Loi scolaire Réunion préambule 12-2002

27.08.2003

Un texte moralisant, avec une obligation de résultats pour l'école, mais sans obligation de moyens pour le MENFPS
Premières réactions à l'issue d'un échange de vues des « partenaires scolaires »
au MENFPS sur une proposition de texte d'avant projet de loi d'orientation sur l'école .


En date du 12 décembre 2002, le MENFPS avait invité les représentant-e-s des élèves, des parents d'élèves, des enseignant-e-s, des inspecteurs de l'enseignement primaire et des directeurs des lycées et lycées techniques pour connaître leur avis et commentaires sur un texte d'avant - projet de loi d'orientation sur l'école.
Le moins qu'on puisse dire, c'est que ce texte n'a guère enthousiasmé l'assistance …. Voici, en résumé, les principales critiques qui y ont été apportées.


Un texte moralisant
Les stipulations du texte d'orientation ressemblent par endroits plutôt à un exposé des motifs ou de la prose qu'à un texte juridique.
A quoi servent les appels aux devoirs des enseignant-e-s, des élèves et de leurs parents ? S'agit-il de mettre en évidence les bonnes intentions du législateur tout en lui permettant de s'en laver les mains. ?
Est-il opportun de faire voter un texte à la Chambre des Député-e-s dont la valeur de mise en œuvre est quasiment nulle ? Ne faudrait-il pas plutôt y insérer des règles concrètes et mesurées qu'on puisse mettre en pratique ?
Est-il plausible d'inscrire dans une loi que « les parents ont obligation de participer aux réunions d'information auxquelles ils sont invités » ? Une non-participation pourrait-t-elle être sanctionnée ? Et comment ?

Un texte qui, tout en chargeant l'école d'une série impressionnante de missions, s'abstient de mentionner les moyens qu'il faut pour les remplir.
Souhaiter qu'« à la fin de l'enseignement primaire tous les élèves doivent avoir acquis les connaissances fondamentales en écrit, en calcul et en lecture » est fort louable. En revanche, on cherche vainement dans le texte les moyens dont l'école disposerait pour atteindre cet objectif auquel tout le monde - évidemment - pourrait souscrire des deux mains.
La partie sur les missions de l'école et de l'enseignant-e regorge de tâches auxquelles il faudrait s'atteler. Face aux déficiences sociétaires croissantes, il est devenu coutumier de vouloir ainsi charger l'école - c'est-à-dire les enseignant-e-s - de missions de plus en plus diversifiées, sans bien entendu réfléchir aux moyens (personnel disponible, infrastructures, …) qui, eux, rétrécissent comme peau de chagrin. Il est facile de vouloir faire porter à d'autres le fardeau qu'on ne veut porter soi-même !
Au niveau de l'enseignement postprimaire, le projet de loi sur l'organisation des lycées et lycées techniques constitue d'ailleurs une illustration exemplaire de cette mentalité hypocrite et méprisante: voilà que le MENFPS se décharge de ses responsabilités en s'apprêtant à créer des établissements plus autonomes tout en ayant le culot de demander à celles et ceux qui veulent bien s'engager dans les structures de participation de travailler en bénévoles. Or il est évident qu'un tel engagement n'est possible que si les personnes en question disposent de temps et de moyens suffisants. L'autonomie, comme toute réforme, a son prix !

Un texte tantôt vague, tantôt curieusement précis
De vague la plupart du temps, le texte devient en revanche très précis dans certains passages.
Ainsi il formule parfois des objectifs qui se prêtent plutôt à figurer dans un référentiel de formation.
Ainsi il mentionne que l'école commence le 15 septembre et se termine le 14 septembre. Si pour le représentant du MENFPS qui dirigeait la réunion, cette phrase tendrait à garantir que les contrats des chargé-e-s de cours à durée déterminée couvrent la période des vacances d'été, on peut aussi y percevoir un autre but: permettre en toute légalité aux directions des lycées et lycées techniques de raccourcir le congé d'été (à l'instar de ce qui se fait actuellement à l'IEES), en fixant p.ex. les ajournements avant le 15 septembre.

