Les comités de cogestion à l'école primaire
Les débats pour la réforme de l'école primaire sont ouverts et, espérons-le, cette fois pour de bon. L'école de demain aura-t-elle besoin d'un système de codécision et quel sera le rôle des principaux acteurs ? La loi scolaire de 1912, toujours en vigueur, n'accorde en principe aucune participation des enseignants et des parents à l'organisation et à la gestion journalière des écoles. Les enseignants sont représentés au niveau communal par un délégué, élu annuellement, qui défend les intérêts des enseignants et siège à la Commission Scolaire avec voix consultative. Voilà pour la législation. Or le délégué du personnel risque fort d'être écrasé entre les intérêts des enseignants et des instances hiérarchiques qui sont la commune d'une part et les inspecteurs de l'autre. Depuis une trentaine d'années, à l'instar de la Ville de Luxembourg, les enseignants ont constitué dans des communes de dimensions différentes des « comités de cogestion » pour collaborer efficacement à la gestion et à l'organisation scolaire.
Le système éducatif luxembourgeois se trouve devant un important changement de paradigme: l'enfant se trouvera désormais au centre. Actuellement la mission des enseignants consiste toujours à faire avancer le « programme » et de l'achever avant la fin de l'année scolaire. La responsabilité de la réussite ou de l'échec scolaire revient aux élèves et aux parents. Le rôle de l'école et des enseignants est en train de changer: l'apprentissage est organisé d'après les capacités de l'enfant. Pour atteindre cet objectif, les enseignants forment des équipes pédagogiques. Ils définissent les besoins des enfants et organisent leurs apprentissages. Ils déterminent les méthodes pédagogiques appropriées pour que les enfants puissent atteindre des socles de compétences définis. L'enseignant, jadis guerrier solitaire, ne se voit plus réduit à un simple exécutant.
Notons au passage que les enseignants qui dépendent et du Ministère et de la Commune sont très sceptiques vis-à-vis d'une hiérarchie. Les projets pédagogiques innovateurs qui existent dans certaines communes sont les résultats d'équipes d'enseignants qui ont uni leurs efforts pour élaborer ces projets et répondre aux besoins locaux. Mais il est souvent très laborieux d'effectuer des changements à l'école et les projets ont dû passer beaucoup d'obstacles administratifs. Il faut non seulement trouver l'appui de l'inspecteur du ressort, mais aussi convaincre les élus communaux pour trouver les ressources nécessaires. Malheureusement ces démarches découragent souvent les enseignants engagés et jouent en faveur d'une école conservatrice.
Pour garantir une autonomie à l'école, il faut responsabiliser les enseignants et les associer à l'organisation des écoles. Ainsi un comité de cogestion, déjà défini dans l'avant-projet de la nouvelle loi scolaire, a pour mission de s'occuper de la gestion journalière de l'école, de préparer le budget et l'organisation scolaire pour les soumettre à la Commission scolaire. Le comité élabore des propositions concernant les activités pédagogiques et éducatives, l'acquisition de matériel didactique et la construction et l'équipement des bâtiments scolaires. Ses tâches comprennent entre autres la coordination de la surveillance des élèves, l'accueil de nouveaux élèves et la gestion du matériel didactique. Le comité de cogestion représente les intérêts du corps enseignant vis-à-vis des autorités communales et de l'inspectorat. Il se charge en commun accord avec tous les acteurs de gérer et d'investir les ressources et moyens mis à la disposition des écoles.
L'école doit ouvrir ses portes et devenir transparente. Il revient au comité d'assumer cette mission. Il travaille en étroite collaboration avec les représentants des parents et désigne en son sein une personne de contact qui sera l'interlocuteur pour les parents, le ministère et toutes les autres instances et associations.
Il faut que cette personne soit facilement abordable et représente l'école.
Le comité garde une vue densemble et fonctionne au niveau communal. Les comités et leur président sont élus pour une période déterminée par et parmi les intervenants de toutes les écoles de la commune. Le président coordonne les travaux du comité sans pour autant être un supérieur hiérarchique. Il serait absolument inutile voire contre-productif d'établir une hiérarchie à l'intérieur des écoles. Il reviendrait à déresponsabiliser à nouveau les enseignants. Des mesures ou des projets pédagogiques, entamés et élaborés par les enseignants trouvent l'appui de tout le groupe et ont beaucoup plus de chances de réussite que des mesures imposées. Le comité de cogestion est l'instrument de l'autonomie des écoles et des enseignants.
