Lettre E.P.E.S. et réponse de Monique Adam (Journal 2/2009)

15.05.2009







Réponse de Monique Adam
  Entente des professions éducatives et sociales asbl
(E.P.E.S.)
6 rue Eweschbour
L-3638 Kayl
Luxembourg, le 15 avril 2009


Chère, chers collègues,



Suite à vos réflexions concernant l'interview que j'ai accordé à Monsieur Rhein du Quotidien, je tiens à vous exprimer ma collaboration la plus constructive pour la reconnaissance pleine et entière des responsabilités et des missions complexes des éducateurs et des éducateurs gradués. Malheureusement, l'espace de cet entretien qui portait principalement sur la mise en oeuvre de la nouvelle loi scolaire et des acteurs principalement concernés que sont les instituteurs et les éducateurs ne m'a pas permis de m'expliquer plus explicitement sur la tâche de ces différents acteurs, ce qui me semble pourtant un sujet primordial pour la reconnaissance future de nos professions respectives.


Il n'arrive que trop souvent que le temps de travail d'un instituteur ou d'un éducateur gradué ne soit tout simplement aligné sur son temps de présence auprès des enfants. C'est cette optique qui méconnaît la réalité de notre travail et que j'essaie de combattre. Lors des négociations sur le reclassement de la carrière de l'instituteur, il m'est apparu que cette optique est largement répandue dans le public et dans les opinions de nos responsables politiques. Même dans votre lettre, je sens percer l'ironie lorsque vous parlez de mes réflexions sur les tâches respectives des deux professions. Pourtant j'estime que la grande majorité des instituteurs font un travail qui dépasse les 1836 heures annuelles, sans même le savoir parce qu'ils ne comptent pas les préparations, les appels téléphoniques aux parents d'élèves aux autorités scolaires et aux divers partenaires, les discussions entre pairs, les inspirations diverses qu'ils tirent de leurs lectures, visites et voyages personnels. Il est certain qu'il est souvent difficile de faire la part des choses entre loisirs et travail quand on est engagé, mais il est évident que la qualité du travail d'un enseignant ou d'un éducateur est fortement tributaire de toutes ces activités. Mais même sans aller jusque-là, j'ai toujours défendu, et je continuerai à le faire, qu'une leçon d'enseignement vaut bien deux heures de travail. Car il faut bien tenir compte des préparations ainsi que des évaluations. Que ce soit des leçons d'enseignement direct ou la direction d'autres activités, j'estime que le travail d'un enseignant demande toujours à être bien réfléchi et préparé pour porter ses fruits. De même que le résultat de toute activité réalisée avec des élèves demande à être analysé, corrigé et évalué.


Ce que je voulais signaler lors de cet entretien, c'est que l'éducateur tout comme l'enseignant ne travaille pas seulement pendant le temps où il est présent à l'école et qu'il faut donc tenir compte du temps de préparation. Dans cet ordre d'idée, les 44 heures hebdomadaires en période scolaire proposées par la loi scolaire me semblent absolument correctes si l'on tient compte du temps de préparation, de concertation et de formation continue. Or, je sais bien que telle n'est pas la situation actuelle de la profession de l'éducateur ou de l'éducateur gradué et que bien souvent il travaille davantage. C'est d'ailleurs ce que j'ai signalé dans l'interview. Maintenant je constate qu'il y a une ouverture au niveau du MEN pour discuter des éléments faisant partie intégrante de la tâche dans le cadre des règlements grand-ducaux à établir. Il faut donc saisir cette occasion pour définir des modèles pouvant convenir le mieux aux différentes tâches des éducateurs et des éducateurs gradués. Dans cet ordre d'idées, il faut certainement des modèles différents selon les postes de travail qu'ils occupent et dont le
temps de préparation est plus ou moins exigeant. C'est pour cela que le SEW/OGBL a demandé d'être associéau groupe de travail qui élaborera les règlements grand-ducaux. Ce seront nos éducateurs et éducateurs gradués
qui y défendront leur profession et le calcul de leur tâche.


Pourtant, je sais que ces discussions seront très dures et ceci notamment à cause des négociations sur la tâche des instituteurs, qui n'ont pas abouti à un résultat correct. Voilà pourquoi le SEW/OGBL n'a pas signé l'accord avec le gouvernement et voilà pourquoi je continue à affirmer que cette tâche est trop lourde. C'est pour cela que je dis qu'il faut éviter de commettre les mêmes erreurs dans le calcul de la tâche des éducateurs et éducateurs gradués. Nous avons tout intérêt à établir une définition correcte de nos charges de travail de façon à ce que celle-ci ne dépende pas uniquement de l'engagement des uns et des autres.


Pour l'éducateur gradué qui travaille dans une école à la façon dont vous le décrivez, je verrais très bien une prise en compte du temps en présence d'élèves, calculé d'après un modèle où chaque heure demanderait une demi-heure de travail supplémentaire consacrée à la préparation respectivement à la réflexion après coup.


Par ailleurs il me semble évident que les 126 heures de concertation, consultation des parents, travail administratif et formation continue figurant dans la tâche de l'instituteur devraient également figurer dans celle de l'éducateur gradué de même que dans celle de l'éducateur. Pour l'éducateur gradué présent dans une école et remplissant les missions éducatives auprès des élèves en étroite concertation avec les enseignants, cela reviendrait à une tâche de 27 heures de présence hebdomadaire à l'école pendant les périodes scolaires ainsi que les 126 heures annuelles.


En ce qui concerne l'éducateur travaillant dans l'enseignement précoce, mon point de vue diverge légèrement du vôtre. J'estime en effet que le choix du Gouvernement limitant la qualification du 2e intervenant à la fonction de l'éducateur confère à l'instituteur les missions visant à définir les moyens pédagogiques à mettre en oeuvre et l'évaluation du développement des élèves. Il est certain que l'éducateur doit participer à la phase de préparation des activités, mais on ne saurait parler dans ce cas d'un travail identique en volume horaire au niveau de la préparation.


Je pense qu'une définition claire et nette des responsabilités et des missions de chaque acteur est absolument nécessaire, car le mélange des genres ne nous mènera nulle part. Le SEW/OGBL était en faveur d'une équipe pédagogique constitué d'un instituteur et d'un éducateur gradué pour diriger les classes de l'enseignement précoce. Ceci aurait permis de profiter des approches théoriques complémentaires de ces deux professions pour guider le développement cognitif et social des enfants de l'éducation précoce. Le législateur n'a malheureusement pas retenu notre proposition et il faudra maintenant redéfinir les missions professionnelles des deux intervenants au niveau du précoce.


J'estime cependant qu'il est dans l'intérêt de chacune de nos professions de définir clairement les différents profils professionnels ainsi que les missions à prendre en charge.


En espérant que ces quelques clarifications vous permettront de mieux comprendre les réflexions menées au sein du SEW/OGBL pour une revalorisation de toutes les professions en relation avec l'enseignement et l'éducation, je vous prie de croire en notre volonté de collaboration constructive.

Salutations sincères

Monique Adam
Présidente du SEW/OGBL