Carnet de liaison : Bureaucratie, quand tu nous tiens ! (Journal 5/2006: Monique Adam)
Ces dernières semaines, nos collègues des première et deuxième années d'études, pardon premier cycle de l'enseignement primaire, se sont vus remettre un carnet de liaison en 4 volumes pour chacun de leurs élèves. Heureusement l'utilisation de celui-ci n'est pas encore obligatoire ce qui permet de réfléchir aux tenants et aboutissants d'un tel outil.
Réfléchissons d'abord à l'objectif de ce carnet et supposons qu'il s'agit d'assurer une bonne communication entre les parents, l'école, les foyers scolaires, les crèches ou autres maisons relais, bref entre tous ceux qui assurent l'éducation et l'instruction des enfants. Pourquoi ces différents partenaires n'ont-ils pas été consultés lors de son élaboration ?
Le SEW/OGBL a découvert la première référence au carnet de liaison dans la circulaire adressée aux administrations communales au mois de mai 2006. À notre demande, on nous a présenté une ébauche du carnet destiné au premier cycle. Nous avons tout de suite signalé que l'envergure du carnet n'était pas appropriée et que l'introduction d'un tel outil exigeait une phase d'expérimentation, de discussion et d'adaptations. Malgré ces remarques, nous avons dû constater que ledit carnet a été imprimé à grands frais et distribué dans les écoles à toutes les classes, que les titulaires en aient fait la commande ou pas. Parallèlement certains membres de l'inspectorat organisent des réunions de service pour en recommander plus ou moins chaudement l'utilisation aux enseignants. Voici donc un bel exemple de communication à sens unique et à grands frais !
Analysons ensuite le contenu de ces 4 volumes dont le premier contient les informations générales et les 3 suivants le journal de classe pour chaque trimestre avec la semaine scolaire sur 4 pages. En principe, l'élève devrait y inscrire chaque activité d'apprentissage qu'il effectue, que ce soit en classe ou à la maison en évaluant à chaque fois son degré de difficulté à l'aide d'un « smiley ». À l'instituteur ou l'institutrice de cocher ensuite les cases des activités réalisées à l'école et aux parents ou aux éducateurs de cocher les cases des activités réalisées à la maison ou au foyer. On demande également d'indiquer le temps nécessité pour les devoirs à domicile. À la fin de chaque semaine, l'enfant évalue encore son travail et son comportement dans les différentes situations et il indique les travaux qu'il a réalisés avec plaisir tout comme ceux qu'il n'a pas aimé faire.
Si quelqu'un au ministère s'était donné la peine d'évaluer le temps que cela peut prendre à un élève du premier cycle de remplir les 4 pages pour documenter son travail d'une semaine, il aurait rapidement compris que cela ne peut aller qu'au détriment des activités d'apprentissages proprement dites. À cela il faut évidemment ajouter aussi le travail de vérification de l'enseignant, des parents et le cas échéant des éducateurs. S'il est vrai qu'on entre de plus en plus dans une société où la façon de présenter son travail est plus important que le travail en soi, cela devrait pourtant commencer à nous alerter quand il s'agit comme ici d'apprentissages à réaliser.
A bien y penser, n'y aurait-il pas un objectif moins avouable derrière toute cette opération ? En forgeant un outil standardisé, permettant d'indiquer pour chaque journée 7 activités différentes dont 6 dans des catégories préconçues, le carcan à l'intérieur duquel l'activité pédagogique se déroule devient de plus en plus rigide. Ne s'agit-il pas finalement d'un excellent outil de contrôle sur tout ce qui se passe à l'école ? Mais pas seulement à l'école, l'enfant n'est-il pas également invité à indiquer ce qu'il pense de son travail à la maison, illustré par une image où il essuie la vaisselle ? Je préfère m'arrêter ici pour ne pas grossir le trait sur des intentions qui n'étaient certainement pas poursuivies de façon aussi consciente par les concepteurs du carnet. Ce sont des idées qui sont dans l'air du temps et qui commencent à s'infiltrer un peu partout. Soyons donc vigilants et refusons de nous laisser encombrer par des outils susceptibles de créer plus de problèmes qu'ils ne sont capables d'en résoudre!