Avis sur l'avant-projet de loi sur l'organisation de l'éducation préscolaire et de l'enseignement primaire (Journal 1/2006)
Le SEW et la FGIL ont toujours demandé des réformes dans l'enseignement préscolaire et primaire. Par conséquent, nous saluons l'avant-projet de loi présentant un programme ambitieux avec toute une panoplie de mesures innovatrices, voire révolutionnaires - ne citons ici comme exemple que le remplacement des classes et années d'études par l'instauration de cycles d'apprentissages ou encore la généralisation des équipes pédagogiques. Ces orientations possèdent tous les ingrédients pour engendrer les réformes nécessaires dans notre système scolaire. Mais si l'école veut enfin assumer ses responsabilités, cela nécessite des moyens. La concertation entre les enseignants et les autres professionnels et la prise en compte des différents besoins des élèves exigent des ressources humaines supplémentaires. Le succès de ces réformes dépendra aussi de d'une formation initiale de meilleure qualité et de la concertation de l'université et du SCRIPT pour la mise en place d'une formation continue digne de ce nom préparant les enseignants aux nouveaux objectifs et aux nouvelles démarches éducatives.
Nous soutenons l'orientation et les grandes lignes de cet avant-projet de loi qui met l'enfant au centre de l'intérêt.
Cependant il faut noter que le texte de l'avant-projet comporte quelques incohérences en ce qui concerne l'organisation et l'autonomie des équipes pédagogiques, ainsi que la liberté pédagogique.
Nous avons toujours demandé une plus grande autonomie des écoles et des enseignants et une responsabilisation du système éducatif, des écoles et de ses acteurs pour le succès scolaire de nos enfants.
Nous saluons le principe du travail en équipe au niveau du préscolaire et du primaire qui apporte certainement une plus-value pour l'organisation des apprentissages et pour l'orientation des enfants.
L'organisation de l'école en cycles d'apprentissages nous semble être une approche intéressante qui nécessite de toute façon un travail en équipe pour garantir aux élèves une progression selon leur propre rythme. Il faut aux équipes pédagogiques toutes les ressources nécessaires.
Nous plaidons pour une grande liberté pédagogique, une liberté du choix des méthodes pédagogiques et des moyens et ressources utilisées. L'article 12, stipulant que les orientations méthodologiques fondamentales seraient définies par règlement grand-ducal, risque de porter atteinte à cette liberté pédagogique indispensable pour garantir le succès des réformes souhaitées. L'article 13, précisant que le ministre arrête la liste des manuels scolaires et du matériel didactique, est carrément contraire à la liberté pédagogique. Il risque même de briser l'élan des syndicats et fédérations qui n'ont cessé d'enrichir l'offre didactique officielle par d'intéressants matériels supplémentaires. Chercher l'autorisation de la commission scolaire nationale pour utiliser d'autres manuels et matériel didactique en classe nous semble une approche beaucoup trop bureaucratique.
Dans ce même contexte, l'élaboration du plan d'études devient très importante. Une définition trop restreinte des méthodes peut limiter les choix des équipes pédagogiques et leur prendre une bonne part de la responsabilité.
Nous saluons le regroupement des branches d'enseignements de l'enseignement primaire, afin de favoriser une approche intégrative et interdisciplinaire. Nous proposons de ne pas limiter ce regroupement aux seules branches de l'éveil aux sciences et des branches créatrices, mais d'intégrer aussi les langues et les mathématiques. Pour parer montée du fondamentalisme, nous demandons un cours de morale pour tous les élèves. L'instruction religieuse présentant une branche à part, sans contrôle de l'Etat, perturbera de façon conséquente l'organisation et le bon fonctionnement de l'école. Un enseignement en cycles et un regroupement des branches dépendra largement de l'horaire de l'instruction religieuse. Nous exigeons d'abolir les cours d'instruction religieuse et d'en faire une cause du privé.
Nous défendons l'autonomie scolaire, mais les projets, de développement scolaire ne doivent pas mener vers un profil trop spécifique des écoles pour ne pas inciter, les parents à choisir leur école et éviter une dangereuse ségrégation scolaire.
Nous saluons que le texte insiste davantage sur l'encadrement péri- et parascolaire et ouvre des perspectives pour des projets type « Ganzdaagschoul ». Malheureusement les responsabilités ne sont pas définies clairement et il est inacceptable qu'une partie de l'accompagnement scolaire reste sous la responsabilité du ministère de la famille et soit effectué par des organismes privés.
