Avis du SEW-OGBL sur l'avant-projet de règlement grand-ducal concernant la formation théorique et pratique ainsi que la période probatoire des enseignants de l'enseignement postprimaire

11.03.2010




Remarques d'ordre général


L'exposé des motifs met en évidence plusieurs raisons pour la réforme:
  1. l'inadaptation des structures actuelles du stage à la forte augmentation du nombre de
    stagiaires;
  2. le nombre "exorbitant" de tuteurs
  3. les changements d'horaires et de titulaires lors de l'entrée en stage des stagiaires
  4. la redondance des contenus de certains cours à l'institut de formation et la surcharge de travail des stagiaires
  5. le moment de l'examen probatoire au 1er trimestre, alors que le stagiaire ne connaît pas
    encore ses classes.

Comment le présent avant-projet de réforme répond-il à ces problèmes et comment le SEW juge-t-il ces mesures?



ad (a) et (d)

Le stage ne compte plus que 5 trimestres au lieu de 6 et le premier trimestre ne compte que 20
unités de formation et aucun tutorat.
Le nombre d'unités de formation diminue de 400 à 260.
La décharge des stagiaires pour les activités de stage est fortement réduite (de l'ordre de 34 %).

L'avis du SEW:

  • Si le stage actuel pèche par un nombre élevé de cours purement théoriques et un certain nombre de redondances, les coupes sèches drastiques (-160 unités de formation) dans la formation théorique qui sont prévues dans l'avant-projet de règlement diminueront certainement la qualité de la formation. Nous pensons en effet que les stagiaires doivent se familiariser avec des notions pédagogiques fondamentales. Il faut aussi un enseignement théorique ! Ces notions ne sont pas innées et elles ne peuvent provenir uniquement de l'expérience pratique. Connaître la matière enseignée est une chose, la transmettre adéquatement à des jeunes en est une autre. Enseigner est un métier qu'on apprend aussi en ayant des échanges fréquents et prolongés avec nombre de personnes (formateurs, tuteurs, enseignants, stagiaires, élèves et parents). Cela demande du temps et une année scolaire est à notre avis trop courte pour parvenir à ces fins !

    Par contre le SEW - et les stagiaires - ont toujours demandé que des cours purement théoriques sans lien direct avec la pratique soient bannis du stage. Or, l'avant-projet n'aborde même pas ce problème.
  • En lieu et place d'une partie importante de la formation théorique et pratique qui disparaît, les stagiaires se voient imposer davantage d'obligations d'enseignement. Cela ne les soulagera certainement pas, bien au contraire !
  • Les moyens du département de formation pédagogique ne sont pas augmentés, en dépit de la croissance prévisible du nombre de stagiaires à l'avenir.


ad (b)

Pendant le 1er et le 5e trimestre, il n'y a plus de tutorat.
En lieu et place des tuteurs, les directeurs ou leurs délégués s'occupent des stagiaires de leur établissement respectif. Les coordinateurs de discipline sont chargés de tâches d'accompagnement des stagiaires supplémentaires dans les établissements postprimaires.

L'avis du SEW:
  • Le tutorat est un des points forts du stage actuel qui a toujours été mis en évidence par les stagiaires. Or voici qu'il est battu en brèche !
  • Inscrire dans le texte de l'avant-projet que les directeurs des lycées ou lycées techniques s'occuperont des stagiaires de leur établissement nous semble démagogique. Les directions, actuellement déjà débordés par les multiples tâches à accomplir trouveront certainement pas le temps qu'il faut pour assumer cette tâche.
  • Quant aux coordinateurs de discipline, on ne pourra espérer qu'ils rendent visite régulièrement à leurs nombreux stagiaires et qu'ils en surveillent les prestations devant la classe, voire la qualité de l'évaluation, ou qu'ils soient suffisamment disponibles pour la préparation de l'examen de stage. Cela est d'autant plus vrai que l'article 8 de l'avant-projet de règlement introduit le terme de "famille de disciplines" et que des coordinateurs ne s'occuperont pas d'une seule, mais de plusieurs disciplines.
    Les stagiaires ne seront donc pas ou très peu soutenus pendant le 1er et le 5e trimestre.


ad (c)
Le stage ne commence plus au 2e trimestre de l'année scolaire, mais au 3e. Pendant ce trimestre, il n'y a pas de tutorat et les stagiaires n'ont qu'une décharge de 4 leçons pour le stage.

L'avis du SEW:
Faire débuter le stage au 3e trimestre d'une année scolaire est tout aussi illogique que de le faire commencer au 2e trimestre, comme c'est le cas actuellement. En plus, cela se fait aux dépens du tutorat.

Pour le SEW, il n'y a qu'une solution valable: la première session de l'examen-concours doit être terminée avant la rentrée et le stage pédagogique doit commencer en même temps que l'année scolaire. Une autre solution serait contraire à toute logique tant pédagogique et qu'organisationnelle !

