L’accueil des enfants arrivant au Luxembourg en cours de scolarité

30.10.2011

Réussir les apprentissages fondamentaux en changeant de système scolaire en cours de scolarité n’est pas chose facile. Il ne faut non seulement acquérir de nouvelles matières et s’habituer à d’autres méthodes d’enseignement, mais dans la plupart des cas, le plus urgent est d’apprendre une nouvelle langue d’enseignement. La plupart des familles qui en ont les moyens essaient d’éviter de tels changements à leurs enfants. Certains d’entre eux ont la possibilité de placer leurs enfants dans une école où ils peuvent poursuivre leur scolarité dans leur langue maternelle: école européenne, école française, international school.

D’autres familles n’ont pas le choix, ils quittent leur pays pour des raisons économiques ou politiques et très souvent pour des raisons de simple survie. Leurs enfants doivent s’intégrer dans le système scolaire du pays d’accueil. Au Luxembourg, ils sont très souvent confrontés alors à l’obligation d’apprendre 3 nouvelles langues, afin de poursuivre leurs études avec succès. Ce n’est pas donné à tout le monde et faut dire qu’il faut de bonnes capacités d’apprentissage et de l’assiduité pour surmonter ce défi. Pourtant un bon encadrement et un accompagnement individualisé constituent également un atout majeur pour réussir l’intégration dans le nouveau système scolaire.

Avant la loi sur l’enseignement fondamental de 2009, la Ville de Luxembourg disposait de classes d’accueil pour accueillir ces élèves. Sans vouloir prétendre que c’était la solution idéale, car souvent les enfants devaient se débrouiller pour se déplacer vers un autre quartier dans lequel ces classes étaient organisées, on constate néanmoins que les conditions d’apprentissage étaient meilleures qu’à l’heure actuelle.

Avant 2009, on pouvait compter une classe d’accueil pour quelque 8 élèves primo-arrivants. Comme ces élèves arrivent souvent au cours de l’année scolaire, les classes débutaient normalement avec 4 à 5 élèves en septembre et comptaient quelque 8 à 10 élèves à la fin de l’année scolaire. On considérait normalement qu’une classe d’accueil ne devait pas regrouper plus de 8 élèves pour pouvoir fonctionner correctement et en cas de forte affluence d’élèves on pouvait compter sur la création de classes supplémentaires en cours d’année.

Avec la nouvelle loi sur l’enseignement fondamental, les classes d’accueil communales ont été abolies pour être remplacées par des cours d’accueil, les élèves devant être inscrits d’office dans une classe régulière pour soi disant être mieux intégrés. De fait, il s’agit pour le cas de la Ville d’une régression des moyens mis à disposition pour l’encadrement de ces élèves. Un cours d’accueil est doté de 23 leçons d’enseignement alors que la classe en avait 28. Par ailleurs, les cours d’accueil regroupent d’ores et déjà en début d’année 8 élèves et plus. Des communes qui n’avaient pas de moyens pour intégrer les primo-arrivants dans leurs écoles, peuvent certainement considérer les cours d’appui comme une avancée, tandis qu’il s’agit d’une régression pour les écoles qui disposaient de classes qui fonctionnaient bien.

La loi prévoit par ailleurs l’établissement de classes étatiques, mais d’après les informations qui nous sont parvenues, ces classes regroupent souvent près d’une vingtaine d’élèves de niveaux différents, ce qui rend les apprentissages plus que douteux. On peut avoir l’impression qu’il s’agit surtout d’occuper ces enfants en leur offrant un semblant de scolarisation en attendant de pouvoir s’en débarrasser.

Dans de telles conditions l’intégration de ces élèves devient de plus en plus problématique et les élèves constatent rapidement qu’ils n’ont pas vraiment de perspectives de réussite scolaire dans notre système d’enseignement. Qu’ils optent dès lors pour la révolte ou la résignation, il sera de plus en plus difficile de les motiver pour leurs études. Ce seront des élèves en décrochage scolaire cherchant à s’investir ailleurs, pas toujours pour le bien de la société.

Est-ce trop demander que d’offrir à ces enfants un encadrement adéquat pouvant leur ouvrir une réelle perspective d’intégration dans la société luxembourgeoise? A cette fin, ils doivent apprendre rapidement une langue d’enseignement qui leur permette de suivre des cours réguliers pour l’apprentissage des différentes matières. Jusqu’à nouvel ordre, les enfants arrivant avant l’âge de dix ans doivent apprendre d’abord la langue allemande, parce qu’il s’agit de la langue d’enseignement de toutes les matières à l’école fondamentale, en dehors de l’apprentissage de la langue française. Pour les enfants plus âgés, il devient de plus en plus impossible de leur faire apprendre les deux langues d’enseignement, sauf certains enfants particulièrement doués. Il faut donc leur apprendre le français et leur permettre d’apprendre les autres matières en français avant qu’ils ne puissent être orientés vers un lycée offrant un enseignement francophone.

Cela demande des moyens:
  • Des classes d’accueil axées sur l’apprentissage rapide d’une langue d’enseignement, que ce soit l’allemand ou le français. Ceci permet aux enseignants d’offrir un apprentissage intensif de cette langue avec un groupe d’élèves pour lequel cette langue peut devenir rapidement la langue de communication.
  • Des classes d’accueil ne regroupant pas plus de 8 élèves, afin de permettre à l’enseignant de suivre individuellement les progrès de chaque élève pour lui donner le plus rapidement possible le bagage pour intégrer une classe normale.
  • L’intégration dans une classe régulière, dès que les enfants peuvent suivre les cours avec bénéfice et non parce qu’il faut les caser quelque part parce que le cours d’accueil ne peut pas les accueillir sur certaines plages horaires.
  • L’intégration dans une classe régulière qui ne corresponde pas nécessairement à leur classe d’âge. Il faut souvent prolonger leur scolarité d’une, deux, voire trois années, afin de leur permettre d’acquérir les langues qui leur permettent d’obtenir un diplôme qui correspond à leurs capacités.

Ces conditions ne sont nullement réunies à l’heure actuelle. Même s’il n’est pas possible de regrouper partout une demi-douzaine d’élèves pour un apprentissage conséquent des langues d’enseignement, on pourrait au moins le réaliser dans les agglomérations où c’est possible. Dans les zones rurales, la situation est différente et les cours d’accueil sont généralement bien accueillis. Par ailleurs, il est illusoire de croire que le regroupement de ces élèves dans des classes pléthoriques ne permette de leur offrir une intégration réussie dans le système scolaire luxembourgeois.

Si l’on écoutait un peu plus les enseignants s’occupant de ces élèves, on trouverait rapidement des solutions adaptées aux différents cas de figure, à condition d’y investir les moyens nécessaires. Ne pas consentir à effectuer ces investissements, c’est à coup sûr créer des problèmes autrement importants pour la société de demain.

Monique Adam
Membre de la direction syndicale