Avis du SEW/OGB-L sur le projet de loi de base sur l'école

19.01.2004

Au niveau de l'exposé des motifs, le projet de loi ne se montre pas assez ambitieux, surtout en ce qui concerne les adaptations à réaliser. Notamment la prise en compte de la situation des enfants d'origine non luxembourgeoise devrait être renforcée. Le SEW soutient la proposition du CSEN qui avait écrit dans son avis: « Comme plus d'un tiers des élèves sont d'origine étrangère, ils doivent bénéficier d'un enseignement adapté à leur situation linguistique et culturelle qui leur accorde les mêmes chances de réussite qu'aux élèves d'origine luxembourgeoise. ».

En excluant l'enseignement supérieur, l'éducation des adultes et la formation professionnelle continue, le projet de loi se refuse de montrer les liens nécessaires entre ces différentes institutions éducatives et formatives et d'en donner un aperçu cohérent. Une telle ambition est cependant affichée au 2e paragraphe de l'exposé des motifs.

Le SEW est d'avis qu'une loi de base devrait prioritairement régler non seulement les fondements, structures et l'organisation communs du système éducatif prévu pendant la scolarité obligatoire, mais qu'elle devrait créer la convergence de tous les systèmes existants, c. à d. que la formation tout au long de la vie et non seulement au long de la scolarité devrait clairement avoir un repérage dans cette loi.

Certaines formulations semblent particulièrement malencontreuses comme « Le projet de loi procure à l'Ecole, qui en faisant la leçon doit aussi donner l'exemple, … » et « L'enjeu consiste à introduire la confiance et la responsabilité là où règnent encore aujourd'hui la défiance et le règlement » et devraient être biffées.


Les fondements de l'école

Les missions de l'école

L'article 4 énumère les missions de l'Ecole en oubliant que l'Ecole constitue un lieu de vie pour les enfants. Les différentes missions énumérées dans cet article ne se situent pas toutes au même niveau. Certaines témoignent d'un esprit particulièrement tatillon.

« Apprendre à l'élève à travailler en groupe, à respecter autrui, à respecter les objets et les installations, ainsi que l'environnement et... encourager l'élève à prendre des responsabilités ensemble avec autrui pour le bien-être commun » sont selon le SEW, plutôt des missions à retenir dans un règlement interne que dans un projet de loi de base.
Le SEW regrette particulièrement de ne pas retrouver ici une prise en compte des particularités linguistiques et culturelles des élèves.

Par l'article 5 l'auteur du projet veut souligner l'importance de l'égalité des chances. Or, en disant que l'Ecole a également pour mission de veiller à l'égalité des chances en offrant, dans la limite des moyens qui sont à sa disposition, les mêmes opportunités d'encadrement et d'appui à tous …, l'auteur témoigne d'un manque de volonté d'aller au bout des problèmes.

Cette restriction de l'action de l'école par la mention des moyens mis à sa disposition revient d'ailleurs à plusieurs reprises dans le texte du projet.

Les principes de mise en œuvre

L'article 9 effleure la scolarisation des enfants à besoins spécifiques, sans donner une information concrète sur les moyens mis à disposition. La question quant à la forme d'aides supplémentaires qu'on accorde aux enfants pour répondre à leurs besoins demeure sans réponse.

Le SEW est d'avis que, comme la Commission médico-psycho-pédagogique nationale, qui, selon le projet, décide si la scolarisation d'un enfant à besoins spécifiques se fait ou non, n'est pas définie dans ce texte, il faudrait éviter de la mentionner. En ajoutant à la décision de cet organe: « pour autant que l'enseignement peut être assuré pour tous les enfants de la classe d'accueil », l'auteur ne donne aucune information concrète supplémentaire mais rend la procédure encore plus obscure.

L'article 10 énumère les principes sur lesquels les enseignements se fondent. Le SEW souhaite qu'au point 4. « permettre à l'élève de construire son propre savoir par l'accès à la lecture et à l'information, à réfléchir sur sa façon d'apprendre, à participer activement au cours et à formuler des propositions » la communication avec les autres soit ajouté.

Le SEW est d'avis que dans l'article 11 la phrase « L'école s'organise de manière que les élèves qui maîtrisent seulement soit la langue allemande, soit la langue française puissent suivre des études techniques et professionnelles », constitue une discrimination pour des élèves arrivant au Luxembourg en cours de scolarité, en leur barrant l'accès à l'enseignement secondaire classique.
Par ailleurs la valorisation de la langue maternelle de l'élève n'est pas assez prise en compte. Aucune mesure concrète n'est proposée.