Pour faire face à la nécessité de réaliser le concours avant la rentrée de septembre, l'envergure du concours devra être réduite à sa juste mesure: définition appropriée des objectifs et réduction du nombre d'épreuves. Quant aux jurys, ils ne devront plus être cooptés, comme c'est le cas actuellement, mais composés de manière transparente et ouverte par appel à candidatures !

ad (e)
L'examen probatoire est déplacé du 1er au 2e trimestre.

L'avis du SEW:
C'est un point positif, or dans la proposition faite par le SEW en juin 2007 (*) la période probatoire était prévue au 3e trimestre de la deuxième année de stage.
A signaler que ce projet de réforme réduit la durée du stage d'un trimestre
Dans l'ensemble, ce projet de réforme du stage aboutirait donc à
  • une diminution de la qualité de la formation
  • un accroissement du nombre de leçons d'enseignement à assurer par les stagiaires
  • une réduction significative du coût du stage.


Pour le MENFP, il s'agit de réduire la note et de faire face à la pénurie notoire d'enseignants, due à une politique de recrutement insuffisante pendant 15 ans.
Le tableau suivant résume les changements prévus et les économies qui pourront être réalisées:



Remarques impliquant certains articles particuliers de l'avant-projet de règlement



2e spécialité (articles 5, 12 et 25)

L'article 5 prévoit la possibilité pour les stagiaires de suivre une formation dans deux spécialités, sans préciser néanmoins le mode d'organisation d'un tel stage et de la période probatoire qui s'en suivra. Par ricochet, l'article 12 remplace la disposition du règlement actuellement en vigueur d'assigner certaines catégories d'enseignants (professeur-ingénieur, professeur-architecte) à l'EST uniquement. Ceci permettra peut-être de diminuer la pénurie d'enseignants de mathématique dans l'ES. Si le SEW peut donner son accord à ces nouvelles dispositions - à condition que l'organisation d'un tel stage et de la période probatoire soit clairement définie - nous refusons que l'article 25 introduise une priorité aux candidats ayant opté pour une deuxième spécialité dans le classement des stagiaires d'une même spécialité.

Conseil de formation pédagogique (article 22)

Les dispositions du Conseil de formation pédagogique correspondent au texte en vigueur.
C'est l'organe qui permet notamment au donneur d'ordre qu'est le MENFP d'évaluer la conformité de la mise en oeuvre du stage à la convention conclue entre l'UdL de redresser la barre.

Or, cet organe ne s'est réuni que très rarement et nombre de ses membres ont démissionné du fait que le MENFP a négligé d'y recourir. Le SEW a évoqué à l'occasion de plusieurs entrevues la nécessité pour les responsables du MENFP de remplir leur mission, sans néanmoins obtenir un changement de gestion. Un certain nombre de problèmes mis en avant par le présent avant-projet de règlement auraient pu être résolus si le MENFP avait respecté ses obligations.

Afin d'éviter à l'avenir une pareille négligence, nous proposons de compléter le texte comme suit:
  • ajouter au niveau de la composition deux représentants des stagiaires, nommés pour 2 années
  • introduire la convocation obligatoire du Conseil sur demande de la part de deux de ses
    représentants.



Sur base de l'article 9 de la loi du 12 août 2003 portant création de l'Université de Luxembourg, celle-ci pourrait à l'avenir accorder une dispense partielle du stage à des candidats qui se prévalent d'acquis de leur expérience professionnelle. Ceci vaut notamment pour les chargés d'éducation ayant enseigné pendant plusieurs années.

Le SEW se demande par quel procédé une telle dispense sera accordée. Il faudra en effet vérifier individuellement si tel chargé d'éducation qui demande une dispense dispose effectivement des compétences voulues.

40 mois de stage au maximum (articles 4 et 34)

L'article 4 continue de limiter la durée du stage à 40 mois au maximum. Cette restriction signifie qu'un stagiaire qui a redoublé une année de stage et qui échoue dans l'examen probatoire a droit tout au plus à un ajournement. S'il ne réussit pas cet ajournement, il sera écarté et il ne pourra plus refaire l'examen probatoire l'année suivante.

Il faut se demander si des problèmes rencontrés à la première session de l'examen pourront raisonnablement être résolus trois mois plus tard, lors de l'ajournement ou s'il ne vaudrait pas mieux laisser le temps au stagiaire pour remplir ses lacunes. Nous nous permettons de renvoyer une nouvelle fois à notre proposition de réforme du stage (cf. note en bas de la page 2 du présent avis), qui prévoit d'attendre une année pour la deuxième session. Dans cette optique et afin d'éviter d'écarter un stagiaire qui ne réussit pas son ajournement, nous proposons de prolonger la durée limite de 12 mois.