Un texte qui fait perdurer les vieilles inégalités
Si, à l'enseignement primaire, il est demandé que l'école soit organisée « de manière à donner aux élèves une éducation et une instruction communes » de sorte qu'à la fin de cet ordre d'enseignement ils aient « acquis les connaissances fondamentales en écrit, en lecture et en calcul », cet objectif d'égalité semble perdre sa raison d'être dans l'enseignement postprimaire. Ici, le texte maintient l'ancienne ségrégation des élèves en ES et EST. Le représentant du MENFPS s'est exprimé comme suit à ce sujet: « Mir wëllen d'Kanner zesummen haalen an der Primärschoul; am Secondaire wiesselt dat; da kommen der vill nëtt méi matt an da priméieren nei Finalitéiten ! »
Ne s'inquiète-t-on toujours pas au MENFPS, pourquoi autant d'enfants ne parviennent plus à acquérir les connaissances fondamentales dans notre système scolaire ? Continuera-t-on à la fin de l'école primaire à faire le constat des différences de niveau énormes - qui pour la plupart trouvent leur origine dans des injustices sociales - et à avaliser mécaniquement l'échec à travers ce qu'on appelle pudiquement « orientation » ?
Ne faudrait-il pas au contraire lutter contre les décrochages précoces massifs qui ont lieu dans notre système scolaire inadapté, en prenant enfin à bras-le-corps le problème des langues- vieux de 30 ans au Luxembourg - et en investissant sérieusement dans la prise en charge des enfants dès les premières années de l'école primaire. La Finlande, pays-phare de l'étude PISA, pourrait ici servir d'exemple.
Mais cela exigerait sans doute qu'on discute enfin des moyens de l'école publique en matière de recherche et de formation pédagogique, de personnel et d'infrastructures adaptées; cette discussion est une nouvelle fois évitée par le texte sous revue.

Un texte qui « oublie » l'enseignement supérieur, mais qui inclut les écoles privées
Pour les auteurs de cette proposition d'avant-projet, l'enseignement supérieur semble hors du contexte d'une loi sur l'orientation scolaire au Luxembourg ! Ceci revient à abandonner définitivement l'enseignement supérieur et son corollaire, la recherche, à l'initiative privée. Il s'agit là non seulement d'une vision réductrice du rôle économique et des responsabilités sociales et culturelles de l'Etat, mais encore d'une attitude incompréhensible de la part de personnes qui devraient veiller à la formation des enseignant-e-s - formation qui a nécessairement lieu dans le cadre de l'enseignement supérieur.
En revanche, les écoles privées sont appelées à jouer un rôle beaucoup plus important au niveau de l'enseignement luxembourgeois, projet de loi sur le financement public oblige !
Dans ce contexte, il n'est pas étonnant que la notion de solidarité ne soit pas évoquée dans le texte (« et gëtt méi den Akzent geluegt op d'Zesummeliewen !» dixit le représentant du MENFPS) et que la gratuité de l'enseignement ne soit pas mentionnée dans le cadre du « droit à la formation scolaire » ni introduite au niveau de la mise à disposition du matériel scolaire à l'école primaire.

Attention aux manœuvres de diversion du MENFPS!
Face aux nombreuses critiques, le représentant du MENFPS a qualifié en fin de réunion le document discuté de texte-martyre et a laissé entendre que plusieurs réunions ultérieures seraient nécessaires pour parvenir à un projet viable. Une première rencontre portant sur une nouvelle ébauche du texte aurait lieu le 22 janvier 2003. Ce nouveau texte serait adressé aux « partenaires » au début de l'année.
Mais attention ! A l'issue des discussions autour d'une proposition d'avant-projet de loi portant sur l'organisation des lycées et lycées techniques que le MEN avait organisées avec ces mêmes « partenaires », la Ministre de l'Education nationale vient de soumettre au Conseil de gouvernement un avant-projet qui n'a guère tenu compte des suggestions de ceux-ci et qui témoigne d'un comportement méprisant des revendications de cogestion des enseignant-e-s.
Dans cette dernière partie de la législature, la promesse électorale d'une « offensive » en matière d'enseignement et d'éducation se concrétise dans la dérive vers un conservatisme néo-libéral alliant esprit autoritaire et désir de privatiser l'enseignement. Il faudra veiller à ce que la loi sur l'orientation de l'école luxembourgeoise ne serve à cimenter une telle « vision » conservatrice, voire réactionnaire.

Guy Foetz