Le texte de l'avant-projet de loi nous semble particulièrement manquer de cohérence en ce qui concerne la mise en place des CMPP. Il s'agit d'une structure qui fonctionne à côté des équipes pédagogiques et qui risque d'entraver les mesures de différenciation et de remédiation qui sont prises dans les écoles. Toute la procédure est beaucoup trop bureaucratique et ne comporte aucune aide sur le terrain pour les enseignants. Il est de toute façon inacceptable que les titulaires ou régents de classe ne soient pas associés aux décisions prises par les CMPP.
Dans cet ordre d'idées nous appuyons l'introduction de nouvelles professions dans nos écoles comme par exemple des pédagogues curatifs et des éducateurs gradués. Il faut veiller à ce que toutes les communes bénéficient de ces services. Actuellement ils constituent des structures à part. Il faudrait trouver une solution pour les associer plus étroitement aux équipes pédagogiques pour qu'ils participent concrètement au travail d'enseignement dans les classes et qu'ils coopèrent à la mise en oeuvre des mesures de remédiation dont de plus en plus nos élèves ont besoin.
L'évaluation du système scolaire présente un facteur important et nécessite une forte cohérence. Ce dossier fait encore défaut et nécessite d'être discuté en détail, notamment les charges et missions attribuées aux inspecteurs.
Pour l'évaluation des élèves nous proposons l'introduction d'un portfolio des élèves qui aide à documenter le progrès scolaire de l'élève tout au long de sa scolarité et qui existe à côté du document officiel destiné à certifier le degré d'atteinte des objectifs fixés.
Pour le SEW et la FGIL la cogestion est la clé de voûte de toutes les réformes proposées. Nous avons toujours préconisé un comité de cogestion élu démocratiquement à durée déterminée. Mais nous devons insister sur la notion de cogestion. A côté des missions et tâches définies pour les comités d'école, un comité de cogestion représentant toutes les écoles et tous les intervenants doit être l'interlocuteur indispensable des autorités communales et l'acteur principal pour la mise en place de l'organisation scolaire. Il ne suffit pas d'instaurer un comité d'école dans chaque école, mais le comité de cogestion doit coordonner les différents projets et propositions au niveau communal.
La gestion administrative des écoles ne peut être la seule mission des comités et est à limiter au strict minimum. Réduire le comité à cette seule fonction risque de décourager les enseignants à participer à la cogestion et de gaspiller leurs forces.
La cogestion doit donner à tous les enseignants la possibilité de s'impliquer activement dans l'organisation de leur travail. Le comité de cogestion doit donc être élu par tous les enseignants et ne pas être nommé par le conseil communal.
Pour cette section importante, nous proposons le texte amendé suivant.
Section 3. - La gestion et l'ordre intérieur des écoles
Art. 69.
Chaque année, le personnel intervenant1 de la commune et les membres de la commission scolaire se réunissent pour se concerter sur l'organisation et le fonctionnement de l'école. La réunion a lieu au mois de mai sur invitation du bourgmestre.
A cette occasion, le président du comité de cogestion est élu par le personnel enseignant breveté de la commune.
Le comité de cogestion est composé de trois membres au minimum et de 15 au maximum. Les membres sont élus par et parmi les membres du personnel intervenant de la commune, après l'élection du président et avant les opérations de permutation.
La durée du mandat, qui est renouvelable, est de une année.
L'avis du comité de cogestion doit être demandé pour toutes les questions d'ordre général concernant respectivement le personnel intervenant et l'organisation scolaire.
Il assure notamment les missions suivantes :
• les questions pédagogiques, éducatives et administratives ;
• l'organisation de mesures de formation continue du personnel ;
• le budget scolaire ;
• la construction et l'équipement des bâtiments scolaires ;
• l'acquisition de matériel didactique ;
• l'amélioration de la qualité de l'enseignement;
• la coordination de la mise en oeuvre des mesures de développements prévues par la présente loi.
Il est en outre compétent pour recevoir les réclamations des intervenants et pour aplanir, par voie de conciliation, les difficultés ayant pu surgir entre eux et l'administration.
Il établit son règlement d'ordre intérieur.
Afin d'assurer le développement continu de la qualité des enseignements, le comité de cogestion établit chaque année un rapport qu'il transmet à l'inspecteur du ressort et au président de la commission scolaire communale. Le ministre fixe annuellement les éléments devant figurer au rapport.
Le comité de cogestion dispose d'un volume global de décharges de la tâche d'enseignement qui est fixé en fonction du nombre des /intervenants de la commune et qui est réparti entre les membres du comité.
Art. 70.
