Des enseignants de qualité pour une éducation de qualité (Journal 4/2005) Monique Adam
Le slogan de la journée mondiale des enseignants ne s'y trompe pas: si on veut donner une chance à l'éducation, il faut des enseignants plus forts. Une formation branchée sur la réalité de l'école d'aujourd'hui, analysant les mutations des conditions d'enseignement et permettant aux enseignants d'intégrer les nouvelles dimensions du métier est indispensable. L'IE nous indique clairement que la formation des enseignants a des effets durables sur la qualité de l'éducation.
L'école du XXIe siècle a encore du mal à se définir clairement. Rejetant le fonctionnement de l'école-caserne qui disséquait les matières d'enseignement pour organiser des apprentissages hiérarchisés, synchronisés et chronométrés, assujettissant l'élève à une discipline rigoureuse et un programme préalablement défini et l'enseignant à un répétiteur, elle tarde à retrouver une organisation susceptible de renouer avec une nouvelle cohésion sociale. Si l'école veut retrouver un sens, elle doit «réussir sa propre intégration culturelle au siècle des subjectivités, des différences, de l'individualisation »( 1 ). Dans ce contexte, la tâche de l'enseignant devient de plus en plus complexe. « Enseigner ne se fait pas en direct, ni en ligne droite. La classe est un milieu hypercomplexe à organiser. Pour pouvoir entendre du désir, et l'armer pour études. Il faut ça: de l'organisation, et, encore du temps, pour différencier, individualiser, travailler à quelques-uns. Là, il convient de se former un peu plus »( 2 ).
Avant les vacances scolaires, les instituteurs ont massivement soutenu une campagne d'action en vue d'une amélioration de leur formation. Ils ont exigé un master en Sciences de l'Education pour l'accès à la profession, comme c'est le cas dans bon nombre de pays européens. Les formateurs de l'Université de Luxembourg avaient développé un modèle de formation sur trois phases avec un bachelor de 180 ECTS, un M1 avec 60 ECTS donnant accès à l'insertion professionnelle et un M2 de 60 ECTS en formation continue donnant accès à un master professionnel. Le conseil de gouvernance de l'Université a finalement retenu un bachelor de 240 ECTS.
Il est possible de considérer cette annonce comme une avancée, puisque les études ont été prolongées d'une année, ce que les formateurs de l'Université ont considéré comme indispensable pour une réforme de la formation. Restent cependant nos inquiétudes sur la qualité d'une telle réforme, car notre but n'était nullement d'embêter les futurs collègues en leur infligeant une année de préparation supplémentaire, si cela ne devait avoir un impact décisif sur le niveau de la formation. Les revendications des instituteurs en vue d'une nouvelle formation ont souvent été contrecarrés par l'argument que l'Université de Luxembourg ne serait pas capable d'assurer une formation sérieuse dans le domaine des Sciences de l'Education. Or, en se limitant au niveau bachelor, le département des Sciences de l'Education aura des difficultés à se développer et à réaliser un saut qualitatif. Cela ne nuit pas seulement à la formation des instituteurs, mais encore au stage pédagogique des professeurs et aux futures formations devant remplacer celle de l'actuel éducateur gradué.
Ainsi le succès de notre action nous semble plus que mitigé et nous resterons extrêmement vigilants sur la qualité de la formation. Mais qui dit qualité des enseignants, doit aussi rester vigilant sur un autre front qui gangrène l'école luxembourgeoise depuis pas mal de temps, celui de la pénurie d'enseignants brevetés. Une pénurie résultant d'un recrutement extrêmement sélectif dans le passé. Une pénurie qui a conduit l'Etat à recruter des chargés de cours avec des formations de base très disparates, et normalement sans qualification pédagogique. Le fait que cette situation scandaleuse n'ait pas encore suscité des protestations massives auprès du grand public nous surprendra toujours.
Pendant les vacances scolaires nous est parvenu un avant-projet de loi portant création d'une réserve d'assistants pédagogiques auprès des établissements d'enseignement secondaire et secondaire technique qui ouvre des perspectives tout à fait inacceptables dans ce domaine. Ce qui est visé à travers cet avant-projet de loi, c'est la mise en place d'une deuxième voie de recrutement pour les enseignants des établissements secondaires et secondaires techniques, des enseignants appelés assistants pédagogiques, absolvant une formation de seulement 60 heures, mais habilités à assurer une tâche d'enseignement même supérieure à celle de leurs collègues professeurs. Une telle mesure compromettrait définitivement la qualité de l'enseignement et il faudrait se demander tôt ou tard quels élèves auraient droit à un vrai professeur et lesquels pourraient se contenter d'un assistant pédagogique.
Il est vrai que l'actuelle Ministre de l'Education nationale a hérité d'une situation difficile, surtout dans l'enseignement secondaire, où le recrutement de professeurs en nombre suffisant n'est pas chose facile. Une mesure permettant aux chargés de cours actuellement en place d'acquérir une formation supplémentaire et une perspective de carrière dans l'enseignement est certainement nécessaire. Or, il ne faut pas perdre de vue l'objectif principal, qui est d'offrir aux élèves des enseignants mieux qualifiés et motivés. Abaisser les seuils de formation et alourdir la tâche d'enseignement ne sont certainement pas les moyens adéquats pour augmenter la qualité de l'enseignement. Le SEW/OGB L n'en est pas à sa première proposition pour résorber la pénurie d'enseignants brevetés et garantir une meilleure qualité de l'enseignement, car c'est un de ses soucis permanents. Une solution valable passe par une amélioration de la formation et des conditions de travail des chargés de cours en place et par une optimisation du recrutement et de la formation des professeurs et des instituteurs.
(1 ) Jacques Pain, Pour des pédagogies actives, Matrice 2003 p.239
(2 ) Ibid. p.243

Monique Adam,
institutrice primaire