Création d'une réserve d'assistants pédagogiques (Journal 4/2005) Guy Foetz
Création d'une réserve d'assistants pédagogiques
Dépôt d'un projet de loi portant création d'une réserve d'assistants pédagogiques auprès des établissements d'enseignement secondaire et secondaire technique Premiers commentaires
La Ministre de l'Education nationale et de la Formation professionnelle vient d'engager dans la procédure législative un projet de loi visant à régulariser la situation des chargé-e-s d'éducation à durée déterminée.
Pour l'instant, je me limiterai à discuter deux arguments que le MENFP met en avant dans l'exposé des motifs du projet de loi: celui de la pénurie d'enseignant-e-s et celui de la nécessité de régulariser la situation des chargé-e-s de cours à durée déterminée, qui seraient appelés alors « assistant-e-s pédagogiques » à durée indéterminée.
Premier argument: « … une période de pénurie d'enseignant-e-s » …
L'exposé des motifs du projet de loi évoque une «période de pénurie d'enseignant-e-s » qui serait à l'origine du nombre important de chargé-e-s d'éducation. Or, cette pénurie est due en large partie au manque de planification de la part du MEN au cours des années 1980 et 1990 combiné à la politique d'austérité menée alors en matière de recrutement de personnel qualifié. Un besoin de recrutement massif s'en est suivi, qui trouve actuellement ses limites dans la barrière de l'examen-concours d'admission au stage dressée en 1992 contre la prétendue « pléthore d'enseignant-e-s ». En effet, alors que devant l'afflux d'élèves dans l'enseignement postprimaire et les nombreux départs à la retraite en perspective, le gouvernement a finalement été acculé vers la fin des années
1990 à recruter en grand nombre, (180 postes de nouveaux enseignant-e-s ont été autorisés pour l'année scolaire à venir), il s'avère que le nombre de candidat-e-s admis-e-s aux deux sessions annuelles de l'examen-concours reste largement insuffisant. Nonobstant l'échec à l'examen-concours, les candidat-e-s refusé-e-s continuent généralement à enseigner comme chargé-e-s de cours sans formation pédagogique !
Conscient de l'absurdité de cette situation, le SEW avait proposé en 2001 de suspendre l'examenconcours d'admission au stage pédagogique dans les branches à pénurie. Les arguments furent les suivants :
« Les nombreux échecs aux épreuves de langues préliminaires et aux examens-concours dans les spécialités ne permettent même pas d'atteindre le nombre de postes inscrit dans le programme gouvernemental: ainsi depuis 1999, sur les 406 postes prévus, 96 n'ont pu être occupés. Parallèlement, le nombre de chargé-e-s de cours croît sans cesse; (…) .Ce personnel comporte un grand nombre de candidat-e-s qui ont échoué aux concours de recrutement, qu'on fait travailler davantage que les enseignants-e-s titularisés et les stagiaires, qu'on paie beaucoup moins et qu'on prive de formation pédagogique - mis à part des séances d'information d'une durée de quatre (!) jours, offertes depuis 2001 par le MENFPS. (…)
Devant une situation qui s'aggrave d'année en année et avec l'objectif primordial de défendre la qualité de l'école publique, le SEW/OGB L demande donc au Gouvernement de suspendre le concours de recrutement dans toutes les branches à pénurie d'enseignant-e-s et de revenir ainsi sur l'article 10 alinéas 2 et 5 du règlement grand-ducal du 22 septembre 1992 ayant transformé le concours de recrutement en examen-concours. A situation d'urgence, mesure d'urgence !(…)
Actuellement, les candidat-e-s refusé-e-s à l'examen-concours se retrouvent, contre toute logique, le lendemain de leur refus, comme chargé-e-s de cours devant leurs classes et, qui de plus est, à raison de 24 leçons par semaine. Leur échec au concours, équivalent à un certificat d'incompétence ne devrait-il avoir pour conséquence de mettre fin à leur contrat de chargé-e de cours ? Il n'en est rien: faute d'enseignant-e-s qualifié-e-s, on les autorise à continuer d'enseigner et de décider de la promotion des élèves, tout en leur barrant le chemin vers une formation pédagogique ! (…)
Au-delà de la suspension de l'examen-concours dans les branches à pénurie, nous demandons au Gouvernement d'augmenter substantiellement le nombre de stagiaires à recruter et d'arrêter net le recrutement de chargé-e-s de cours non qualifié-e-s. »
Deuxième argument: « La possibilité … offerte aux agents temporaires de l'enseignement permettra de régulariser le statut de ces 'contractuels' et de donner une réelle perspective d'emploi à ces mêmes agents »
Je constate que le MEN en est à la troisième action de régularisation de chargé-e-s de cours dans l'enseignement postprimaire en l'espace de 17 ans. Les deux premières actions de régularisation datent respectivement de 1988 et de 1997, celle de 1997 ayant substantiellement détérioré les conditions de travail et de rémunération des chargé-e-s de cours, appelés depuis lors « Chargé-e-s d'éducation ».
