Quelle qualité pour nos écoles? (Monique Adam - Journal 2/2007)

22.03.2007

Nouvelle loi scolaire, socles de compétences, agence qualité, tout doit bouger en matière d'éducation et de formation. La Ministre de l'Education nationale nous propose de gérer le système scolaire non plus par l'input (plan d'études, prescriptions méthodologiques, programmes) mais par l'output, c'est-à-dire les compétences acquises par les élèves. C'est pour cela qu'elle veut définir des socles de compétences et créer une agence qualité. Les enseignants sont sollicités de toutes parts pour participer à ces changements. Il est vrai que l'idée est tentante, le SEW/OGBL n'a-t-il pas toujours exigé qu'on accorde une plus grande importance à l'efficacité de l'école et que l'on se soucie un peu plus des acquis des élèves surtout de ceux qui sont en difficulté et qui risquent de quitter l'école sans avoir les compétences nécessaires pouvant leur garantir une participation citoyenne à notre société d'aujourd'hui ?


Pourquoi donc adopter tout à coup une approche critique face aux propositions qui nous parviennent du ministère de l'Education nationale ?


C'est que le document sur les socles de compétences que le ministère a fait parvenir aux enseignants du préscolaire et du primaire, combine exactement les 3 stratégies dont Philippe Perrenoud constate que ce sont les moins prometteuses :
  • partir des savoirs actuellement enseignés et chercher à définir des compétences qui pourraient les mobiliser ;
  • définir des compétences transversales sans les relier aux disciplines ;
  • énoncer des capacités tellement générales qu'on n'arrive pas à y identifier des démarches concrètes.

Ensuite, l'avant-projet de loi portant création d'une agence d'évaluation de la qualité de l'enseignement nous apprend que cette agence sera chargée de développer des tests d'évaluation en vue de déterminer les niveaux de compétences atteints pas les élèves à différents niveaux de leur scolarité ceci en vu d'évaluer la qualité de l'enseignement dans des écoles et des lycées.

Tout cela risque de nous conduire droit à la catastrophe:
  • Avec des socles de compétences calqués sur les anciens objectifs, dont nous savons pertinemment qu'il est impossible de les faire acquérir par chaque élève nous valoriserons surtout nos élèves les plus doués et nous mettrons en échec les plus faibles.
  • L'évaluation constatera donc qu'il existe d'énormes différences non seulement entre les niveaux de compétences des différents élèves, mais encore que les compétences des élèves pris dans leur ensemble varient fortement d'une école à l'autre. Peut-être irons-nous même jusqu'à utiliser cet outil pour comparer les performances des enseignants à travers les compétences de leurs élèves respectifs.
  • Ainsi, quelques décennies après avoir aboli le classement des élèves d'une classe d'après les notes obtenus sur leur bulletin, nous réintroduirons cette fois la mise en concurrence de tous avec tous: élèves, enseignants, écoles.
  • Or, nous savons que les façons dont nous évaluons, classons et sélectionnons ont souvent des implications bien plus importantes sur le développement de la personnalité de nos élèves que les contenus que nous enseignons.
  • Nous préparerons donc parfaitement nos élèves à une course vers la réussite où seuls les meilleures réussiront. Cela peut convenir parfaitement à une élite, mais cela ne nous aidera pas à relever le niveau des plus faibles.

Il s'agit donc d'un scénario tout à fait contraire aux ambitions affichées et nous continuerons à analyser de façon critique le contenu des réformes qui nous sont proposées.

Monique Adam