Proposition de réforme du cycle supérieur de l’ES et de l’EST présentée par le MENFP - Complément au document d’orientation pour la réforme des classes supérieures - Position du SEW-OGBL (20-09-2011)
Proposition de réforme du cycle supérieur de l’ES et de l’EST présentée par le MENFP
Complément au document d’orientation pour la réforme des classes supérieures
Position du SEW-OGBL (20-09-2011)
Remarques préliminaires
En date du 10 mai 2011, le MENFP a publié des informations complémentaires à ses propositions de réforme du 10 mars 2010.
Suite à son avis du 05 mai 2010 à la première ébauche du MENFP, le SEW prend à présent position au sujet du complément d’informations.
Notre avis suit la structure du document complémentaire soumis par le MENFP:
- travail d’envergure
- portfolio
- passerelles
- enseignement des langues
- nouvelle organisation scolaire: spécialisation et formation générale
Des considérations plus générales seront suivies au besoin d’une analyse du texte présenté par le MENFP.
Au-delà des concepts traités par le MENFP dans le document sous revue, nous mettrons en évidence trois sujets supplémentaires:
- l’orientation des élèves
- l’enseignement et l’évaluation par compétences
- le travail autonome des élèves.
Travail d’envergure
Ce travail est sans doute un moyen pour encourager l’autonomie et la pensée transdisciplinaire des élèves.
Il faudra toutefois le dimensionner de façon réaliste et veiller à mettre en place un encadrement adéquat.
Or, ces deux conditions ne sont pas remplies dans la présente proposition du MENFP!
D’une part, l’ampleur proposée du travail d’envergure (4.000 à 5.000 mots ou environ 20 pages) est trop importante, d’autre part un encadrement qui mérite ce nom, n’est pas prévu actuellement.
Le MEN prévoit 100 heures de travail en dehors de l’horaire régulier de l’élève et une prise en charge de 6 (!) élèves maximum par enseignant, avec une décharge correspondante d’une leçon hebdomadaire.
Non seulement cette prise en charge, qui comprend toutes les étapes (élaboration des idées, accompagnement, consultation et évaluation) serait-elle rémunérée à un tarif ridiculement bas. Mais encore faut-il s’imaginer que dans un lycée moyen, environ 150 élèves de Deuxième et/ ou de Douzième devraient être pris en charge chaque année.
Qui serait en mesure d’assumer cette tâche pantagruélique?
Certainement pas les quelques professeurs de ces classes!
Comment le problème du plagiat/de l’aide de la part des parents et/ou des proches serait-il abordé et résolu?
Ces questions restent sans réponse et même un novice en pédagogie reconnaît à l’instant que le projet du MENFP n’a strictement rien à voir avec la réalité du terrain!
Nos conclusions sont les suivantes:
- le volume de ce travail doit être réduit (nous ne nous trouvons pas à l’université, mais dans une école secondaire/secondaire technique)
- il faut intégrer au moins 50% du temps prévu pour le travail d’envergure dans la grille horaire afin de garantir un certain suivi et une certaine égalité des chances entre les élèves qui proviennent de milieux économiquement et socialement favorisés et les autres
- il faut prévoir une décharge adéquate pour l’enseignant qui accompagne le travail
- chaque enseignant ne doit prendre en charge qu’un ou deux élèves et par conséquent tous les professeurs du lycée seront visés
- la question du plagiat devra être résolue (notamment par la création d’une base de données regroupant les travaux déjà effectués et par la mise à disposition d’un moteur de recherche informatique puissant permettant de détecter des fraudes).
Les nombreuses précisions sur le «Travail d’envergure»contenues dans le document du MENFP soulèvent pour nous tout autant de questions:
Page 5: «cellule de coordination pluridisciplinaire qui adapte le cadre national relatif au TE aux spécificités du lycée»
- Quelles seront la composition, la tâche et la décharge d’une telle «cellule»?
- Qu’est-ce qu’on entend par «adapter le cadre national relatif au TE aux spécificités du lycée»
- Quelles seront les «spécificités du lycée»? Iront-elles au delà des spécificités existantes?
Dans quelle direction? Jusqu’à quelles limites?
Page 5: «Esquisse du déroulement du Travail d’envergure»:
Où se reflète l’autonomie de l’élève dans cette description?
(L’élève n’y est décrit nulle part comme un intervenant actif).
Page 5: «Choix des sujets et des patrons»
Que faire si un élève ne trouve pas de patron?
