le début des années 1990, les projets PROF et PROF-Update (Projet fir d'Objektiver vun der formation professionnelle ze formuléieren) ont sans discontinuer mis en œuvre l'adaptation des programmes des formations de CATP et des formations de techniciens aux besoins de l'économie luxembourgeoise. Cette adaptation a eu lieu en concertation étroite avec les représentants du monde économique - dont les Chambres professionnelles - et suivant une procédure standardisée partant du profil professionnel issu d'enquêtes auprès des entreprises et passant par le profil de formation, pour aboutir au programme directeur d'ensemble et aux programmes d'études des différentes branches enseignées.
Nous tenons à mettre en évidence que bien avant le dépôt du projet de loi portant réforme de la formation professionnelle voté en décembre dernier, cette procédure standardisée a fait l'objet d'un fascicule édité par le MENFP en 2004, intitulé « Vade-mecum pour l'élaboration et le modification des programmes d'études des formations de l'enseignement secondaire technique du Luxembourg » ?
Nous voudrions rappeler aussi que notamment les programmes directeurs des formations de l'Employé de bureau et du Technicien administratif et commercial viennent d'être révisés suivant ladite procédure standardisée et qu'ils ont été formulés dans une optique de compétences.
Plus précisément encore, nous tenons à soumettre aux rédacteurs de l'exposé de cet avant-projet de règlement, les éléments-clés suivants du projet PROF-update (2000-2005) au sujet de la formation du technicien administratif et commercial:
- en 2000, des interviews furent menées avec des chefs de personnel de 18 entreprises occupant des techniciens administratifs et commerciaux et avec des diplômés de l'année 1997, pour savoir si l'ancien profil professionnel datant de 1993 et les qualifications reçues correspondaient encore aux besoins ;
- la même année, plusieurs auditions avec des chefs d'entreprise des branches représentatives, et des représentants de la Chambre de Commerce et de la Chambre des Employés privés eurent lieu et l'ancien profil professionnel datant de 1993 fut adapté en fonction de toutes les informations obtenues ;
- ce nouveau profil fut par la suite adressé à 300 entreprises et validé par elles ;
- sur base de ce profil validé de 2001, et à travers un profil de formation structuré par domaines de compétences, un nouveau programme directeur et de nouveaux programme d'études (dont les objectifs opérationnels procèdent de mises en situation concrètes et d'une logique de compétences !) ont été élaborés et progressivement mis en route à partir de la classe de 10e dès l'année scolaire 2004-2005. Parmi les nombreuses innovations en direction d'une plus grande orientation pratique, relevons un entraînement renforcé au niveau des logiciels bureautiques, l'introduction d'un cours de comptabilité informatisée, la création d'une entreprise d'entraînement dans chaque classe de 12e et la gestion de projets suivant une méthode professionnelle.
L'exposé des motifs de l'avant-projet sous revue ne mentionne aucune de ces réalisations et suggère même que la formation professionnelle luxembourgeoise aurait évolué en vase clos, qu'elle serait restée à l'écart de la vie professionnelle des élèves et qu'il aurait fallu attendre la nouvelle loi portant réforme de la formation professionnelle pour sortir l'enseignement technique luxembourgeois d'une léthargie centenaire, à l'instar de la Belle au bois dormant.
Comment expliquer une telle méconnaissance des faits, alors que cet avant-projet constitue un document législatif officiel rédigé par des responsables du MENFP ?
De deux choses l'une: soit le MENFP est un ministère sans mémoire, de sorte que les rédacteurs de l'avant-projet ignorent purement et simplement ce qui s'est passé dans leur ministère pendant les vingt dernières années, soit nous avons affaire à des personnes arrogantes, qui méprisent ce qui a été réalisé avant leur entrée en fonction et préfèrent ne pas en tenir compte.
Dans les deux cas, nous jugeons la situation extrêmement préoccupante et de mauvais augure pour les équipes curriculaires que l'avant-projet entend créer. En effet, sans pouvoir tirer profit de l'expérience passée, celles-ci repartent à zéro et risquent de délivrer un travail bâclé en septembre 2012, moment de démarrage des nouvelles formations prévues par la loi de décembre 2008.
Le cours que suivent les choses à l'heure actuelle n'est pas encourageant: les équipes curriculaires que le MENFP a déjà mises en place - sans avoir attendu ni le vote de la loi portant réforme de la formation professionnelle, ni l'acceptation d'un quelconque règlement grand-ducal - fonctionnent d'après le site www.men.lu avec une « grande majorité de personnes … qui ne possède(nt) que peu d'expériences et de connaissances dans l'élaboration de curricula selon une approche par compétences … ». D'où la nécessité, suivant le même site, « de coopérer avec le Bundesinstitut für Berufsbildung (BIBB) de Bonn ainsi qu'avec l'université de St. Gallen ».
En recourant une nouvelle fois à la collaboration d'institutions étrangères pour élaborer de nouveaux référentiels, comme cela a été le cas au début des années 1990, on revient à la case départ et on fait fi de l'expérience accumulée depuis lors ! Nous pensons qu'il s'agit là non seulement d'une dilapidation de fonds publics par le MENFP, mais encore d'une incapacité - pour ne pas invoquer le terme d'incompétence - à utiliser l'expertise de ses propres fonctionnaires. Il doit être permis de poser la question pourquoi le MENFP ne réussit pas à mobiliser les enseignants qui ont acquis cette expertise à force de s'être attelés pendant des années à l'élaboration de programmes directeurs suivant la méthode standardisée citée. La réponse se trouve peut-être du côté du mépris pour le travail accompli.
En attendant, les experts du BIBB, en parfaite ignorance de ce qui s'est passé dans l'enseignement secondaire technique luxembourgeois au cours des deux décennies passées, déclarent qu'il n'existerait pas d'exemple au Luxembourg où la procédure « Profil professionnel => Profil de formation => Programme directeur => Programme d'études » ait été appliquée et ils demandent aux membres des groupes curriculaires de réinventer des grilles, d'expérimenter … alors que ça a été fait dans le cadre du projet PROF-Update !
Nous demandons au MENFP que l'exposé des motifs de cet avant-projet de règlement soit réécrit de façon à tenir compte des réalisations passées et que les équipes curriculaires en place et les experts étrangers qui les conseillent en soient informés.
Il n'est jamais trop tard pour bien faire !
Le Comité secondaire du SEW