Indemnité au cours du 1er trimestre du stage (article 37)

Les stagiaires partiraient de situations de chargé d'éducation différentes à leur entrée en stage au 3e trimestre (leur tâche varie de 11 à 22 leçons). L'avant-projet de règlement prévoit alors qu'ils percevraient une indemnité de base de 140 ou du 120 points indiciaires pour la demitâche, suivant qu'ils ont atteint l'âge fictif ou non et qu'ils percevraient un supplément par leçon au-delà de 11 leçons de 15,4545, respectivement de 14,5454 par leçon au-delà de 11 leçons.

Voici donc que la réforme du stage servirait de prétexte pour abaisser la rémunération de certains stagiaires débutants en comparaison du niveau de rémunération actuel. Nous refusons cette approche: en aucun cas, le passage en cours d'année scolaire du statut de chargé d'éducation à celui de stagiaire ne doit aboutir à une diminution de la rémunération !

Conclusion



Pour le SEW, une réforme du stage actuel devra respecter sept conditions essentielles:
  • les stagiaires sont en premier lieu des personnes en formation et il ne s'agit pas de résoudre à leurs dépens le problème de la pénurie d'enseignants dans le postprimaire; il ne faudra donc pas les charger de plus de leçons qu'actuellement, mais au contraire leur permettre de préparer convenablement ces leçons, notamment en approfondissant le tutorat
  • l'institut de formation (qui est actuellement le département de la FOPED de l'Université du Luxembourg) devra se conformer aux exigences du MENFP, à qui il incombe en tant que donneur d’ordre, de préciser ce qu’il attend et de vérifier régulièrement l'exécution du contrat - les liens entre les tuteurs dans les lycées et les formateurs de l'institut de formation, qui sont très faibles à l'heure actuelle, devront être développés et l'expertise des tuteurs sur le terrain devra être mieux prise en compte
  • il faudra bannir les cours théoriques redondants et ceux qui sont sans lien direct avec la pratique et qui caractérisent largement le stage actuel; le lien intensif entre la théorie et la pratique a toujours été un souci majeur du SEW
  • l'évaluation des stagiaires, actuellement extrêmement lourde et assortie de tracasseries bureaucratiques devra être allégée
  • la période probatoire devra refléter le contenu du stage.
  • en aucun cas, le passage en cours d'année scolaire du statut de chargé d'éducation à celui de stagiaire ne doit servir de prétexte à un abaissement de la rémunération des stagiaires débutants en
    comparaison du niveau de rémunération actuel.


Or, aucune de ces conditions n'est remplie dans le projet de réforme sous revue, bien au contraire:
  • les stagiaires sont soumis à une charge d'enseignement plus lourde et la formation est substantiellement réduite
  • l'institut de formation qu'est la FOPED de l'UdL n'est pas davantage surveillé
  • le tutorat, point fort du stage actuel est fortement réduit
  • rien n'est prévu ni pour développer les liens entre les tuteurs dans les lycées et les formateurs de l'institut de formation, ni pour réorganiser l'évaluation des stagiaires, ni pour garantir que la période probatoire reflète le contenu du stage
  • la rémunération des stagiaires débutants est différenciée et réduite par rapport à la rémunération actuelle pour certains d'entre eux.


Ce projet n'envisage donc aucune réforme fondamentale des contenus de la formation et des relations entre les formateurs à l'UdL et les tuteurs dans les lycées et lycées techniques; il se limite de parler d'une première étape et d'envisager à moyen terme "des adaptations substantielles dans la formation initiale des professeurs".

Nous sommes confrontés à une adaptation organisationnelle du stage pédagogique afin d'en réduire le coût et de parer coûte que coûte au manque d'enseignants dû à une politique de recrutement irresponsable.

Ajoutons finalement qu'aucune valorisation de la formation pédagogique par l'attribution de points ECTS n'est prévue et que le diplôme obtenu n’aura donc toujours pas d’équivalence reconnue en dehors des frontières du Luxembourg. Il s'agit-là d'un différent que le MENFP devra inclure dans ses négociations avec l'UdL en tant qu'institut de formation.

Enfin, nous tenons à préciser que le stage pédagogique devrait être obligatoire pour toute personne qui enseigne dans l'enseignement secondaire ou secondaire technique.

Pour toutes ces raisons, le SEW ne peut donner son accord à cet avant-projet !

Luxembourg, le 26 février 2010




Nous proposons dès lors de
  • faire débuter le stage pédagogique le 15 septembre
  • maintenir la durée du stage à 5 trimestres scolaires; au cours du 5e trimestre aurait lieu la soutenance au centre de formation pédagogique (UdL); pour ces 5 trimestres la collaboration stagiaires-tuteurs-UdL est à intensifier et les procédures de certification sont à revoir (c’est là que le bât blesse !)
  • organiser l’examen pratique (période probatoire) au cours du 6e trimestre, avant le congé de Pentecôte; la deuxième session aurait lieu une année plus tard
  • nommer les professeurs-candidats en septembre de l’année scolaire suivante.

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