Position du SEW au sujet du plan d'action pour un réajustement de l'enseignement des langues

23.04.2007

1. Le SEW salue le principe des socles de compétences, mais le problème majeur se pose quant à leurs contenus. Conçoit-on par exemple le curriculum jusqu'à la fin de l'obligation scolaire comme une éducation de base pour tous permettant de former des citoyens à part entière ou s'agit-il de préparer dès l'école primaire à la poursuite d'études longues et à la formation d'une élite ? Une surcharge du curriculum conduit d'une part à une marginalisation d'un pourcentage important de la population scolaire et, d'autre part, ne permet pas de mettre en oeuvre les méthodes de construction du savoir, du savoir-faire et du savoir-être auxquelles le plan d'action se réfère. Fixer le contenu des socles de compétences est donc une décision politique qui nécessite une discussion approfondie sur les visées de l'école publique. Cette discussion n'a pas eu lieu jusqu'à maintenant.

2. Le plan d'action tergiverse entre le paradigme constructiviste d'acquisition des connaissances (où les connaissances et la responsabilité des apprenants priment sur le savoir à apprendre et l'autorité du maître) et des réajustements très modérés du système existant (où le maître structure son savoir et le fait apprendre par ses élèves). Nous avons l'impression que les auteurs du plan d'action évitent de jouer cartes sur table et qu'ils préfèrent courir deux lièvres à la fois parce qu'ils craignent une levée de boucliers de la part des partenaires scolaires. Nous pensons que Madame la Ministre de l'Education nationale devrait mieux mettre en évidence les objectifs qu'elle voudrait atteindre et lancer la discussion au sujet du changement de modèle d'enseignement et d'évaluation qu'elle envisage.

3. L'appréciation plus nuancée des compétences linguistiques des élèves par l'intermédiaire d'une évaluation de l'écrit, de l'oral et de la compréhension de l'écrit et de l'oral est pour nous une bonne chose. Nous pensons néanmoins que dans le processus que le MEN veut mettre en œuvre, l'évaluation prend des proportions démesurées. Les enseignants risqueraient de passer le plus clair de leur temps à tester leurs élèves, soit pour en apprécier les différentes compétences en vue d'une démarche formative ou certificative, soit pour répondre aux nombreuses enquêtes évaluatives nationales ou internationales qui figurent dans le plan d'action. Face à cette "évaluomanie", nous disons clairement qu'il est prioritaire de se focaliser sur une amélioration des méthodes d'enseignement et de communication et de prévoir des remèdes et des moyens pour combler les lacunes. Il est symptomatique que devant les difficultés à lire et à écrire que ressentent notamment les enfants des milieux défavorisés, aucune action précise n'est prévue dans le plan d'action. Nous nous demandons à quoi sert une évaluation si on ne dispose pas des moyens pour résoudre les problèmes détectés.

4. Un enseignement plus actif des langues et l'utilisation du potentiel d'apprentissage langagier des disciplines non linguistiques constituent sans doute des pistes majeures à exploiter pour améliorer les performances de nos élèves. Or, l'enseignement actif suppose un travail avec des effectifs de classes réduits. On revient ainsi à la question des moyens dont le plan d'action ne souffle mot. Le manque prévisible de moyens (enseignants, salles disponibles, …) pour travailler davantage en petits groupes et pour réaliser la panoplie des évaluations figurant dans le plan d'action constitueront sans doute une des pierres d'achoppement majeures. Nous conseillons aux responsables ministériels de réfléchir sur ce qui est faisable compte tenu des moyens existants.

5. Il est primordial pour nous que le MEN ne demande pas à chaque établissement scolaire - sous prétexte d'une autonomie scolaire mal comprise - de cuisiner sa propre sauce et de mener « sa » propre réforme de l'enseignement et de l'évaluation. Il nous semble au contraire nécessaire de travailler de concert au niveau national et de maintenir une unité forte de l'école publique luxembourgeoise. Le SEW se prononce clairement contre un éclatement de l'école publique, tant au niveau des contenus que des méthodes d'enseignement et d'évaluation, ainsi que des diplômes conférés.

6. Le plan d'action nous laisse souvent confus et perplexes :
  • le poids des différentes actions proposées est très inégal; alors que certaines actions correspondent à des projets très lourds, d'autres se résument à une activité isolée ou à la publication d'un recueil,
  • l'organisation de la mise en œuvre des différentes actions n'est guère invoquée; le plan d'action n'indique pas, qui devrait faire quoi à quel moment,
  • on recherche tout aussi vainement les moyens pour mettre en œuvre les actions proposées (comment intégrer les parents ? avec quel personnel qualifié travailler ?).


7. Nous apprécions que Madame la Ministre veut améliorer la communication avec les enseignants et nous nous attendons à une vraie discussion tant sur l'enseignement par compétences et le changement de paradigme envisagé, que sur le contenu des socles de compétences et partant les visées de l'école publique. Tout cela prendra du temps et nous demandons à Madame la Ministre de fixer des délais raisonnables et de tenir compte en outre de périodes de travail chargées telles que p. ex. le temps des examens.. En attendant, nous proposons que le SCRIPT mette à la disposition de chaque lycée établissement scolaire une documentation de matériel didactique utilisé dans des pays qui sont en avance sur les réformes envisagées à Luxembourg.
Cela permettrait déjà aux enseignants de s'informer sur les situations d'apprentissage mises en place, sur l'opérationnalisation des compétences visées et sur les méthodes d'évaluation utilisées.

Luxembourg, le 3 mai 2007

Communiqué par le SEW/OGB-L