Le budget de l’Education nationale 2011: Le temps des vaches maigres!

07.12.2010

La crise n’affecterait pas le budget de l’Education nationale, c’est bien ce que le gouvernement déclare. Or la réalité est bien différente, comme le montrent les chiffres qui suivent.

Dépenses courantes du MENFP: une augmentation bien inférieure à celle du budget total



Les dépenses courantes du budget de l’Education nationale augmenteront en 2011 de 3,1% par rapport au budget voté de 2010; alors que celles du budget total de l’Etat s’accroissent de 5,9%.



Encore faut-il remarquer
  • que le nombre d’élèves est passé depuis la rentrée 2009-2010 de 46.307 à 46.500 dans l’enseignement fondamental public et de 35.033 à 35.870 dans l’enseignement postprimaire public, ce qui correspond à un accroissement total de 1.030 élèves, soit de 1,3 % des effectifs;
  • le taux d’inflation en 2010 est de 2,5 % en 2010 (données Statec 11/2010).


L’augmentation du budget des dépenses courantes du MENFP de 3,1 % ne compense même pas ces deux évolutions, alors que déjà l’ouverture d’établissements postprimaires supplémentaires occasionne sans doute des frais de fonctionnement supplémentaires, qui se répercuteront sur les dépenses courantes.

Comme le décrit le graphique suivant, le budget des dépenses courantes du MENFP a accusé un retard persistant sur le budget des dépenses courantes total depuis le milieu des années 1990 et ce retard se creusera une nouvelle fois en 2011:



En chiffres bruts et en indices, ce retard s’exprime comme suit dans les dépenses budgétaires courantes:



En tenant compte d’une croissance équivalente des dépenses courantes du budget de l’Education nationale à celle du budget total, on devrait aboutir en 2011 à un montant de dépenses courantes de 440.150* 2,7978 = 1.231.452 milliers d’euros pour le MENFP, soit environ 63 millions d’euros de plus que ce qui est prévu. Encore n’at-il pas été tenu compte dans ce calcul des 122,6 millions transférés des communes dans le cadre de l’étatisation de
l’enseignement fondamental dans le budget de 2010!

Évolution des dépenses par sections du budget ordinaire du MENFP



Dépenses par sections du budget ordinaire du MENFP (en euros et en %)



Parmi les crédits prévus figurant dans le tableau ci-dessous, notons:
  • une très forte croissance des dépenses générales, qui s’explique par une augmentation des frais de publication de manuels scolaires (+2,063 millions d’€) et surtout par une prise en charge de 6,157 millions de frais de consommation d’eau, de gaz, d’électricité et de chauffage des services de l’Etat à gestion séparée que sont les lycées et lycées techniques;
  • une diminution des crédits alloués au SCRIPT; (-9,4 %); moins d’argent sera prévu pour des projets d’innovation pédagogique et pour l’agence pour le développement de la qualité scolaire;
  • une très forte croissance des crédits pour l’Institut national des langues, qui provient essentiellement du transfert de la majorité du personnel du service de formation des adultes ;
  • une baisse des ressources allant au Service de formation professionnelle; ici la participation au coût de l’investissement dans la formation professionnelle continue sous forme d’aide directe aux entreprises est appelée à diminuer ;
  • une réduction des crédits alloués au sport scolaire et périscolaire (alors que ces crédits avaient augmenté de 15 % en 2010) et une diminution substantielle (-6,7%) des fonds pour le Centre national sportif et culturel (Coque ); suivant le commentaire du budget, «la Coque a généré suffisamment de ressources pour prendre en charge l’amortissement et le remplacement de l’équipement désuet en 2011 et au-delà.»


Régression réelle des crédits de fonctionnement pour les lycées et lycées techniques



A première vue, les dotations dans l’intérêt du fonctionnement des lycées et lycées techniques, partiellement autonomes au niveau financier depuis 2004 diminuent de 22,9% en moyenne. Il faut néanmoins corriger cette variation par la prise en charge déjà mentionnée au paragraphe précédent, de 6,157 millions de frais de consommation d’eau, de gaz, d’électricité et de chauffage dans le cadre des dépenses générales du MENFP. En ajoutant cette somme au total des 19.974.871 euros alloués aux lycées et lycées techniques on note une légère augmentation des crédits alloués aux établissements postprimaires de 230.000 euros environ, soit un accroissement minime de 0,1 %, qui ne compense évidemment ni l’inflation, ni l’accroissement du nombre d’élèves.

Dotations dans l’intérêt du fonctionnement des différents lycées et lycées techniques (€)




En fait, l’autonomie financière partielle des lycées et lycées techniques inscrite dans la loi de 2004 portant organisation des lycées et lycées techniques se révèle dans la pratique comme un miroir aux alouettes. Si le ministre des Finances demande que chaque établissement dépense 75 % des crédits alloués au cours d’une année budgétaire; si les factures d’énergie ne sont pas prises en charge par le MENFP si un établissement dispose encore de réserves budgétaires, ceci met évidemment en échec toute tentative de gestion financière plus indépendante des lycées et lycées techniques. Il faut relever aussi une autre contradiction: lors de ses conférences de presse, notre ministre de l’Education nationale ne manque pas d’encourager les écoles à organiser toutes sortes de projets, mais vu la faiblesse des crédits alloués, elle leur laisse le soin de pourvoir elles-mêmes à leur financement.

Augmentation des crédits à l’enseignement privé



L’engagement de l’Etat en faveur des écoles privées s’est fortement accru depuis le milieu des années 1990 et surtout depuis le vote de la loi du 13 juin 2003 concernant les relations entre l’Etat et l’enseignement privé. Cette tendance –tant pour les dépenses courantes que pour les dépenses en capital - est illustrée par le tableau suivant :

Regroupement comptable des dépenses du MENFP (en € et en %)




Alors que les crédits pour dépenses courantes alloués aux écoles privées n’augmenteront que de 1,6 % en 2011 par rapport à 2010 (cet accroissement fut de 9,5 % en 2010/2009), le poids des transferts de capitaux aux écoles privées par rapport au total des dépenses en capital du MENFP augmentera d’autant plus en 2011. Le projet de budget pour 2011 prévoit en effet un accroissement de 39,2 % par rapport à 2010 et l’Etat financera en 2011 environ 43 millions d’investissements des écoles privées.


Guy Foetz
Professeur de sciences économiques
et sociales au LNB
Vice-président du SEW/OGBL