Editorial 2/2006: Journée de réflexion sur la loi scolaire : L'avenir de l'école et de notre profession (Monique Adam)

16.04.2006

Journée de réflexion sur la loi scolaire : L'avenir de l'école et de notre profession


Les discussions autour de l'avant-projet de loi concernant l'organisation de l'éducation préscolaire et de l'enseignement primaire font apparaître de plus en plus que nous sommes à un tournant décisif pour l'avenir de l'école.

Le carcan rigide de l'école-caserne avec son organisation hiérarchique, ses leçons soigneusement chronométrées et son organisation rigide, semble définitivement tomber en miettes. On pourrait le regretter en n'y voyant que perte d'autorité et abandon de routines bien rodées au profit de projets vaseux. Dans des moments d'incertitude, on se met bien vite à regretter le bon vieux temps où le maître tenait son autorité d'une institution non controversée.

Or, en tant que représentants d'une organisation syndicale qui n'a cessé de réclamer la dignité de l'enseignant, mais aussi celle de l'élève nous serions mal placés pour défendre de telles nostalgies. C'est donc sans regret que nous comptons nous lancer dans la révolution qui est en train de s'accomplir. D'ailleurs, au fond de lui-même, chaque enseignant a compris depuis un moment que les rouages de l'ancien modèle ne fonctionnent plus. Ceux qui sont tentés d'en appeler à leur hiérarchie pour asseoir leur autorité face à des parents d'élèves ne le remarquent que trop tôt. Les temps ont changé, et il y a du meilleur et du pire. A nous de nous adapter en essayant d'en tirer du meilleur.

Par certains côtés, l'avant-projet de loi a bien compris qu'il faut un changement de paradigme et que l'école doit désormais s'occuper de chaque enfant en tenant compte de son histoire personnelle et de ses potentialités. « A chacun selon ses besoins » est une devise bien sympathique dès lors qu'on arrive à se mettre d'accord sur ces besoins et c'est là que le débat doit commencer. Un débat qu'il faut mener en permanence et qui tourne autour des valeurs éthiques qui sont à la base de notre vie en société. Mais supposons, pour simplifier, que ces valeurs soient communément admises, et soulignons que l'article 7 de l'avant-projet en donne une définition assez heureuse dans l'énumération des objectifs de l'école. Il s'agit dès lors, d'amener tous les élèves, ou plutôt chaque élève considéré dans son individualité et respecté dans « l'épanouissement de sa personnalité », à devenir des «citoyens responsables, capables de participer à la vie sociale, civique, culturelle et économique du pays ». Mission qu'un système rigide n'arrive évidemment pas à remplir et pour laquelle il faut désormais trouver un nouveau modèle de fonctionnement de l'école.

Ce modèle reposera dorénavant sur les équipes pédagogiques de chaque école et leur capacité à tenir compte des besoins de leurs élèves en vue de les intégrer au mieux dans une société qui ne cesse d'évoluer. L'équipe pédagogique remplacera dorénavant l'instituteur indépendant, titulaire d'une classe et responsable d'un groupe d'élèves. Au temps de l'individualisme exacerbé, on commence à se méfier des personnalités trop affirmées ou trop carrées et peu enclines aux compromis. Ce qu'il faut souligner par ailleurs, c'est qu'au moment où l'institution vacille, l'engagement personnel de chacun et de chacune commence à jouer un rôle prépondérant. On peut alors constater des différences. Ces différences existent dans toutes les professions, mais il y a peu de situations où elles sont res senties de façon aussi injuste qu'au sein de l'école publique, censée offrir des chances égales à tous les élèves. Les équipes pédagogiques seront donc appelées à éviter les dérapages trop individualistes, mais elles seront également appelées à forger le développement scolaire. Elles auront besoin de beaucoup de créativité, de doigté et de persévérance, mais il leur faudra également à la fois les moyens et la confiance des partenaires pour mener à bien leur mission.

Le SEW/OGB•L mise clairement sur la dynamique des équipes pédagogiques et des comités de cogestion pour rénover le système scolaire, mais il est assez proche du terrain pour savoir que les conditions de réussite sont loin d'être optimales :
• Jusqu'à une époque très récente, l'instituteur a été formé à assumer ses responsabilités en solitaire et une bonne partie du fonctionnement du système scolaire actuel repose encore sur l'engagement personnel considérable d'enseignants plutôt isolés ;
• Les matières à enseigner et les manières de les transmettre constituent les points forts du plan d'études et de la formation des enseignants. Les méthodes d'observation de la construction des compétences par les élèves ne sont pas encore au point ;
• La tâche de l'instituteur n'a cessé de croître au cours des dernières années, non seulement à travers l'accroissement des matières à enseigner et des techniques culturelles à maîtriser, mais encore à travers la prise en compte des besoins individuels des élèves, l'implication de leurs parents et la prise en charge plus globale de l'enfant, mêlant éducation et instruction ;
• Les besoins spécifiques de certains enfants appellent l'intervention de spécialistes qui sont généralement loin du terrain et peu intégrés aux équipes pédagogiques ;
• Bon nombre d'instituteurs et d'institutrices sont submergés par le vécu professionnel au quotidien et ne se sentent guère appelés à s'occuper du développement de leur école et du système scolaire en général.

Le changement de paradigme ne peut s'opérer qu'à condition de convaincre la majorité des enseignants à reconsidérer les bases de leur routine professionnelle. Pour être prêts à assumer le nouveau rôle qu'ils ont à jouer, ils doivent être convaincus du bien-fondé et de la faisabilité des changements proposés. Les équipes pédagogiques auront besoin de ressources humaines, de moyens techniques, de liberté pédagogique et surtout de temps pour mener à bien leur tâche. L'implication des enseignants dans le développement scolaire doit avoir des incidences sur leur tâche d'enseignement. Pour arriver à bon port il vaut mieux ne pas surcharger la barque. Mais surtout et avant tout des discussions doivent être menées pour esquisser concrètement les tenants et aboutissements de cette réforme.

Le 18 février prochain, le SEW et la FGIL organiseront une 2e journée de réflexion autour de la nouvelle loi scolaire. La première édition de cette manifestation avait connu un franc succès et le débat entre les différents participants nous a paru extrêmement fructueux. Cette année, les thèmes des ateliers reprennent les questionnements cruciaux sur le nouveau rôle de l'enseignant. Nous espérons que tous les enseignants s'empareront de ce débat pour ne pas abandonner le développement de la profession aux soins de quelques bureaucrates ou de quelques voyageurs de commerce en éducation.


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Monique Adam
Présidente du SEW