Historique de notre campagne (Journal 2/2008: Arendt Patrick)
Revalorisation de la carrière des institutrices et des instituteurs
«Déi richteg Carrière elo»

C'était avec consternation que le SEW dut apprendre lors de la présentation du premier avant-projet de loi sur la nouvelle loi scolaire que la carrière des institutrices et des instituteurs devait rester dans le grade E3. La loi était supposée figer cette injustice flagrante ce qui d'ailleurs n'était pas le cas pour la loi de 1912 qui reste toujours en vigueur.
Et si d'aucuns pourraient croire que les carrières des fonctionnaires de l'Etat étaient automatiquement ajustées en fonction des études et des sujétions de leur fonction, il faut bien leur rappeler que ceci n'est pas vrai du tout.
Dans le passé, le Gouvernement a toujours refusé d'engager des négociations pour remédier à cette injustice.
Lors de la rentrée 2006-2007, Monique Adam, présidente du SEW, avait annoncé une campagne d'actions du SEW pour la revalorisation de la carrière des institutrices et des instituteurs. Lors des premières réunions d'informations du SEW à travers le pays, nous nous sommes rendu compte que les collègues étaient très préoccupés par la dégradation de l'autorité, de l'image et du profil de la profession engendrée par son classement inique.
Après plusieurs actions de mobilisation et de protestation où le SEW a fait connaître ses revendications à nos ministres de tutelle, le SEW est entré en contact avec les responsables du SNE et a vite su les convaincre à organiser en commun une campagne de mobilisation des institutrices et des instituteurs. Entreprendre des actions communes était d'autant plus facile pour les syndicats que leurs revendications pour la revalorisation de la carrière étaient très proches.
Cette collaboration du SEW et du SNE, représentant l'intégralité des institutrices et des instituteurs, était le signal qui manifestait l'importance de l'enjeu et la détermination des syndicats et par conséquence mobilisait massivement les adhérents.
La manifestation de protestation organisée par les deux syndicats et soutenue par la FGIL connut un succès énorme. La mobilisation des institutrices et des instituteurs était totale. Lors de ce rassemblement, ils ont affiché leur volonté de rétablir l'autorité et le respect de leur profession par un reclassement de la fonction. Ils ont donné clairement à leurs syndicats le mandat d'avoir recours à l'ultime moyen syndical qui est la grève pour aboutir à la revalorisation.
Cette mobilisation des enseignants a poussé finalement le Gouvernement à ouvrir les négociations avec les syndicats. Et en même temps, le Gouvernement a relié le reclassement à la réforme de la loi scolaire. Voilà qui était une exigence des syndicats qui ne pouvaient soutenir une réforme de la loi scolaire qui ne tenait pas compte des nouvelles sujétions et ne respectait pas les études des enseignants.
Le Gouvernement avait défini trois facteurs qui justifient un reclassement de la fonction:
- une augmentation des études
- une redéfinition des sujétions des instituteurs
- une augmentation de la tâche.
Les syndicats étaient d'accord d'entamer des négociations en acceptant ces trois conditions.
Ils étaient bien conscients que ces négociations représentent une chance historique. Bien qu'il s'agisse d'une injustice flagrante, aucun gouvernement n'avait jusqu'à présent osé entamer une revalorisation de la carrière des enseignants du préscolaire, primaire et du préparatoire. Ainsi les représentants du SEW et du SNE ont vite fait les calculs. L'objectif était de faire une proposition sérieuse qui permettait en même temps de faire aboutir la réforme de l'école fondamentale.
Ils proposaient une présence de 4 heures à l'école en dehors des leçons d'enseignement direct. Ces quatre heures de présence devaient suffire à la concertation des équipes pédagogiques, la consultation avec les parents, la formation continue, le travail administratif, les réunions de service, l'organisation en cycles et le travail supplémentaire d'évaluation engendré par un enseignement par compétences. Les représentants syndicaux savaient que cette proposition amènerait un grand surplus de travail pour les enseignants.
Dès le début des négociations, les représentants des syndicats, Monique Adam et Patrick Arendt pour le SEW et Michel Cloos et Gilles Glesener pour le SNE, ont joué cartes sur table. Les syndicats refusaient de mener des négociations indignes en jetant chaque minute de travail supplémentaire dans la balance. La proposition était à la hauteur des exigences de la réforme scolaire. Le Gouvernement, représenté par Mme Delvaux, M. Biltgen et M. Wiseler, accompagnés de leurs conseillers, ne contestait d'ailleurs pas les estimations des syndicats sur les quatre heures hebdomadaires pour garantir la réalisation de la nouvelle loi scolaire.
Le Gouvernement n'en est cependant pas resté là. Après avoir demandé au début aux enseignants une présence de 26 leçons (toutes les leçons sauf l'instruction religieuse), les mandataires s'obstinaient à demander une présence supplémentaire de 2 leçons devant les élèves en dehors des 4 heures de présence. La présence supplémentaire n'a aucun rapport avec la nouvelle loi scolaire, mais au contraire peut nuire à la qualité de l'enseignement en mettant les enseignants dans une situation de surmenage.
La proposition du gouvernement se réduit à une augmentation de la tâche qui est rémunérée. Ni les études, ni les sujétions de la fonction ne sont prises en compte. L'excellent travail et l'engagement des enseignants ne sont pas respectés. La proposition du Gouvernement est ressentie comme un outrage. Travailler plus pour gagner plus.
Il était évident que les syndicats n'avaient pas le choix et ne pouvaient en aucun cas accepter cette proposition. Est-ce que certains membres du Gouvernement ne veulent pas de la nouvelle loi scolaire? Est-ce que le Gouvernement qui sentait la détermination des instituteurs voulait simplement gagner du temps en espérant que la tempête passera? Il n'est certainement pas un hasard que l'échec des négociations était annoncé à la veille des vacances de Pâques. Comme les syndicats ont été forcés à rejeter la proposition du Gouvernement, un possible reclassement de la fonction ne fut pas discuté dans les derniers détails. Retenons simplement que la revendication d'un reclassement dans le E6, exigé par les syndicats, ne fut pas accepté. On proposait de classer les instituteurs dans le grade E5, sans que cette proposition (avancement, primes) ne fût concrétisée.
Les syndicats sont forcés à avoir recours à l'ultime moyen syndical. La procédure de litige et de grève pour les fonctionnaires de l'Etat est assez compliquée.
Cependant la mobilisation continue. Avec les réunions d'informations à travers le pays, les syndicats préparent une grève qui pourrait avoir lieu après les vacances de Pentecôte. Les dates exactes dépendent toujours des délais de la procédure de litige.
Entretemps les syndicats restent prêts à continuer les négociations pour aboutir à un accord et éviter ainsi une grève qui mettra en péril la paix scolaire ainsi que toutes les réformes scolaires à venir.
Patrick Arendt,
Membre de la direction
syndicale du SEW