Réponse à Norbert CAMPAGNA, auteur d'un article paru dans le « Lëtzeburger Land » du 11 mars 2005 (Journal 2/2005)
Réponse à Norbert CAMPAGNA, auteur d'un article paru dans le « Lëtzeburger Land » du 11 mars 2005
A un élève modèle
Je ne réagis pas à votre article pour prendre la défense du « Neie Lycée ». Comment le pourrais-je puisque cette école doit d'abord avoir une chance de mettre en pratique ses concepts avant que quiconque ne puisse vraiment la fustiger ou la défendre ?
A vos yeux, l'école luxembourgeoise n'a pas besoin de se remettre en question. Le système scolaire luxembourgeois serait un exemple de parfaite équité puisque vous-même en tant que fils d'immigré avez réussi à surmonter les écueils du lycée classique. Comment pouvez-vous être naïf au point de déduire à partir de votre seule expérience personnelle que tous les enfants d'immigrés ou de milieux sociaux défavorisés partagent automatiquement votre chance ? Une enquête effectuée en 2001 par le MENPF a révélé que 91,3% des bacheliers du secondaire parlent principalement le luxembourgeois à domicile, 2,9% le français et 1,8% le portugais !
En vous référant à vos propres études secondaires faites entre 1975 et 1982, vous vous faites le porte-parole d'une vision élitiste de l'enseignement secondaire. Vous louez ainsi les vertus du cours magistral. Or en 2005, tous les enfants, luxembourgeois ou étrangers, ne sont pas capables d'assister pendant 6 heures d'affilée à des cours magistraux en prenant des notes, animés seulement par la passion de l'enseignant pour la matière qu'il enseigne. De tels professeurs et de tels élèves existent mais la plupart des élèves ont besoin d'être actifs pendant les cours, de partager leurs expériences avec leurs pairs, de pouvoir s'exprimer par la parole, par le dessin, par le corps pour apprendre et retenir une matière. Un élève qui s'ennuie n'est pas un élève en apprentissage. Vous glorifiez le rôle de « l'enseignant d'antan », qui débitait son cours (avec plus ou moins de passion) en laissant aux élèves le soin « d'approfondir la matière chez eux ». Savez-vous que dans de très nombreux cas, ce sont les parents qui vont approfondir la matière chez eux puisque les élèves ne l'ont pas assimilée pendant le cours ? Tant pis pour les enfants qui n'ont pas ce soutien parental !
Dans votre logique, toute personne disposant de connaissances dans une matière précise devrait être apte enseigner et même le stage pédagogique serait superflu. Il est vrai que les deux ans de stage ne suffisent as pour que le jeune enseignant puisse se familiariser avec toutes les méthodes existantes qui lui permettront de varier ses leçons. Il existe à cet effet des formations continues grâce auxquelles les enseignants peuvent développer leurs savoir-faire pédagogiques. Quelle suffisance de proférer que les seules leçons pendant lesquelles vous enseignez puissent suffire à votre évolution professionnelle !
Qu'est-ce qui vous autorise à tirer des conclusions générales en vous référant obstinément à votre propre arrière d'élève ? En jetant un regard nostalgique sur votre passé, vous allez même jusqu'à prôner les valeurs éducatives de l'échec. S'il était vrai que nos élèves construisent leur personnalité « grâce à leur révolte onstructive face à l'échec », nous n'aurions que des élèves hautement motivés, sûrs d'eux-mêmes t armés pour réussir dans la vie. Il n'est pas besoin d'avoir fait des études de psychologie pour savoir que 'échec est avant tout démotivant. Si l'école réussit à lutter contre l'échec scolaire sans pour autant faire baisser le niveau et sans tricher sur les compétences réelles des élèves, elle aura fait un grand pas en avant.
Simone FLAMMANG
Professeure au Lycée Technique Nic Biever de Dudelange