Journal 2/2004 : Le style autoritaire de l'actuelle Ministre de l'Education nationale nuit gravement à l'école publique

01.04.2004

L'école va mal, très mal, et l'annulation d'examens d'ajournement en Géographie au LGE n'est finalement qu'une récente péripétie d'un imbroglio qu'elle n'arrive pas à démêler.

Madame Brasseur, qui, d'après ses propres paroles, n'aime pas trop réglementer et préfère la hiérarchie aux responsabilités horizontales, entend diriger l'école selon ses propres convictions. Logiquement, elle devrait donc assumer l'entière responsabilité des bévues qui s'accumulent ces derniers temps. Or, dès qu'un problème se présente, elle donne la faute, soit aux enseignants qui ne seraient pas assez consciencieux, soit aux élèves qui seraient trop paresseux.


Le SEW/OGB-L a toujours plaidé pour des règlements clairs et précis et la mise en place d'organes de partenariat permettant aux différents acteurs d'évaluer le fonctionnement de l'école et de proposer les améliorations qui s'imposent. C'est justement là que réside notre grief envers les différents projets de loi élaborés par Madame Brasseur.

Croyant aux vertus de l'autorité, la Ministre de l'Education nationale n'a pas seulement élaboré des textes de loi qui réservent toutes les prises de décision au ministre ou à son délégué direct, mais elle n'a même pas hésité à bafouer des règlements existants comme ceux de la procédure du passage primaire-postprimaire (voir SEW-Journal 6/2002). Si on la laisse faire, tout passera par la hiérarchie, et on pourra remplacer les enseignants par des robots.

Ce qui est étonnant, c'est qu'elle est relativement peu contestée. Face au grand public, elle tire son épingle du jeu, en se plaignant des enseignants qui ne seraient pas assez engagés, des parents qui ne s'occuperaient plus suffisamment de leurs enfants, des enfants qui n'auraient plus le goût de l'effort et de la société en général qui serait trop laxiste. Et comme il y a un grain de vérité dans tout cela, elle recueille l'approbation de nombre de personnes, et elle peut se poser en despote éclairée remettant chacun à sa place.

Mais face aux enseignants et à leurs syndicats, ce discours démagogique ne devrait pas passer. Certes, l'APESS s'insurge quand Madame Brasseur insinue que certains enseignants n'auraient pas fait leur travail en âme et conscience, mais sans aller plus loin dans l'analyse des méfaits de la politique actuelle. Certes, les trois syndicats du secondaire ont fait un communiqué commun contre le projet de loi sur l'organisation des lycées et lycées techniques en vue de garantir une participation authentique des partenaires scolaires, mais la loi risque néanmoins de passer, sans causer de grands remous. Et au primaire, la situation est encore pire. Le SNE/CGFP donne carrément son feu vert pour le projet de loi portant organisation de l'éducation préscolaire et de l'enseignement primaire qui serait pourtant fatal pour la profession de l'instituteur, tant au niveau des conditions de la formation et du recrutement qu'au niveau de la liberté pédagogique. Sans hésiter, les collègues du SNE ont mordu à l'hameçon que représente l'administrateur d'école avec sa prime de 30 points. D'ailleurs, la CGFP est pleine de louanges pour le gouvernement, même si la révision des traitements n'a pas eu lieu, et la secrétaire générale du SNE est même candidate sur les listes du parti démocratique.

Finalement, le SEW/OGB-L se sent un peu seul à dénoncer les carences, pourtant manifestes, de la politique de l'éducation menée par ce Gouvernement. Les enseignants devraient comprendre qu'à ce rythme-là, on ne ruine pas seulement l'image de l'école publique, mais encore celle de la profession enseignante. Nous avons intérêt à sortir de nos réflexes corporatistes pour nous unir à toutes les forces qui veulent sincèrement améliorer la qualité de l'école publique, non pour soutenir des projets farfelus, mais pour enrichir leurs discussions de nos compétences et de notre expérience professionnelle. Ne nous retranchons pas craintivement derrière une Ministre, qui dit défendre l'école et les enseignants, mais qui les expose de plus en plus aux critiques. Il existe des alternatives au style autoritaire, l'école en a grandement besoin et l'autorité des enseignants ne peut qu'en profiter.

Monique Adam