Le parcours scolaire

L'obligation scolaire

L'article 14 dit que « L'enseignement peut également être suivi dans des établissements scolaires privés … ». Le SEW garde sa position et demande de soutenir l'école publique.

L'article 15 définit le contrôle du respect de l'obligation de fréquentation régulière. Le SEW propose dans ce contexte qu'en cas d'absence prolongée non reconnue, suivie d'une deuxième récidive, soit ajoutée une période d'assistance sociale ou psychologique pour les parents afin qu'ils puissent régler le problème avant qu'ils ne soient condamnés à une amende de cinquante à deux cent cinquante euros.

L'orientation et la promotion de l'élève

L'article 16 indique que lors du passage de l'enseignement primaire à l'enseignement secondaire les parents expriment leur choix pour un ordre d'enseignement ou une formation. Or, le SEW est d'avis que ce choix devrait se faire en concertation avec l'enfant et après discussion approfondie avec les enseignants et autres professionnels de l'éducation sur les performances et potentialités de l'élève d'une part et les visées des différentes classes de 7e d'autre part.

Dans la procédure d'orientation d'un ordre d'enseignement vers un autre, visée à l'article 17, le SEW ne soutient pas l'argument qu'un l'élève doit être majeur pour être informé des motifs de l'orientation et des possibilités d'études ultérieures.

L'article 18 énumère les inscriptions dans le livret ou bulletin scolaire. Le SEW propose d'enlever les notes du comportement de l'élève du bulletin scolaire, vu que cette note pourrait avoir des implications négatives sur sa future recherche d'emploi. Par ailleurs, le SEW est d'avis qu'il suffirait d'inscrire le total des journées d'absence au lieu de faire un relevé complet.

La structure de l'enseignement

L'article 21 fait une différenciation entre l'enseignement secondaire et l'enseignement secondaire technique. L'expression « Sous certaines conditions, l'EST permet aux élèves d'accéder aux études supérieures de niveau universitaire » constitue une barrière pour les élèves de l'EST. Il faut noter d'ailleurs une contradiction avec l'article 12 de la loi sur l'Université du Luxembourg, qui ouvre l'accès aux études universitaires aux détenteurs d'un diplôme de fin d'études secondaires ou secondaires techniques.

Le fonctionnement de l'école

L'organisation générale

L'article 22 stipule que « Les manuels et les matériels didactiques utilisés à l'école doivent être autorisés par le ministre sur proposition ou avis des commissions nationales. Les écoles peuvent utiliser des manuels et des matériels didactiques complémentaires aux manuels et matériels autorisés en fonction des besoins de leurs élèves. »

Ce paragraphe oblige les enseignants d'utiliser le matériel didactique et les manuels prescrits par le ministère, ayant comme conséquence un manque de liberté pédagogique des enseignants qui n'ont plus les moyens de se concentrer sur les besoins spécifiques des enfants.

Par ailleurs, il n'existe actuellement aucune commission nationale pour les manuels proposés pour l'enseignement primaire et les enseignants sont de moins en moins écoutés à ce sujet.

La différenciation

Par cette section, l'auteur du projet marque fortement le clivage qui existe entre l'enseignement primaire et l'enseignement post-primaire. Or, après l'étude PISA et les différentes comparaisons entre pays possédant un cycle commun jusqu'à la fin de la scolarité obligatoire et ceux qui opèrent une sélection précoce, il faudrait reprendre la réflexion sur les mérites d'un tronc commun jusqu'à la fin de la scolarité obligatoire. Une loi qui fixe ces clivages est donc inopportune.
Par ailleurs l'article 24 semble exclure l'appui au niveau de l'enseignement secondaire et secondaire technique.

L'encadrement de l'élève

L'article 25 dit que « l'école offre, dans la limite des moyens qui sont à sa disposition … un accueil des élèves en dehors des heures de cours, des activités d'appui, une aide aux devoirs et des activités périscolaires. ». Or, le SEW est d'avis que la prestation de services d'accompagnement devrait être assuré par les pouvoirs publics (Education nationale et autorités communales) et que les activités d'appui ainsi que les aides aux devoirs devraient être organisées par l'école.
Par ailleurs, le SEW propose d'ajouter que les devoirs à domicile ne devraient pas empêcher l'élève de profiter des activités périscolaires. L'élève a besoin d'un droit à un temps libre.