Ne perdons pas de vue que l'objectif reste toujours la réussite scolaire au plus haut niveau possible des élèves.
Le comité répartit ses tâches parmi ses membres et peut constituer des groupes de travail au sein de ses écoles pour associer encore davantage d'enseignants et profiter au maximum des capacités de ces professionnels.
Les enseignants ne se retrouvent plus dans la situation qu'ils n'ont pas assez d'influence sur l'organisation de l'école et que les capacités des enfants ne correspondent pas aux « programmes » imposés.
Les dernières années, des comités de cogestion se sont constitués dans beaucoup de communes et ceci presque toujours à la demande et sur initiative des enseignants. Il faut noter que les attributions et tâches de ces comités sont souvent très divergentes. Elles ont été adaptés aux exigences des structures scolaires des communes Les négociations pour aboutir à un comité de cogestion furent souvent très difficiles. Les autorités communales se voyaient menacées dans leur autorité par une perte de pouvoir et d'influence sur l'école. Mais elles ont vite compris que la gestion des écoles par les comités constituait un grand avantage et favorisait les initiatives des enseignants en vue d'une améliorer du fonctionnement de l'école. D'ailleurs une entente au niveau national a été organisée par les comités pour favoriser la communication et des échanges sur des projets pédagogiques locaux.
Le rôle des parents
Actuellement les relations entre les parents et les enseignants et l'école en général sont parfois assez difficiles. Les entrevues, soit à la demande des parents ou des enseignants, n'ont lieu qu'en cas de problèmes de l'enfant ce qui ne facilite pas les communications.
Le rôle des associations des parents d'élèves se limite souvent à l'organisation d'activités extrascolaires et de fêtes.
La collaboration entre les titulaires et les parents doit être régulière. Cela semble être facile à réaliser, mais les choses sont plus compliquées. Notre système scolaire est sélectif et risque de le rester encore à l'avenir.
A la fin de la sixième année d'études, les enfants sont orientés vers les deux ordres d'enseignement secondaire. Même si on va laisser ce choix aux parents, l'école doit fournir des évaluations pour justifier ce choix. Il y aura toujours de bons et de moins bons élèves. Actuellement, l'enseignant qui suit son programme provoque l'échec scolaire auprès des enfants ne répondant pas à la norme définie pour leur catégorie d'âges. Les mesures d'appui et de différenciation ne font qu'accentuer un effet de stigmatisation. En partant des capacités et aptitudes de chaque enfant, en organisant l'école en cycles de deux années ayant pour objectif d'atteindre des socles de compétence, le rôle des enseignants va changer fondamentalement.
Au lieu de sélectionner et d'évaluer les élèves vis-à-vis d'un « programme », l'équipe pédagogique peut organiser l'apprentissage de l'enfant selon ses besoins et ses progrès. Dans cette perspective, les relations entre parents et enseignants pourraient se faciliter.
L'intérêt de la plupart des parents, et l'engagement dans les associations des parents d'élèves semble le prouver, se limite souvent à l'évolution de leurs propres enfants.
Un comité des parents s'engageant en vue du bien-être de tous les enfants de l'école est indispensable.
Pour être représentatif au niveau communal, les membres de ce comité doivent être élus par tous les parents. Le comité des parents travaille en étroite collaboration avec le comité des enseignants avec des réunions communes régulières.
Et les enfants ?
Un grand objectif de notre enseignement est de transmettre nos valeurs démocratiques. Des comités de parents et d'enseignants, démocratiquement élus, montreront le bon exemple. Mais la participation des enfants doit aller plus loin. Les expériences des « Kannergemengerot » et « Kannerparlament » sont concluantes. Les enfants apprennent à organiser leur communauté, peuvent lancer des initiatives et essayent de résoudre des problèmes comme la violence à l'école. Mais il faut les prendre au sérieux et leur montrer que leurs efforts et réflexions sont considérés à leur juste valeur et entraînent des conséquences.
Les comités de cogestion, symbolisant une autonomie des écoles et des enseignants, le dialogue entre l'école et les parents ainsi qu'une responsabilisation des élèves représentent des outils indispensables pour réaliser les réformes nécessaires dans nos écoles
Journal 4/2006