Le budget de l'Education nationale 2010 - une croissance toute relative!

22.11.2009

Comme les années précédentes, nous présentons dans cet article les grandes lignes et l'évolution du budget de l'Education nationale et nous le comparons au budget total de l'Etat.

Dépenses courantes du MENFP: une augmentation somme toute inférieure à celle du budget total


A première vue, les dépenses courantes du budget de l'Education nationale augmentent de 17,5 % par rapport au budget voté de 2009; il s'agirait là d'un accroissement largement supérieur aux dépenses courantes du budget total de l'Etat (+6,3 %).



Or, la réalité est différente :
  • suivant le commentaire au budget de l'Education nationale, «les dépenses de personnel affichent une augmentation sensible suite à la mise en oeuvre de la loi du 6 février 2009 portant organisation de l'enseignement fondamental» (tome 1 du budget 2010, p. 63*). Cette loi prévoit l'étatisation de l'enseignement fondamental et la partie des rémunérations du personnel enseignant jusqu'à présent payée par les communes est désormais prise en charge par le MENFP. D'après le tome 1 du budget 2010 (page 584), il s'agit de 122,6 millions d'euros. Si on élimine ce transfert du budget du MENFP, l'avance en % sur le budget total en matière dépenses courantes se transforme en un nouveau retard relatif (croissance de 4,8 %, contre 6,3 % pour le budget courant total). Le commentaire au budget parle d'ailleurs d'un « freinage de la progression des dépenses courantes pour l'exercice 2010 ».
  • le nombre d'élèves a augmenté depuis la rentrée 2008-2009 de 46.360 à 47.192 dans l'éducation préscolaire et l'enseignement primaire publics et de 34.005 à 34.631 dans l'enseignement postprimaire public, ce qui correspond à un accroissement total de 1.458 élèves, soit de 1,8 % des effectifs ;
  • l'ouverture d'établissements postprimaires supplémentaires occasionne sans doute des frais de fonctionnement supplémentaires, qui se répercutent sur les dépenses courantes prévues;
  • depuis le milieu des années 1990, le budget des dépenses courantes du MENFP a accusé un retard persistant sur le budget des dépenses courantes total, comme le montre le graphique suivant :




En chiffres bruts et en indices, ce retard s'exprime comme suit dans les dépenses budgétaires courantes :



En tenant compte d'une croissance équivalente des dépenses courantes du budget de l'Education nationale à celle du budget total, on devrait aboutir en 2010 à un montant de dépenses courantes de 440.150* 2,6407 = 1.162.304 milliers d'euros pour le MENFP, soit environ 31 millions d'euros de plus que ce qui est prévu. Encore n'a-t-il pas été tenu compte dans ce calcul des 122,6 millions transférés des communes dans le cadre de l'étatisation de l'enseignement fondamental !

#!Évolution des dépenses par sections du budget ordinaire du MENFPS

image(journal:5-2009/budget_4.gif):


Au-delà de l'augmentation de 40 % des crédits pour l'enseignement fondamental, déjà expliqué plus haut, le tableau ci-dessus fait notamment apparaître:
  • une diminution des dépenses générales de 2 %
  • une diminution des crédits alloués au SCRIPT; et au CPOS (-35 %); ces deux diminutions résultent de transferts de crédits vers d'autres services du MENFP. Ainsi par exemple, 1,2 millions d'euros affectés à la mise en oeuvre de la réforme de la formation professionnelle en 2009 au niveau du SCRIPT ont été transférés au Service de la formation professionnelle en 2010; sans ce transfert, le SCRIPT progresse de 6,3 % en 2010.
  • une croissance substantielle des crédits (+15 %) alloués au sport scolaire et périscolaire à l'Institut national des sports et à l'école nationale de l'éducation physique et des sports; par contre les crédits pour le Centre national sportif et culturel diminuent de 9,4 %
  • une augmentation de la participation de l'Etat aux frais des écoles privées 9,5 %, alors que les crédits pour l'enseignement postprimaire public n'augmentent que de 7,2 %
  • une forte croissance des crédits alloués à la restauration scolaire (en 2009 on avait noté une diminution de 41,7 % par un transfert d'indemnités et salaires du personnel vers d'autres sections du budget)
  • une nouvelle croissance importante des crédits à l'Inspectorat.


Diminution des crédits de fonctionnement pour la plupart des lycées et lycées techniques

Les dotations dans l'intérêt du fonctionnement des lycées et lycées techniques, partiellement autonomes au niveau financier depuis 2004 augmentent de 2,1% en moyenne. Néanmoins, en raison de la forte augmentation pour quelques lycées nouvellement construits ou rénovés, cette augmentation se solde en réalité par une diminution des crédits pour la plupart des établissements et cela malgré l'augmentation du nombre des élèves.

Dotations dans l'intérêt du fonctionnement des différents lycées et lycées techniques (€)


L'optique du ministre des finances qui veut que chaque établissement dépense 75 % des crédits alloués au cours d'une année budgétaire met évidemment en échec toute tentative de gestion financière plus indépendante des établissements. Elle va aussi à l'encontre du raisonnement qu'il vaut mieux favoriser le report des fonds alloués à l'année budgétaire suivante, plutôt que de pousser les établissements à les dépenser coûte que coûte afin d'éviter une réduction ou une stagnation des crédits alloués par la suite. Ces arguments furent proférés à l'occasion du projet de loi de 2004 sur l'organisation des lycées et lycées techniques et ils sont à présent invalidés !

Augmentation des crédits à l'enseignement privé

L'engagement de l'Etat en faveur des écoles privées s'est fortement accru depuis le milieu des années 1990 et surtout depuis le vote de la loi du 13 juin 2003 concernant les relations entre l'Etat et l'enseignement privé. Cette tendance - tant pour les dépenses courantes que pour les dépenses en capital - est illustrée par le tableau suivant :


Regroupement comptable des dépenses du MENFP (en € et en %)


Rappelons que le projet de budget des dépenses courantes de 2010 du ministère de l'Education nationale fait bénéficier les établissements privés d'enseignement d'une augmentation des crédits alloués de 9,5%.

Diminution relative à long terme des charges de personnel

Il est intéressant de noter que depuis 1995, les charges de personnel ont constamment diminué par rapport aux dépenses courantes de l'Education nationale. Alors qu'ils pesaient 82,7 % en 1995, ils ne font plus que 78,2 % en 2010. Ce chiffre exprime mieux que tout autre la pression croissante qui est exercée sur les enseignants face à la progression constante du nombre d'élèves et face aux exigences toujours plus élevées formulées à l'encontre de l'école publique.

Guy Foetz
Professeur de sciences économiques et sociales au LTNB
Vice-président du SEW/OGBL