Mettre au centre des préoccupations de la politique scolaire la lutte contre les inégalités sociales !
Au Luxembourg - l'étude PISA l'a une nouvelle fois souligné - les chances de réussite scolaire restent fortement soumises à l'origine sociale des élèves; à cette dépendance s'ajoute une autre qui est celle de la langue parlée en famille. Une étude effectuée par le MENFPS en 2001 auprès de 2.492 bacheliers de l'enseignement secondaire révèle que 91,3 % de ces bacheliers ont principalement parlé le luxembourgeois à domicile, 2,9 % le français et 1,8 % le portugais. La corrélation entre la réussite de l'examen de fin d'études secondaire et la pratique du luxembourgeois au sein de la famille est donc presque parfaite ! Inversement, celles et ceux qui pratiquent une autre langue se retrouvent soit dans l'enseignement secondaire technique, soit dans un système d'enseignement autre que le système normal. De tels résultats nous interpellent: ils montrent que le système scolaire luxembourgeois est franchement inéquitable ! Conjurer sous ces conditions la responsabilité individuelle des élèves et de leurs parents - souvent démunis - relève de la fuite en avant devant la responsabilité politique. A vrai dire, notre système scolaire actuel demande une réforme fondamentale en direction d'une égalité des chances pour tous les enfants qui habitent notre pays, qu'ils soient issus de milieux riches ou pauvres, luxembourgeois ou étrangers ! Voilà le sens de l'engagement du SEW au sein du « Pôle pour une école démocratique », qui regroupe sept autres organisations. Nous en avons cité les objectifs dans le SEW-Journal 3/2003.
Une première manifestation publique du « Pôle pour une action démocratique » aura lieu les 10 et 11 octobre 2003 avec comme invité, Walo Hutmacher, sociologue connu de l'université de Genève.
A l'occasion d'un atelier sur les questions d'égalité et d'équité en août 2000 à Wildhaus (CH), Walo Hutmacher écrit: « Au cours de vingt dernières années, les politiques de l'éducation se sont fortement focalisées sur la question de l'efficacité des institutions de formation. Mais la problématique de l'égalité des chances et de l'équité des systèmes et processus éducatifs publics n'a jamais complètement quitté l'agenda politique. Au cours des années nonante, il a même regagné en importance, notamment parce que la crise économique a souligné une très sensible aggravation des risques de chômage et d'exclusion associés à une faible formation. Si une bonne formation (de niveau secondaire supérieur au moins) n'est pas une condition suffisante d'accès au marché du travail, elle en est sans conteste devenue une condition nécessaire. Et tout porte à croire que l'évolution vers une économie et une société de l'information et de la connaissance radicalisera encore cette exigence. »
Les voies à suivre pour une politique scolaire en direction d'une meilleure égalité des chances sont d'ores et déjà tracées: individualiser davantage l'enseignement et soutenir les enfants en difficulté dès le début de leur scolarité, prendre à bras-le-corps le problème des langues, mettre en place des écoles ouvertes toute la journée, pratiquer une pédagogie faisant appel à l'activité et à la responsabilité des élèves, former les enseignants dans ce sens et les impliquer dans le processus décisionnel au sein d'établissements plus autonomes, faire participer les parents et leur donner une formation de soutien actif à leurs enfants, évaluer l'efficience du système et des processus de réforme.
L'Université de Luxembourg, nouvellement créée pourrait devenir le foyer d'une recherche pédagogique adaptée à notre pays et qui lui fait actuellement défaut.
Guy Foetz