Déi richteg Carrière elo: un bilan plus que mitigé

09.10.2008

Il y a deux ans, à la rentrée scolaire 2006/2007, le SEW/OGB-L a lancé une campagne de mobilisation et d'actions pour un reclassement de la fonction de l'instituteur dans la carrière supérieure de la fonction publique. Il fallait redresser un classement injustifié dans la carrière moyenne qui perdurait depuis des décennies, avant l'entrée en vigueur de la nouvelle loi scolaire et l'entrée en fonction des collègues de la nouvelle formation à l'université du Luxembourg.

La mise en place de cette formation avait déjà clairement révélé les tractations indignes qui se jouaient dans les coulisses pour refuser à l'instituteur l'accès à la carrière supérieure. Malgré les revendications des syndicats et contre toute logique, la nouvelle formation ne fut pas organisée au niveau d'un « Master » comme presque partout ailleurs en Europe, mais elle reçut une valeur de 240 ECTS, donc un niveau intermédiaire entre « Bachelor » et « Master » non défini par le processus de Bologne. La ficelle était un peu grosse et tout le monde comprit qu'il s'agissait en premier lieu d'éviter des exigences de revalorisation de carrière.

Dès lors il était évident que ce petit jeu pourrait continuer à l'infini: Ne pas donner à l'instituteur la formation dont il avait besoin, afin de ne pas lui donner de prétexte pour revendiquer la carrière supérieure. Il fallait briser le cercle vicieux en exigeant le reclassement sur la base des études faites par les instituteurs en fonction et des sujétions actuelles de la profession.

Pour avoir une chance de réussite, le SEW/OGB-L était conscient qu'il fallait remplir deux conditions: réunir les efforts des deux syndicats et mobiliser un maximum d'enseignants pour forcer le Gouvernement à la table des négociations.

Au cours du mois de mai 2007, le SEW avait organisé une série de réunion d'informations au niveau régional pour lancer la campagne de sensibilisation. Au mois de juin, une page internet fut créée, incitant les collègues à rassembler des arguments en faveur d'un reclassement de la carrière. Cette liste fut remise le 26 juin 2007 aux ministres de la Fonction publique et de l'Education nationale.

A la rentrée 2007/2008, les deux syndicats SEW/OGB-L et SNE/CGFP se sont enfin réunis pour démarer une campagne commune. Les syndicats affichèrent leur détermination et annoncèrent leurs revendications au cours d'une conférence de presse le 3 octobre 2007.

Pour la Journée Mondiale de l'enseignant instaurée par l'UNESCO et promu par l'Internationale de l'Education, le SEW avait proposé une interruption de travail symbolique de cinq minutes pour sensibiliser l'opinion publique. Face à des hésitations sur la légalité d'une telle action, il fut décidé de se limiter à la distribution d'une lettre à faire parvenir aux parents.

Depuis le début de la campagne, le SNE a fait part de ses scrupules de porter nos revendications sur le scène publique. Or, devant le mutisme des ministres de la Fonction publique et de l'Education nationale, les meilleurs arguments restaient lettre morte et il fallait concentrer les efforts sur la mobilisation massive des instituteurs, afin de créer une force que le Gouvernement ne pouvait plus faire semblant d'ignorer.

Le 11 décembre 2007, une grande manifestation de protestation, à Bertrange rassemblait plus de 1600 institutrices et instituteurs venus de toutes les communes du pays. La présidente du SEW, Monique Adam, y dessina la perspective d'une grève, en dépit de certaines craintes encore vivaces chez d'autres représentants syndicaux. Alors le Gouvernement se rendit enfin compte de l'ampleur du mouvement et il accorda une première entrevue aux représentants des deux syndicats.

La conditio sine qua non du Gouvernement pour entamer les négociations était une redéfinition de la tâche. Comme les syndicats étaient conscients du fait que la nouvelle loi scolaire amènerait de toute façon une discussion sur la tâche de l'instituteur, cette condition fut acceptée et les pourparlers débutèrent enfin au début de l'année 2008.

Les syndicats décidèrent de présenter d'emblée tout un "package" de trois heures supplémentaires de présence à l'école, temps nécessaire pour la réalisation d'une réforme de l'enseignement fondamental, telle qu'esquissée dans le projet de la nouvelle loi scolaire. Le message était clair: Les syndicats soutiennent les réformes nécessaires de l'école fondamentale et ils appellent tous les instituteurs à fournir un effort supplémentaire pour contribuer à l'amélioration de la qualité de l'école publique.

Cette offre n'était cependant pas sans ambiguïté. Les syndicats étaient conscients qu'ils allaient aux limites du mandat qui leur avait été accordé par leurs membres. Et surtout, ils ne sous-estimaient pas l'envergure du travail supplémentaire qu'ils avaient eux-mêmes proposé. Même si des heures supplémentaires étaient d'ores et déjà effectuées par beaucoup d'enseignants surtout pour assurer la concertation dans les équipes, pour l'élaboration et l'évaluation de projets pédagogiques et pour le travail de consultation pour les parents d'élèves, cela n'était pas la règle et cela fonctionnait surtout là, où l'équipe était sur la même longueur d'onde. Devant l'objectif d'améliorer la qualité de l'enseignement et de répondre partout aux nouveaux besoins de la population scolaire, il fallait généraliser les concertations, même lorsque cela s'avérait plus fastidieux. Néanmoins certains médias ont suivi le Gouvernement dans le raisonnement que cet engagement n'était pas à considérer comme travail supplémentaire parce que les enseignants le faisaient déjà de leur plein gré.

