La réforme de l’enseignement fondamental vouée à l’échec !
C’est à contrecœur que les syndicats ont interrompu les négociations avec la ministre et les représentants du ministère et de l’inspectorat au sujet des bilans d’évaluation. Ils avaient espéré jusqu’au dernier moment que les nombreuses critiques de la base aient raison de cette véritable absurdité de la réforme scolaire que constituent les bilans et que la Ministre réalise enfin que cette abstraction bureaucratique n’ait rien à voir avec un feedback constructif sur les apprentissages des élèves. La stratégie du MEN se résumait à mener des négociations interminables pour gagner du temps sans pour autant être disposé à faire les moindres concessions.
Les syndicats étaient certes conscients de cette stratégie. Vu l’importance et l’urgence d’un changement des principes fondamentaux de l’évaluation, ils avaient néanmoins bien préparé les entrevues afin de relever les incohérences du système actuel et l’impossibilité d’y remédier en restant dans la logique d’une progression linéaire. Vous pourrez lire dans ce journal les réflexions et revendications des syndicats sur les principes de l’évaluation.
Or, lors des dernières réunions, les discussions devenaient de plus en plus surréalistes, faisant apparaître les échelles de progression comme des mosaïques permettant des allées et venues sur des cases constituant un dessin plutôt qu’une progression. Devant tant de mauvaise foi, les responsables des syndicats ont dû constater que la ministre n’était intéressée qu’à une nouvelle simplification d’ordre cosmétique des bilans d’évaluation.
Madame Delvaux a pris l’échec, pourtant prévisible sinon calculé, des négociations avec les syndicats comme prétexte pour ne rien changer aux bilans. Le contingent de leçons d’enseignement, autre épée de Damoclès pour un enseignement de qualité, ne sera pas adapté non plus aux besoins des élèves dans les écoles. Et la ministre poursuit la même stratégie pour le PRS. Elle présente de légères adaptations avec la promesse de réduire la tâche administrative pour parer aux plus vives critiques, tout en espérant que les enseignants finiront par se soumettre définitivement à cet exercice abstrait qui ne fait pas sens à leurs yeux. L’information pertinente que le PRS est désormais désigné comme l’instrument servant à évaluer les écoles n’a toujours pas été communiquée aux enseignants, et pour cause.
Ainsi les principales revendications de la grande manifestation du 22 mars n’ont pas été entendues, ce qui explique que les enseignants du fondamental sont actuellement très en colère. Leurs réactions lors des formations obligatoires des enseignants du cycle 4 sur les bilans d’évaluation démontrent cependant qu’ils ne se sont pas encore résignés. Les critiques au sujet des modèles présentés étaient très vives et beaucoup de collègues ont à nouveau articulé clairement les déficiences des procédures proposées.
Contrairement à ce que la journaliste du « Lëtzebuerger Land » vient de prétendre dans l’édition du 7 décembre, ceci démontre que les enseignants restent pour l’instant hautement motivés et se sentent toujours pleinement responsables de ce qui se passe à l’école. Leur engagement reste entier et il a permis de combler jusqu’à ce jour les défaillances et les faiblesses de la mise en oeuvre de la réforme scolaire. Là où les enseignants commencent à résigner et à se retrancher derrière des démarches procédurières, l’avenir de notre système scolaire est réellement menacé. Là ou la logique bureaucratique est en train de prendre le pas sur la logique pédagogique, les écoles se transforment en gares de triage et l’orientation des élèves prime sur les apprentissages.
Dans ce contexte quelques questions s’imposent: Pourquoi la ministre s’obstine-telle à ne pas prendre en compte les messages du terrain, pourquoi les représentants du MEN persistent-ils à parler d’un feedback positif des enseignants et des parents alors que les avis critiques sont systématiquement ignorés et pourquoi le MEN préfère-t-il imposer sa politique à l’aide d’une campagne de propagande au lieu d’entrer en dialogue avec les acteurs du terrain ?
La récente présentation des délégués de l’OCDE du rapport sur l’évaluation dans le système éducatif a fourni bien des réponses. Sans pour autant tomber dans le piège de théories conspiratives, le feedback de l’OCDE nous a montré que les responsables luxembourgeois sont des élèves dociles de la doctrine néolibérale prônée par l’organisation de coopération et de développement économique et qu’ils suivent systématiquement et à cent pour cent les objectifs et les directives de Paris. Or, la logique bureaucratique néolibérale impose un carcan empêchant la pensée critique et la réflexion sur les pratiques professionnelles, ce qui alimente actuellement un processus de dilution des responsabilités. Les enseignants deviennent des marionnettes malléables, irresponsables et la qualité de l’école publique en souffre terriblement.
Face à cette menace les enseignants, qui se sont jusqu’à présent efforcés à respecter leur devoir de réserve et à n’articuler leurs critiques qu’à l’intérieur de l’institution tout en rassurant les parents d’élèves et en essayant de préserver intacte l’image d’un système scolaire qui sait guider les apprentissages des élèves, n’ont plus le choix de se taire. Pour remettre notre système éducatif sur le droit chemin, pour lui restituer les valeurs de la solidarité et pour en faire le garant de l’équité sociale, il faut dénoncer cette politique dévastatrice et dangereuse pour la cohésion sociale et notre société entière.
Ne nous laissons pas aller à l’indifférence ! Défendons le sens de notre travail avant qu’il ne soit trop tard !
Président du SEW/OGBL |
Monique Adam Membre de la direction syndicale |