La bonne marche de l'école est assurée par un comité d'école qui a notamment les missions suivantes :
1. élaborer des propositions pour le budget de l'école ;
2. signaler les absences des enseignants à l'administration communale ou au service de l'enseignement ;
3. rassembler les données concernant les élèves ;
4. organiser la gestion du matériel didactique et informatique de l'école ;
5. coordonner le travail des équipes pédagogiques afin de garantir l'unité et la continuité des apprentissages ;
6. prendre des initiatives en vue de l'organisation de mesures de formation continue du personnel ;
7. assurer la collaboration avec les services assurant la prise en charge des élèves de l'école en dehors de l'horaire scolaire ;
8. organiser au sein de l'école la concertation sur la continuité des apprentissages des élèves mainsi que sur les manuels scolaires et le matériel didactique utilisés, conformément à l'article 13 ;
9. élaborer, sur demande du personnel intervenant et en concertation avec les autorités communales et l'inspecteur du ressort, un projet de développement scolaire en y associant les
représentants des parents d'élèves ;
10. procéder à la rédaction d'un rapport tel que prévu à l'article 76.
Le comité d'école est composé de trois membres au minimum. Les membres et le président sont élus par et parmi les membres du personnel intervenant de l'école, après l'élection du comité de cogestion et avant la fin de l'année scolaire.
1) Art. 2. Au sens de la présente loi, on entend par: (…)
6. personnel intervenant: le personnel enseignant et le personnel socio-éducatif ;
Art. 71.
Le président comité d'école coordonne les travaux du comité et assure les relations avec les autorités communales et nationales et avec le comité de cogestion.
Il représente l'école face à des tiers. Il a notamment pour attributions
1. d'assurer les relations avec les parents d'élèves ;
2. d'initier et de coordonner la mise en œuvre des mesures de développement scolaire prévues
par la présente loi ;
3. d'accueillir les remplaçants et les élèves nouvellement admis ;
4. de coordonner les plans horaires des différents enseignants selon les propositions de la commission scolaire.
Il peut charger le personnel technique de tâches particulières nécessaires au bon fonctionnement de l'école.
Il peut déléguer les points sous 2, 3 et 4 de ses attributions à d'autres membres.
Art. 72.
Dans les communes à école unique, le comité de cogestion fait fonction de comité d'école.
Dans les communes qui disposent de plusieurs écoles, le comité de cogestion se réunit au moins une fois par trimestre avec les présidents des comités d'école de la commune pour se concerter au niveau communal.
Art. 73.
À défaut de candidatures pour le comité d'école ou pour le poste de président, le conseil communal désigne un responsable d'école auquel il peut attribuer la totalité ou une partie des missions du comité d'école afin d'assurer le bon fonctionnement de l'école.
Art. 74.
Le comité d'école dispose d'un volume global de décharges de la tâche d'enseignement qui est fixé en fonction du nombre des intervenants de l'école et qui est réparti entre les membres du comité.
Art. 75.
Un règlement grand-ducal fixe la composition et les modalités de fonctionnement du comité de cogestion et du comité d'école, les modalités d'élection des membres, ainsi que le volume et les modalités d'octroi des décharges de la tâche d'enseignement.
Art. 76.
Afin d'assurer le développement continu de la qualité des enseignements, chaque comité d'école établit chaque année un rapport qu'il transmet à l'inspecteur du ressort et au président de la commission scolaire communale.
Le ministre fixe annuellement les éléments devant figurer au rapport.
Il y a d'ailleurs un risque bureaucratique pour le modèle de cogestion et les CMPP. Il faut limiter les rapports et les évaluations aux seules mesures permettant de fournir des indications sur les moyens susceptibles d'améliorer l'efficacité du travail à l'école et permettant une communication utile entre les équipes pédagogiques et les autorités scolaires. Afin de ne pas être submergés par le travail administratif, les comités de cogestion et les équipes pédagogiques doivent disposer d'une aide administrative.
Des remarques précédentes découlent certaines revendications pour créer les conditions nécessaires au bon fonctionnement de l'école. La tâche de l'enseignant qui n'a cessé d'augmenter au cours des dernières années, notamment par l'introduction des TIC à l'école, les mesures de différentiation devenues nécessaires par une plus grande hétérogénéité des élèves et une nouvelle qualité des relations avec les parents ne peut plus augmenter. Toutes les concertations nécessaires pour mettre en oeuvre le travail en équipe, garantir l'autonomie et le développement des écoles nécessitent un travail supplémentaire des enseignant qui ne peut s'ajouter simplement à leur tâche actuelle.
La mise en oeuvre de ce plan ambitieux nécessite la collaboration de tous les enseignants et une bonne communication avec les parents. Les organes de représentation des enseignants et des parents d'élèves doivent s'entendre sur les grandes lignes des changements nécessaires et jouer le rôle d'agents multiplicateurs pour la mise en place des réformes.