Elaboration des questionnaires d’examen : éviter l’inféodation des enseignants ! (Journal 4/2013)
Elaboration des questionnaires d’examen: éviter l’inféodation des enseignants !
Le MENFP consulte actuellement les enseignants des lycées et lycées techniques au sujet d’un nouveau projet de règlement quant à l’élaboration des questionnaires d’examen.
La proposition du Ministère consiste à faire établir les questionnaires par des examinateurs désignés par un commissaire, qui fixerait le nombre de questionnaires, la forme et le délai de remise. L’exposé des motifs complète cette proposition en plaidant pour « une démarche plus qualitative et plus professionnelle ». Ainsi: « Quelques enseignants pourraient être formés et seraient ainsi chargés de la production. »
Le SEW a adressé au MENFP un avis concernant ce projet de règlement. Dans cet avis, le SEW s’est prononcé contre cette proposition. Loin de méconnaître les problèmes qui se posent, le SEW plaide pour des changements ponctuels à adapter au cas par cas. Par ailleurs, dans certaines branches, des adaptations spontanées ont déjà eu lieu.
Nous publions ci-dessous cet avis dans son intégralité.
Avis du SEW concernant le projet de règlement grand-ducal portant modification
a) du règlement grand-ducal modifié du 31 juillet 2006 portant organisation de l’examen de fin d’études secondaires
b) du règlement grand-ducal modifié du 31 juillet 2006 portant organisation de l’examen de fin d’études secondaires techniques et de l’examen de fin d’études de la formation de technicien
Remarque préliminaire
C’est à l’initiative du SEW que le présent avis est adressé au MENFP, qui ne semble plus intéressé à recevoir l’opinion du syndicat d’enseignants qui est le nôtre. Il est vrai qu’au cours des dernières années, le SEW s’est montré très critique face à la politique menée par le MENFP, et cela tout particulièrement au sujet de la réforme de la formation professionnelle.
Il est symptomatique que cette réforme a exclu les enseignants de tous les organes de décision, d’évaluation et de certification prévus, à l’exception de la Commission nationale de formation. Les enseignants de l’enseignement professionnel se trouvent relégués aux équipes curriculaires (là où du travail exécutif de conception est demandé) et aux tâches de formation et d’évaluation dans les lycées techniques. Lors de la mise en oeuvre de cette réforme, nos propositions concrètes à Madame la Ministre de l’Education et à la direction de la formation professionnelle ont purement et simplement été ignorées.
Nous condamnons évidemment cette politique de mise à l’écart des enseignants en général et de notre syndicat en particulier. Il ne peut être dans l’intérêt des responsables de l’éducation nationale de se boucher les oreilles face aux acteurs du terrains qui savent mieux que quiconque où le bât blesse !
L’exposé des motifs
L’exposé des motifs du projet de règlement sous revue note qu’avec la multiplication des lycées, la réglementation actuelle conduit à une inflation du nombre de questionnaires par rapport aux 6 questionnaires finalement utilisés. D’une part, cela conduirait à un travail fastidieux d’expertisation et d’autre part cela démotiverait les auteurs des questionnaires du fait que leur proposition respective aurait peu de chances d’être retenue.
L’exposé des motifs met ensuite en avant la demande de « quelques commissions nationales des pogrammes ... de modifier la procédure de production des questionnaires pour une démarche plus qualitative et plus professionnelle. Quelques enseignants pourraient être formés et seraient ainsi chargés de la production de 6 questionnaires.»
La proposition du MENFP
Il est proposé que « Les questionnaires sont établis par des examinateurs désignés par le commissaire. Celui-ci fixe le nombre de questionnaires à remettre, la forme et le délai de remise du ou des questionnaires. »
La position du SEW
Le SEW ne connaît ni la substance des propositions de « quelques commissions nationales des programmes », auxquelles le MENFP fait allusion, ni la part d’interprétation des responsables du MENFP pour aboutir au texte du projet de règlement sous revue.
Pourtant nous constatons qu’alors que certaines CNP ont effectivement proposé des changements ponctuels visant à rationaliser la production des questionnaires ou à redresser certaines aberrations, l’orientation du projet de règlement correspond à une véritable coupe à blanc.
En effet, les enseignants qui seraient désignés par le commissaire de gouvernement pour chaque branche et formés pour la cause formeraient en réalité des « test design teams » triés sur le volet et ils seraient appelés de par la formation reçue à produire des questionnaires au goût du MENFP.
Cela permettrait par exemple, de promouvoir l’enseignement par compétences.
C’est bien le modèle classique du pilotage de l’enseignement par l’intermédiaire de l’évaluation qui serait mis en oeuvre de cette façon, puisque les autres enseignants seraient forcés de préparer leurs élèves au genre de questions que les « élus » formés pour cette tâche poseraient. Le projet de règlement ne prévoyant pas que ces examinateurs devraient être titulaires de la classe, c’est aussi la séparation entre les enseignants « normaux » et les examinateurs « choisis » qui s’annonce ici.
Il s’entend dès lors que le SEW ne peut approuver cette proposition.
Nous ne pensons pas seulement que les enseignants titulaires de la classe sont les mieux à même de juger du genre d’évaluation à faire et de l’opportunité des questions à poser. Nous voulons aussi éviter que les enseignants-titulaires ne soient carrément inféodés de la sorte aux idéologues du MENFP et qu’ils perdent le contrôle de leur propre enseignement.
Au cas où le projet de règlement disposerait que les rédacteurs de questionnaires désignés par le commissaire devraient être titulaires d’une classe d’examen, la situation serait encore pire. En effet, étant donné que ces titulaires seraient en possession de toutes les questions d’examen et qu’ils ne renonceraient guère d’y préparer – de près ou de loin – leurs élèves, leurs classes seraient avantagées par rapport aux autres.
Les propositions du SEW
Le SEW est conscient du fait que l’augmentation du nombre de lycées et lycées techniques a changé la donne et que des changements s’imposent en matière de rédaction des questionnaires d’examen.
Mais ces changements doivent être ponctuels et s’adapter au cas par cas. Par ailleurs, dans certaines branches, des adaptations spontanées ont déjà eu lieu. On pourrait notamment réduire le nombre de questionnaires en chargeant deux titulaires de la rédaction d’un questionnaire ou en prévoyant un questionnaire par lycée, préparé en concertation entre les titulaires locaux des classes terminales.
On pourrait aussi prévoir la possibilité pour la commission d’experts de combiner les questions de deux ou plusieurs questionnaires.
L’obligation pour l’auteur d’un questionnaire de redresser celui-ci suivant les recommandations du groupe d’experts devrait être inscrite dans le règlement.
Finalement, afin d’éviter le gâchis et le mécontentement de ceux dont le questionnaire n’est pas sélectionné, nous proposons de publier tous les questionnaires proposés dans un recueil; une meilleure préparation des élèves à l’examen pourrait ainsi être assurée.
Luxembourg, le 6 août 2013