Le MEN a concocté en 1997 deux règlements grand-ducaux parallèles, l'un fixant pour les chargé-e-s de cours en place « les modalités d'engagement et les conditions de travail de deux cents chargés d'éducation à durée indéterminée », l'autre fixant pour les futurs chargé-e-s d'éducation les même modalités et conditions, mais pour des contrats de travail à durée déterminée.
Je cite un extrait de l'éditorial publié au SEW-Journal no 6-96 au sujet du projet de règlement pour les 200 chargé-e-s de cours en place :
« Das nun vorliegende endgültige Projekt ist nicht die Lösung, die von den Gewerkschaften der Intersyndicale gefordert wurde. Die Verantwortung für das Problem der Lehrbeauftragten trägt ohne Zweifel das Unterrichtsministerium und die Regierung, die während Jahren eine restriktive Einstellungspolitik praktiziert haben !Besonders gegenüber den Kollegen, die nach abgeschlossenem Studium sich nicht „en rang utile“ beim „Concours d'admission au stage“ klassiert haben und trotzdem als Lehrbeauftragte vollbeschäftigt waren und noch immer sind, steht das MENFP tief in der Schuld. Es mutet daher schon als blanker Hohn an, wenn Verantwortliche im MENPF meinen, diese Leute sollten bereit sein, als Gegenleistung für einen unbefristeten Arbeitsvertrag mehr Arbeit zu leisten und ohne weiteren Lohnzuwachs bis zur Pension zu verbleiben !
Das Zurechtbiegen des an sich schlechten Textes konnte in Anbetracht des Zeitdrucks nur unbefriedigend sein; konfrontiert mit hieb- und stichfesten arbeitsrechtlichen Argumenten auf europäischem und nationalem Plan, sowie mit der Angst vor einer unkontrollierbaren Protestbewegung hat die Ministerin schließlich den Forderungen der Lehrergewerkschaften teilweise nachgegeben.
Allerdings hat das MENFP die von der Intersyndicale vorgeschlagene Einstufung nach unten und die zu leistende Stundenzahl nach oben gedrückt ! Diese Schäbigkeit ist wohl nicht zu übertreffen ! »
Or, ledit « règlement pour les 200 chargés de cours », entré en vigueur en juillet 1997, n'a guère été appliqué sauf pour trois chargé-e-s de cours qui ont choisi cette voie de régularisation de leur situation. Tous les autres chargé-e-s de cours de cette époque (au total 222) ont en effet eu gain de cause en juin 1997 devant le Tribunal administratif pour vice de forme de leur contrat à durée déterminée. Le MEN a par conséquent dû les engager à durée indéterminée aux anciennes (=meilleures) conditions figurant dans leurs contrats à durée déterminée, et cela sans pouvoir leur demander de suivre une formation continue obligatoire. Les commentaires du SEW furent les suivants à cette occasion :
« Le SEW se félicite de la régularisation de la situation contractuelle de ces chargé-e-s de cours, d'autant plus que nombre d'entre eux disposent d'un diplôme en bonne et due forme et furent longtemps victimes de la politique de recrutement restrictive. En revanche, à la même occasion, de nombreux chargé-e-s de cours sans formation suffisante ont été définitivement admis-e-s à enseigner et nous disons clairement que cette solution ne correspond pas à nos souhaits, qu'elle est néfaste pour l'enseignement, mais qu'elle résulte du manque de planification, de l'étroitesse d'esprit par rapport à nos propositions et du mépris pour les règles du droit commun, des responsables du MENFP. »
Depuis lors, le MEN n'a guère tiré les leçons du jugement du tribunal administratif et il a continué à appliquer massivement une politique d'embauche parallèle de personnel insuffisamment formé. De nouveaux chargé-e-s de cours ont été amené-e-s à signer des CDD à répétition, cette fois d'après les conditions du « Règlement grand-ducal du 27 juillet 1997 fixant les modalités d'engagement et les conditions de travail des chargés d'éducation à durée déterminée des lycées et lycées techniques publics ». Ce qui amenait