Dans son article 28 le projet parle de l'octroi de subsides aux élèves dont les moyens propres ou ceux de leurs parents sont insuffisants. Le SEW est d'avis que l'école publique doit être gratuite tout au long de la scolarité obligatoire ce qui doit inclure également la mise à disposition du matériel scolaire.

Le fonctionnement des écoles

L'organisation des écoles

L'article 31 fixe l'auditoire d'un cours entre 10 et 30 élèves. Il faut se demander alors, si le cours d'appui est exclu de cette mesure, sinon il est évident qu'un appui individualisé n'est plus possible.

L'action pédagogique autonome

Le SEW est d'avis que la procédure de demande d'autorisation en vue d'organiser des actions pédagogiques spécifiques prévue à l'article 32 est beaucoup trop bureaucratique ce qui risque d'étouffer toute initiative. Il doit y avoir un contrôle des résultats, élaboré en concertation avec les différents partenaires, afin d'éviter des dérapages. Par ailleurs il faut laisser une certaine autonomie pédagogique aux écoles et aux enseignants.

Droits et devoirs des partenaires scolaires

Les partenaires scolaires

Le SEW regrette qu'aucune structure de collaboration précise entre les différents partenaires scolaires ne soit définie dans cette section ni dans la section intitulée « Le partenariat »..

L'enseignant

Si conformément à l'article 47, les autorités scolaires rendent obligatoires certaines formations continues, le SEW revendique le droit de participation pour les enseignants à l'élaboration du contenu des cours. En général, les formations continues devraient résulter des besoins exprimés par les enseignants sur le terrain. Chaque école devrait avoir à sa disposition un certain budget et un certain crédit d'heures pour organiser des formations continues.

Les membres des services des écoles

Selon le SEW, la surveillance des élèves par les membres des services des écoles, préconisée à l'article 48, devrait être organisée en concertation avec les enseignants.

Les autorités scolaires

L'article 49 énumère les missions des autorités scolaires. Le SEW propose de définir les critères de recrutement du personnel enseignant dans cet article pour éviter une embauche trop élevée de personnel non-qualifié. En outre, le SEW est d'avis qu'il faudrait intégrer l'Education différenciée dans la procédure du plan pluriannuel de recrutement.

Le partenariat

Dans l'article 52 est publié la liste des organismes à travers lesquels le partenariat est mis en œuvre. Le SEW tient à souligner que la Commission médico-psycho-pédagogique nationale n'est composée que par des personnes désignées par le ministère. Il ne s'agit donc pas d'un organe de partenariat. Il serait cependant important de faire évoluer la composition de cette commission dans ce sens en y faisant élire des représentants des parents d'élèves et des représentants des enseignants.

Le médiateur de l'éducation nationale

L'article 55 dit que le médiateur est désigné par le grand-Duc. Etant donné que le médiateur devrait avoir la confiance des différents partenaires, le SEW est d'avis qu'il devrait être désigné par le Conseil Supérieur de l'Education nationale.

Les moyens d'action pédagogique

Tout ce chapitre témoigne d'une conception très tatillonne de l'innovation pédagogique. En entourant les projets issus du terrain d'un tas de précautions bureaucratiques, l'émergence n'en est pas vraiment favorisée. Le Ministre détient toutes les ficelles, or le SEW est persuadé que l'école ne se laisse pas diriger comme un spectacle de marionnettes.

L'évaluation de l'école

En ce qui concerne la planification des besoins en personnel et en infrastructures, prévue à l'article 58, le SEW propose d'accorder un droit de participation aux enseignants. Par ailleurs, l'évaluation devrait se faire en collaboration avec les représentations des parents d'élèves, des élèves et des enseignants.

Finalement le SEW propose d'ajouter un article au sujet de la mise en place de bibliothèques et de médiathèques dans toutes les écoles.

Les organismes d'accompagnement

L'article 60 énumère les organismes d'accompagnement existants. Le SEW se pose la question si les Chambres professionnelles ne devraient pas figurer parmi les organismes retenus, étant donné que ces Chambres organisent l'apprentissage.

SEW/OGBL - 7 janvier 2004