Question parlementaire Nº 2707 Langue des signes

17.07.2008

Monsieur le Président,
Par la présente et conformément au règlement de la Chambre des Député~e-s, nous nous permettons de soumettre une question parlementaire à Madame la Ministre de la Famille, à Madame la Ministre de l'Education nationale ainsi qu'à Monsieur le Ministre de la Justice.

En juin 1988, le Parlement Européen approuvait une résolution concernant les langues et demandant à tous les états-membres de reconnaître sa langue des signes comme langue officielle des sourds.

Depuis de nombreux pays ont officialisé leur langue des signes. Parmi eux, nous pouvons citer le Danemark, l'Allemagne, la France, le Portugal, la Belgique (régions wallonne et flamande), etc.

Il existe bien une multitude de langues des signes nationales, parfois régionales, mais au Luxembourg, la langue "gestuelle" luxembourgeoise n'est pas reconnue.

Dans ce contexte, nous aimerions poser les questions suivantes:

  • 20 ans après l'adoption de cette résolution au Parlement Européen, le Luxembourg ne devrait-il pas enfin entamer un processus de reconnaissance officielle de la langue des signes?
  • Si le Luxembourg ne choisit pas d'aller dans la voie de la reconnaissance constitutionnelle de la langue des signes, ne devrait~iI pas la reconnaitre sous une autre forme (ex: langue d'éducation des sourds, etc.) ? Dans l'affirmative, laquelle?
  • Tant que les langues des signes ne sont pas formellement reconnues, ne devrait~on pas prendre davantage en considération leur usage lors de l'élaboration de lois et règlements afin qu'ils soient compatibles avec l'exercice d'une langue signée (ex = maitrise des langues dans le projet de loi sur la nationalité luxembourgeoise, etc.) ?


Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'expression de nos sentiments les meilleurs.

Felix Braz
Député

Claude Adam
député
 
 
Réponse commune de Madame Marie-Josée .JACOBS, Ministre de la Famille et de l'Intégration, et de Madame Mady DELV AUX-STEHRES, Ministre de l'Éducation nationale et de la Formation professionnelle, à la question parlementaire no 2707 du 17 juillet 2008, formulée par Monsieur le Député Felix BRAZ et Monsieur le Député Claude ADAM relative à la reconnaissance d'une langue des signes luxembourgeoise
 
La question parlementaire des honorables MM. Felix BRAZ et Claude ADAM relative à la reconnaissance d'une langue des signes luxembourgeois appelle les réponses suivantes:
 
La langue des signes constitue une langue à part entière, avec son vocabulaire, sa grammaire et sa syntaxe, qui utilise non pas le canal audio-oral mais la modalité visuelle-gestuelle adoptée par une communauté de personnes présentant une déficience auditive. Elle n'est dès lors pas une langue universelle. Elle diffère de pays en pays et parfois même de région en région. Une personne allemande, locutrice de la DGS (Deutsche Gebärdensprache) ne pourra d'emblée communiquer aisément avec une personne utilisant la langue des signes française ou néerlandaise. Or, ces problèmes de communication ne se posent non seulement entre personnes qui utilisent différentes langues des signes mais aussi entre les personnes ayant bénéficié d'une éducation strictement oraliste et celles communiquant exclusivement au moyen d'une langue des signes. A noter qu'il n'existe pas de langue des signes luxembourgeoise.
 
Une autre technique qui permet aux personnes malentendantes ou sourdes de communiquer entre eux et/ou avec des personnes entendantes est celle des langues orales signées qui doivent être comprises comme un système de communication qui utilise les signes des langues gestuelles avec l'ordre des mots et les règles grammaticales de la langue orale correspondante. Il s'agit donc d'un système mixte qui est souvent utilisé dans la communication entre personnes ayant une déficience auditive et personnes entendantes et dans l'enseignement de la langue orale aux enfants sourds et malentendants.
 
Les statistiques concernant les personnes utilisant une quelconque langue des signes ne sont pas centralisées. Actuellement, les organisations de et pour personnes présentant une déficience auditive estiment à 100 le nombre des personnes qui utiliseraient actuellement au Luxembourg la langue des signes allemande et à 60 les personnes qui communiqueraient en une autre langue des signes.
 
L'éducation des personnes malentendantes et sourdes se fait principalement en allemand. Cette situation a pour conséquence que les enfants issus de familles romanophones se voient dans l'impossibilité de communiquer avec leurs proches qui ne parlent pas l'allemand ou de continuer leurs études dans un pays francophone. Ainsi l'une ou l'autre des ces familles a choisi d'orienter leur enfant dès le début vers un enseignement en Belgique ou en France.
 
Au niveau de l'éducation nationale, il convient encore de relever que 57 enfants présentant une déficience auditive sont actuellement pris en charge au (centre de logopédie. (Ces enfants utilisent principalement l'allemand signé comme moyen de communication.)
 
La situation linguistique particulière du Grand-duché se caractérise par la pratique et la reconnaissance de trois langues officielles. Ce trilinguisme combiné au détaut de langue des signes luxembourgeoise implique que les personnes qui présentent une déficience auditive et qui veulent communiquer en langue des signes sont obligés de recourir soit à la langue des signes allemande, soit à la langue des signes française, soit à la langue des signes de Belgique francophone ou une des nombreuses autres langues des signes.
 
Il résulte des développements qui précèdent que trouver un accord sur la langue des signes à reconnaître au Luxembourg n'est pas tâche facile au vu du risque élevé de discrimination de l'un ou de l'autre groupe. Or, c'est une condition \\ sine qua non» pour pouvoir entamer un quelconque processus de reconnaissance otliciel1e.
 
Si cette question se révèle très complexe, il convient toutefois de relever qu'en attendant cet accord, le Ministère de la Famille et de l'Intégration a conventionné dès 2007 un demi-poste d'interprète en langue des signes auprès de l'a.s.b.1. Solidarität mit Hörgeschädigten qui se tient à disposition de toute personne intéressée et qui assiste les personnes ayant une déficience auditive dans différentes situations, notamment au bureau de police ou lors de visites médicales.
 
Il s'agit d'un projet qui devrait après une phase de démarrage, permettre de mieux cerner les besoins de la population malentendante ou sourde vivant au Luxembourg et d'avancer au niveau de la question de la reconnaissance d'une langue des signes au Luxembourg.