Un automne chaud s'annonce

03.07.2008

Après l'échec des négociations des deux syndicats SEW et SNE avec le Gouvernement sur le reclassement de la fonction d'instituteur dans la carrière supérieure, la conciliation n'a pas non plus abouti à un accord. Après une dernière réunion en date du 25 juin, le conciliateur a constaté la non-conciliation. Le différend a donc dû être soumis au médiateur comme l'exige la loi.

Nous sommes tous conscients que le reclassement dans la carrière supérieure est indispensable, et ceci particulièrement pour la reconnaissance des études et pour l'image professionnelle.

C'est pour cette raison que le SEW a préféré ne pas introduire un deuxième litige après que le SNE l'eût fait tout seul, contrairement à ce qu'il avait été convenu entre les deux syndicats. Ce n'est qu'en gardant l'unité du front syndical que nous sommes en mesure d'obtenir gain de cause pour nos revendications bien justifiées. Et les collègues du SNE sont conscients que la mobilisation des institutrices et des instituteurs est en majeure partie due aux efforts assidus et persévérants du SEW.

En gardant la pression sur le Gouvernement avec une forte mobilisation, celui-ci ne pourra mener éternellement sa guerre d'usure sans faire de concessions.

Au cours de la conciliation, il y a cependant eu comme une lueur d'espoir. Les représentants des deux syndicats se sont réunis avant la dernière réunion de la conciliation pour faire une nouvelle concession au Gouvernement. Ils savaient néanmoins que la tâche des enseignants ne pouvait être augmentée davantage.

Rappelons que les syndicats avaient offert au Gouvernement 4 heures de présence hebdomadaires à l'école pour assumer les nouvelles missions du projet de loi: les concertations des équipes pédagogiques, le partenariat avec les parents, l'enseignement par compétences et son évaluation ainsi que les travaux administratifs d'une ampleur toujours plus importante et la formation continue. Ceci aurait permis la mise en place des réformes scolaires avec le soutien des syndicats et dans un climat scolaire serein.

Comme le Gouvernement a persisté dans son attitude d'exiger des leçons supplémentaires «devant les élèves», sans pouvoir en définir clairement l'objectif et le contenu, les syndicats ont formulé une nouvelle proposition. Celle-ci peut se résumer sommairement à une leçon d' »enseignement individualisé» supplémentaire dans la tâche des enseignants avec une réduction et une flexibilité accrue des heures de présence en dehors des leçons d'enseignement.

Les représentants du SNE étaient très optimistes et comptaient sur un accord lors de la dernière entrevue de la conciliation. Or le Gouvernement a continué son jeu d'usure et n'a fait aucune concession ce qui a enfin mis un terme à la conciliation. Mais il a atteint son objectif qui n'était autre que d'éviter une grève avant la fin de l'année scolaire. Il semble que le Gouvernement ne soit plus intéressé à trouver un accord avec les enseignants. Il persiste dans sa stratégie d'éterniser les négociations en espérant que les enseignants se décourageront et que la mobilisation perdra son souffle.

Cette façon de procéder est seulement possible grâce à une loi qui par ses procédures longues et compliquées rend les grèves très difficiles dans la fonction publique et permet au Gouvernement de perpétuer le statu quo.

Lors des pourparlers, il est clairement apparu que les responsables politiques n'ont aucun respect vis-à-vis du travail accompli par les institutrices et les instituteurs. Tous les arguments sur la formation et les sujétions de notre mission, sont du côté des enseignants et personne n'a songé à les contredire lors des négociations. Mais il semble qu'une politique populiste exige qu'on puisse démontrer au grand public qu'on ait réussi «enfin à mettre ces oisifs d'instits au travail».

Faut-il rappeler que c'est le Gouvernement qui a lié le reclassement de la fonction des institutrices et des instituteurs à la nouvelle loi scolaire? Il est clair que les syndicats ne peuvent soutenir et accepter une réforme de la loi scolaire sans revalorisation de la carrière.

Même si le projet de loi est loin de trouver l'appui du SEW dans tous ses détails, le SEW exige toujours une réforme de l'enseignement. Les membres du SEW ont d'ailleurs fait de nombreuses propositions et avis au cours de la phase d'élaboration du projet de loi. Or la coopération entre la ministre de l'Education nationale et les syndicats semble compromise.

En date du 13 juin, la Ministre de l'Education nationale vient de faire adopter plusieurs projets de règlements grand-ducaux en relation avec la nouvelle loi scolaire par le Conseil de Gouvernement, sans consulter les syndicats. Croit-elle vraiment pouvoir faire passer une nouvelle loi scolaire sans la collaboration des principaux acteurs du terrain? Tout porte à croire que la politique politicienne s'est emparée du sujet et que l'avis des partenaires scolaires n'est plus souhaité.

C'est extrêmement dommage et on ne peut que s'étonner du volte-face rapide d'une ministre qui au début de son mandat s'est jointe aux groupes de réflexions organisés par des enseignants et des parents d'élèves. Il est vrai que le temps presse, si elle veut faire aboutir son projet de loi. Mais à quoi servira une loi qu'il est impossible de mettre en pratique?

Il est donc presque incompréhensible pourquoi le Gouvernement ne s'est pas emparé rapidement d'une telle proposition qui lui aurait permis de résoudre deux problèmes à la fois: Trouver les ressources nécessaires pour remplir les nouvelles missions contenues dans la loi scolaire et régler la situation intenable de la carrière de l'instituteur.

Cette sortie de crise heureuse, le Gouvernement n'en a pas voulu. Etait-ce pour ne pas perdre la face où à cause de banals calculs économiques qu'il demande deux leçons d'enseignement individualisé.

Si les syndicats sont allés très loin dans la recherche du compromis, c'est que l'enjeu en vaut la chandelle. Il faut absolument entrer dans la carrière supérieure avant la mise en vigueur de la nouvelle loi scolaire. L'avenir de la profession en dépend. Cette nouvelle dignité, tant appelée par nos voeux, permettra aux instituteurs et institutrices de défendre leur spécialité face à tant d'autres spécialistes autoproclamées de l'école.

Les enseignants sont prêts à avoir recours à l'ultime et légitime moyen qui est la grève. La mobilisation dans presque toutes les écoles du pays montre notre détermination. Par ses tractations, le Gouvernement a su éviter la grève avant la fin de l'année scolaire. Mais les syndicats maintiendront la pression et une grève après la rentrée semble de plus en plus inévitable.

Le reclassement dans la carrière supérieure est absolument indispensable au respect de la fonction de l'instituteur avec ses multiples missions, sa complexité croissante et l'allongement des études.

Pour le respect de notre fonction et de l'école publique nous nous engagerons jusqu'à ce que nous trouvions un accord.

Monique Adam / Arendt Patrick