1 leçon pour encadrer 6 élèves est largement insuffisante à moins qu’un suivi très superficiel ne soit visé.
Page 6: «Encadrement / rôle du patron»
Cette description est trop vague.
Un élève qui ne réussit pas pourra toujours accuser son patron de n’avoir pas respecté les rôles énumérés ou alors l’un de ceux-ci.
Les tâches et les responsabilités du patron sont à préciser!
L’élève devra rester responsable de ses travaux!
Page 6: «Envergure de la production et validation du sujet»
1er alinéa: «Un investissement personnel correspondant à 100 heures de travail au total (…)» est incontrôlable.
Une grande partie du travail devrait se faire à l’école!
2e alinéa: Un texte écrit «entre 4000 et 5000 mots» est trop long et sera surtout problématique pour les élèves qui ont des difficultés pour bien cerner leurs réponses.
En outre, exiger moins de mots (p. ex. 2000 à 2500), donc plutôt un précis, réduira peut-être la tentation à faire du «copier-coller», du plagiat.
4e alinéa: Pour un travail en groupe, «le volume de la production écrite sera ajusté en concertation avec le patron et la cellule de coordination».
La constitution de groupes risque d’engendrer des problèmes très importants au niveau de l’évaluation individuelle des élèves.
Il serait utile de connaître également pour ce cas là un ordre de grandeur du travail à remettre.
5e alinéa: «chaque élève remettra (…) un résumé du travail sous forme d’un poster format A2»,
Que remettront les élèves qui ont travaillé en groupe?
Page 7: «Exigences formelles»
1er alinéa: «La présentation de la partie écrite se fera sous forme standardisée.»
Quels seront les critères de cette forme standardisée?
4e alinéa: «Un journal de bord sera joint à la production pour témoigner du processus d’élaboration.»
La véracité d’un journal des travaux est très peu contrôlable.
La responsabilité d’une conduite bonne et honnête d’un tel journal ne peut retomber sur le patron.
5e alinéa: «L’élève signera une déclaration mentionnant qu’il a pris connaissance du fait qu’un plagiat pur et simple ou un copier-coller extensif de nature à compromettre le travail individuel et personnel entraînera une note insuffisante au TE.»
La signature d’un élève mineur n’a pas de valeur juridique.
Le règlement scolaire prévoit que la fraude est intolérable et qu’elle sera punie.
Qu’est qu’un copier-coller «extensif»?
Quand est-ce qu’un plagiat est de «nature à compromettre le travail individuel et personnel»?
6e alinéa: «Le patron, en suivant la progression du travail de l’élève, pourra s’assurer de la conformité des travaux de l’élève.»
Même avec tous les logiciels anti-plagiat disponibles, un patron ne peut pas porter la responsabilité de la véracité du TE et de l’honnêteté de l’élève.
7e alinéa: «(…) la bonne présentation de citations et de références bibliographiques sera un des sujets à aborder»
Ce volet important du travail éducatif ne doit pas seulement être «abordé» lors de l’élaboration du TE, mais «la maîtrise et le traitement de l’information», une des quatre catégories de compétences transversales, est à considérer, selon le document en question (voir page 4), comme une condition pour réaliser le TE. En effet, il est dit: «les finalités pédagogiques visées par le TE se déduisent des compétences transversales dont l’acquisition fait partie intégrante du curriculum national (…)»
Dans certains travaux universitaires environ 10% de citations sont tolérées. Mais est-ce connu que chaque citation doit, en principe, être autorisée par la personne qui détient le droit d’auteur?
Page 7: «Evaluation»
1er alinéa et exemple de critères de correction de la page 8:
La présentation d’un travail devant un jury est le seul aspect contrôlable et généralement très peu attaquable. Il faudra cependant être conscient du fait qu’une telle présentation devant un jury posera de substantiels problèmes d’organisation et de temps.
Les cotations des autres aspects s’avèrent plutôt irréalistes parce qu’elles risquent d’être inéquitables, injustes, émises sous pression et donc contestées.
Ad «forme» et «contenu», page 8:
Le cas échéant un langage scientifique adéquat est à exiger.
Page 7: «Evaluation»
2e alinéa: Aspect vague: «Un règlement grand-ducal précisera …»
3e alinéa: Aux «mentions (…): excellent, bien et satisfaisant», il faudrait ajouter «félicitations du jury» pour valoriser les meilleurs élèves.
«Cette proposition sera validée par le conseil de classe de 2e.»