L'attitude du Gouvernement lors des négociations démontrait d'ailleurs que la façon de procéder des syndicats était un peu naïve. On se mettait très vite d'accord qu'effectivement la proposition des syndicats répondait aux exigences de la nouvelle loi scolaire, mais le Gouvernement exigeait davantage de leçons d'enseignement. Il fallait satisfaire aux demandes démagogiques de certains partis et, semblait-il, surtout réduire les coûts de l'opération. Les représentants du SEW étaient très déçus de l'attitude des ministres qui refusèrent de considérer les efforts visant à améliorer la qualité de l'école et à dynamiser le processus de réforme scolaire. Leurs exigences pour intégrer des leçons d'enseignement supplémentaires dans la tâche des instituteurs ne pouvaient aller qu'au détriment de la qualité de l'enseignement. Néanmoins, le Gouvernement réussissait à convaincre une partie de l'opinion publique qui ne tenait compte que de la partie visible du travail d'un enseignant et qui estimait qu'il était bel et bien possible d'élargir la tâche des instituteurs. C'était supposer que les instituteurs travaillent moins que les autres professions. Comment expliquer autrement le fait que, bien des gens trouvent tout à fait normal d'exiger les 180 heures supplémentaires aux instituteurs, alors qu'ils n'accepteraient nullement le retour à la semaine de 44 heures ou la suppression de la quasi totalité des jours de congé pour d'autres professions.

Il était évident que le Gouvernement ne cèderait qu'à la pression des syndicats et à la menace d'une grève éventuelle. Par ses tergiversations, le Gouvernement a d'ailleurs réussi à faire reculer le moment de l'échec des négociations et de la déclaration d'un litige jusqu'au début des vacances scolaires de Pâques.

Sa stratégie consistait à prolonger les négociations afin d'éviter une grève au cours de l'année scolaire et d'affaiblir la mobilisation des instituteurs par l'usure.

Le SEW était bien conscient que l'unité des deux syndicats restait indispensable pour aboutir à un résultat acceptable dans ces négociations. La collaboration était mise à rude épreuve au moment où il fallait entamer la procédure de conciliation. Bien que qu'il était convenu de faire toutes les démarches ensemble, le SNE cédait à la pression de la CGFP pour faire cavalier seul et engageait la procédure de conciliation sans le SEW.

Pour ne pas briser l'unité syndicale, le SEW renonça à en faire de même et décida de poursuivre l'action commune. Au mois d'avril, les syndicats organisaient ensemble des réunions d'information pour mettre au courant leurs membres de la situation actuelle et pour les mobiliser en vue d'une grève éventuelle. Lors de toutes ces réunions, il se montrait à nouveau que Monique Adam était seule capable d'expliquer clairement les revendications et options des syndicats et de passionner les collègues.

Après l'échec de la procédure de conciliation, où le Gouvernement avait refusé la proposition du médiateur, la grève devenait imminente. Mais, c'était la veille des vacances d'été et les syndicats se rendaient bien compte qu'une telle grève ne pouvait se réaliser avant la rentrée scolaire 2008/2009.

Sous la menace d'une rentrée scolaire très chaude, le Premier ministre a repris les négociations au cours du mois d'août et a forcé une décision vers la mi-septembre, sachant qu'il était très difficile pour les syndicats de mobiliser leurs membres au moment de la rentrée scolaire. Les représentants du SNE signalant leur disposition à accepter la proposition d'accord du Gouvernement, les ministres n'avaient plus besoin de faire des concessions. La proposition restait toujours inacceptable pour le SEW, mais en tant que syndicat minoritaire il avait les mains liés

Le SEW tenait toutefois à soumettre l'accord au vote des membres et d'organiser une réunion d'information. Les pourparlers s'étaient étirés sur une période tellement longue qu'il n'y avait plus que deux options: accepter la proposition du Gouvernement ou organiser une grève à durée indéterminée. C'était une alternative difficile, mais la seule vraiment réaliste devant la situation qui se présentait.

Le résultat du vote est connu. Une majorité des membres du SNE accepte la proposition tandis qu'une majorité des membres du SEW la rejettent. Le clivage entre les syndicats est rétabli par la base. Par ailleurs le clivage entre aceptation et rejet traverse également les deux syndicats. Au total 55% des membres des deux syndicats acceptent la proposition du Gouvernement alors que 42% seraient prêts à entamer une grève à durée indéterminée pour s'y opposer. Face à cette acceptation sans grande conviction, le Gouvernement serait bien avisé de revoir sa proposition, s'il veut s'assurer le soutien des instituteurs pour les réformes proposées par la nouvelle loi scolaire. Le SEW a demandé aux collègues du SNE de retarder toute signature de l'accord afin de permettre au Gouvernement de tenir compte de la réaction des instituteurs et de revoir sa proposition. Malheureusement le SNE n'en voulait rien savoir.

Le SEW regrette de ne pas pouvoir poursuivre l'action commune jusqu'au bout, car il est évidemment difficile de reconstruire le mouvement une fois que l'unité a été brisée. Bien que très déçu du résultat de la campagne, il ne tombera cependant pas dans la morosité. Il poursuivra son action pour une juste reconnaissance du travail de l'instituteur. Il reviendra à charge pour rétablir des conditions de travail équitables dans le cadre des discussions autour de la nouvelle loi scolaire.


Patrick Arendt