le SEW à écrire en octobre 1997 :
« Une deuxième génération de chargé-e-s de cours, appelé-e-s cette fois 'chargé-e-s d'éducation à durée déterminée' est déjà en train de surgir dans les lycées; le récent verdict du tribunal administratif en faveur des ancien-ne-s 'chargé-e-s de cours', n'a pas servi de leçon ! A quoi sert alors une réforme du stage pédagogique, si du personnel non formé est parallèlement recruté en masse ? »
Si une nouvelle vague de régularisations est annoncée à présent - d'après le projet de loi, 180 des chargé-e-s d'éducation actuels suffiraient aux conditions qui y sont inscrites (notamment trois années de service) - il ne s'agira pas de la dernière mesure du genre, bien au contraire: l'article 4 du projet prévoit que « pour les années subséquentes, le nombre de chargés d'éducation à durée déterminée à admettre …dans le statut d'assistant pédagogique sera déterminé par la loi budgétaire ».
En tant que syndicaliste demandant depuis des années que les responsables du MEN respectent le droit du travail commun, je constate avec satisfaction que les chargé-e-s de cours verraient leur situation régularisée au bout de trois ans de contrat à durée déterminée
- le MEN semble avoir trouvé l'astuce de se débarrasser de la pratique de plus en plus intenable des CDD renouvelés plus de deux fois. (cf. à ce sujet dans ce numéro du SEW-Journal l'article « Chargés d'éducation- Un verdict intéressant de la Cour
administrative »).
En revanche, en tant que défenseur de la qualité de l'école publique, je ne peux admettre que ce projet avalise la poursuite du recrutement régulier de chargé-e-s de cours à durée déterminée en institutionnalisant bel et bien la création d'un corps enseignant parallèle moins bien formé, moins bien payé et soumis à une charge de travail plus, voire trop importante.. Soit dit en passant: la loi PAN n'autorise un dépassement de la durée légale hebdomadaire de travail au-delà de 40 heures que si à l'intérieur d'une période de référence de 4 semaines, la moyenne du temps de travail est de 40 heures/semaine et de 8
heures/jour. Or, les 24 leçons d'enseignement hebdomadaires inscrites dans le projet correspondent bel et bien à 48 heures de travail et cela pendant 6 semaines avant la survenance d'une ou de deux semaines de congé ou de vacances scolaires. Voilà que le MEN se retrouve une nouvelle fois en contradiction avec le droit du travail commun.
Surviennent donc la question de la qualité de l'enseignement - le projet prévoit une formation dans la discipline enseignée inférieure à la durée normale et seulement 60 heures de formation pédagogique en cours d'emploi -, la question des relations entre deux catégories de personnel soumises à des conditions de travail substantiellement différentes et - last but not least - la question de la protection de la santé des chargé-e-s de cours eux-mêmes.
Le SEW analysera le projet en question au cours des semaines prochaines et soumettra ses propositions à la Ministre de l'Education nationale.
![]() Guy Foetz Vice-président du SEW |
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Angleterre: Prime spéciale pour certains profs débutants
Pour faire face au manque d'enseignants dans certaines disciplines, le gouvernement britan
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Article BBC News /
Le Café Pédagogique, juin 05