Comment est-ce qu’un conseil de classe peut valider une proposition pour laquelle il ne dispose d’aucun moyen de contrôle?
Est-ce une simple formalité?
5ealinéa: «Une deuxième séance de soutenance se fera devant un jury auquel se joindra un représentant de la direction, après le congé de la Pentecôte»
Est-ce faisable? N’est-ce pas une surcharge de la direction et des enseignants, surtout en fin d’année scolaire?
Portfolio
Etant donné que les universités le demandent, il faut montrer aux élèves comment s’y prendre!
Le contenu reste à définir. Nous pensons qu’il faudrait se limiter aux aspects strictement scolaires.
Passerelles
Si le régime technique de l’EST est équivalent à l’ES, alors une «proposition d’une admission conditionnelle» en une classe soit de l’ES, soit du régime technique de l’EST devrait être la règle.
La notion d’«avis de réorientation» comporte une connotation péjorative.
Enseignement des langues
Le multilinguisme est sans doute un avantage que le Luxembourg ne devrait pas abandonner! Notre enseignement des langues – souvent critiqué – est un enseignement de qualité: cela devient patent chaque fois que nos élèves rencontrent des camarades de classe à l’étranger.
Les responsables politiques ne cessent de souligner l’objectif de préserver le multilinguisme; la réalité – dans cette réforme aussi – est néanmoins bien différente.
Il faut voir d’abord que la réforme du cycle supérieur prévoit la mise en place de trois niveaux dans les trois langues allemande, française et anglaise et qu’elle ouvre ainsi à chaque élève la possibilité de choisir sa langue favorite.
Au moins – contrairement à la première version du projet de réforme – les trois langues seront-elles mises sur un pied d’égalité quant à ce choix. Sauf dans la dominante «Sciences et technologie» dans l’EST, où l’anglais sera obligatoire, tandis que les élèves pourront choisir entre le français et l’allemand! Alors qu’on peut certes considérer que l’anglais ne figure au programme que pendant 5 années scolaires, nous pensons qu’on rend un mauvais service aux élèves si le français, langue principale à Luxembourg, ne figure pas dans l’horaire de la classe terminale au même niveau hiérarchique que l’anglais.
Il faut noter ensuite avec grande attention ce que souligne le dossier de presse (principes): “pour améliorer les capacités de communication de tous les élèves, l’apprentissage formel des langues ... sera étendu aux classes supérieures”. En d’autres termes: après 10 années de cours d’allemand et après 9 années de cours de français, beaucoup d’élèves ne sont toujours pas en mesure de formuler des phrases correctes! Disons que cela ne nous étonne pas, vu les dispositions de compensation laxistes dans le cycle inférieur. Ainsi donc la syntaxe et
la grammaire devront-elles être reportées dans le cycle supérieur, - probablement à l’aide des fameux “textes d’actualité” et cela naturellement aux dépens de la littérature!
Si l’on peut admettre que la littérature a souvent été suraccentuée dans le passé, particulièrement dans les cours de français, il nous semble qu’à présent on prend le contre-pied et on réduit le rôle des langues à celui de moyen de communication.
Cette réorientation fondamentale de l’enseignement linguistique nous paraît d’autant plus probable que la réforme s’appuie sur le cadre de référence européen des langues pour définir les compétences linguistiques des élèves dans les quatre domaines-clés (écouter, lire, parler, écrire).
Ce cadre de référence considère seulement la dimension fonctionnelle d’une langue, alors qu’il néglige des domaines importants comme la culture et la littérature.
Il faut mettre en garde contre l’utilisation indifférenciée du cadre de référence européen pour l’enseignement du français et de l’allemand au Luxembourg! Alors qu’il peut être approprié pour décrire les progrès des élèves lors de l’apprentissage d’une nouvelle langue étrangère, comme pour l’anglais en classe de 6e /8e, il pose de grands problèmes en relation avec l’apprentissage des langues française et allemande au Grand-Duché.
La singularité du Luxembourg consiste précisément dans le rapport simplifié que pratiquement chaque enfant dans notre pays a avec au moins l’une de ces deux langues. D’un côté les enfants dont la langue maternelle est le luxembourgeois sont confrontés très tôt avec la langue allemande et l’apprennent beaucoup plus rapidement que d’autres «langues étrangères» sur la base des similitudes avec leur langue maternelle. De l’autre côté, chez la plupart des enfants issus de l’immigration il existe un accès simplifié à la langue française, parce qu’ils utilisent le français depuis la prime enfance comme deuxième langue.
Or, du fait de l’application simpliste du cadre de référence avec ses standards minima souvent extrêmement bas, particulièrement dans le domaine réceptif (compréhension d’audition et compréhension de lecture), ces relations de prédilection qu’il faudrait encourager sont tout simplement ignorées et toutes les langues sont considérées comme des langues étrangères.
Notre conclusion est claire: l’exclusion des aspects culturel et littéraire d’une part et les faibles standards minima dans certains domaines d’autre part risquent d’appauvrir l’enseignement des langues actuellement si riche au Luxembourg. Les adolescents seront conditionnés à s’adapter aux exigences du marché de l’emploi dans le plus de langues possible, tandis que l’expérience d’une langue comme forme d’expression culturelle et littéraire leur sera refusée.
Nous voudrions insister que le cadre de référence européen des langues n’est ni plus ni moins qu’un outil applicable dans certaines limites pour certifier un standard strictement langagier d’apprentissage d’une langue étrangère. Ce standard correspond à un certain niveau de compétences en orthographe, syntaxe, vocabulaire et organisation d’un propos dans une situation de communication donnée. Dans l’hypothèse que ce cadre soit appliqué de manière différenciée et qu’on continue à encourager les élèves à accroître leurs performances, il peut contribuer à une plus grande flexibilité et à une reconnaissance à l’échelle européenne des compétences langagières de nos élèves.
Toutefois il ne faut jamais abuser de ce cadre pour limiter vers le haut leurs compétences linguistiques et il ne constitue pas non plus une base suffisante pour un enseignement des langues; celui-ci doit en effet comprendre de fortes composantes culturelles et littéraires.
Il serait déplorable si l’aspect culturel et par là un certain aspect/moyen d’identification viendraient se perdre. Il faut se demander si pour les apprenants l’attrait d’une langue n’est pas réduit par une approche trop technique. Selon Bruno Bettelheim, psychiatre et écrivain, une langue s’apprend justement par ses chefs d’oeuvres. Il a prouvé qu’en minimisant les exigences, les moyens d’expression et le vocabulaire des jeunes s’appauvrissent à l’extrême, alors que travailler avec des textes exigeants permet de bien développer les facultés langagières. De plus, l’école est une des meilleures et pour certains la seule institution qui permette d’aborder des oeuvres littéraires.
Nouvelle organisation scolaire: spécialisation et formation générale
La réforme prévoit de remplacer l’organisation rigide actuelle en sections (ES) ou divisions (EST) par un système où les élèves pourront choisir différentes disciplines de manière plus flexible. Cela sonne bien, mais l’accroissement de la flexibilité se fait d’une part au détriment de l’élément «classe» (on parle dorénavant d’«auditoires»), d’où une perte de cohésion sociale, qui est pourtant un facteur très important pour des adolescents. D’autre part, les lycées et lycées techniques seront certainement poussés en direction d’une certaine spécialisation. Le MENFP écrit à ce propos: «… chaque école choisit les matières de spécialisation en fonction du public d’élèves et en fonction de la spécificité qu’elle veut se donner». Si les lycées, à l’avenir, seront aptes à se donner une spécificité et un profil dans une configuration scolaire telle qu’elle existe à Luxembourg-Ville ou à Esch s/Alzette, qu’en est-il des lycées de proximité, à vocation plus générale, tels les lycées de Dudelange, d’Echternach, de Grevenmacher, de Pétange, de Wiltz, …?
Dans le débat «culture générale versus spécialisation», la part de l’horaire vouée aux spécialisations est déterminante.
Nous pensons que cette part devrait se limiter à 1/3 des leçons hebdomadaires. Dans la proposition actuelle du MENFP, cette limite est nettement dépassée, et cela particulièrement dans l’EST. (14 leçons de cours spécialisés en 12e et en 13e).
En fait, la réforme présente un manque considérable: elle ne définit nulle part de manière précise ce qu’il faut entendre par “culture générale”. Le ministère prétend certes qu’il veut encourager la culture générale et le document sous revue ne manque pas d’en énumérer les matières. Mais il ne se gêne pas pour autant d’amalgamer l’histoire, la géographie ou la science économique dans des cocktails de cours de formation générale, ou encore de réduire le poids de l’enseignement artistique et d’exclure l’enseignement musical des cours de formation générale.
Par ailleurs, la formation musicale n’est pas seulement chassée des lycées: si les horaires se compliquent1 et que certains cours devront avoir lieu dans l’après-midi, il ne sera même plus garanti qu’il y aura assez de temps libre pour suivre des cours aux conservatoires de musique.
Dans notre avis du 5 mai 2010 sur le premier document d’orientation du ministère, nous avions noté une focalisation sur les objectifs économiques et professionnels de l’éducation. L’importance de ces objectifs est incontestable pour toute formation! Pourtant des connaissances solides en histoire, en géographie, en économie politique, en matière artistique ou musicale sont tout autant nécessaires pour comprendre le temps et l’espace et constituent au moins des objectifs équivalents. Mais ce sont précisément ces matières (et particulièrement l’Education musicale) qui risquent de faire les frais de cette réforme.
Il est déplorable que le présent «Complément au document d’orientation» ne précise pas les idées au sujet de la dominante «Arts et communication visuelle» et des formations de l’éducateur et de l’infirmier dans l’EST. Nous attendons à ce sujet des propositions plus concrètes.
Quelques questions et réflexions précises en rapport avec le texte au sujet des «dominantes» s’imposent à notre avis:
page 4: «Lien avec les compétences transversales»
Le 4e alinéa énumère 4 catégories de compétences transversales, dont «la vie en communauté et le travail collaboratif». La vie et le travail en commun ne sont-ils pas plus difficilement réalisables quand les classes seront remplacées par des auditoires? Est-ce que ce ne seront pas justement les élèves qui ont des problèmes dans ce domaine qui souffriront le plus du va-et-vient d’un groupe à l’autre, ceci d’autant plus que les plus jeunes ont déjà souvent certaines difficultés à s’adapter à l’enseignement par plusieurs titulaires.
Page 13: «Nouvelle organisation scolaire: spécialisation et formation générale»
4e alinéa: «Dans le volet spécialisation sont regroupées les matières qui correspondent au profil de la dominante.
L’élève doit choisir au moins 3 de ces matières»
6e alinéa: «(…) l’approche interdisciplinaire peut constituer une alternative aux cours traditionnels (…)» Ces aspects sont mis en question ou contredits dans la suite (cf. p.ex. spécialisations obligatoires).
Page 14: «Grille horaire à l’ES / Classe de 4e»
3e alinéa: «S’il opte pour le dominante sciences humaines, il lui est demandé d’avoir un niveau approfondi en français correspondant à une maîtrise des finesses et des subtilités de la langue française.»
Exiger une maîtrise des finesses et des subtilités de la langue française ne revient-il pas à viser le plus haut niveau dès la fin de la classe de 4e?
4e alinéa: Quelles sont les définitions dans ce contexte de «effort soutenu» et «investissement personnel»?
5e alinéa: Quel horaire permettra à «un élève (…) de suivre les cours d’approfondissement à la fois en mathématiques et en français»?
Page 15: «Modèle 2»
3e alinéa: Quelle est la définition d’«une très bonne note» compensatoire?
4e alinéa: Parmi quelles «matières de sciences naturelles» pourra choisir l’élève qui veut compenser sa note en mathématiques? Biologie, chimie/physique, chimie, physique géographie?
Page 15: «Promotion en fin de classe de 4e»
2e alinéa: Quelles sont les définitions de «très bonne note» et «investissement important»?
3e alinéa: Quel est le sens et l’avantage de «le conseil de classe décide dans quelles matières de spécialisation il pourra s’inscrire»?
Quelle est la définition de «conseil de classe» si les classes sont remplacées par des auditoires?
Page 17: «Dominante sciences naturelles: classes de 2e et 1re »
- Parler d’une dominante sciences naturelles est confus, si un élève peut en fin de compte choisir d’avoir moins de cours de sciences naturelles qu’un élève de la dominante» sciences humaines», où les cours de sciences naturelles se poursuivent en classe de 1re. (page 17: dom. sc. nat.: Classe 2e: 2 leçons de sc.nat.** / page 19: dom. sc.hum: classe 2e: 2 leçons de sc.nat et classe de 1re: 2 leçons de sc.nat.)
- Relation entre les cours de 2e et de 3e: l’élève qui choisit en classe de 2e un cours de spécialisation doit avoir suivi ce cours en classe de 3e sinon une construction progressive des savoirs et des savoirs faire est illusoire.
- Relation entre les cours de Biologie et de Chimie:
- l’enseignement de la biologie dans les classes supérieures nécessite des connaissances théoriques de base et une certaine pratique en chimie
- toutes les carrières des domaines de biologie, médecine, para-médecine et biosciences demandent des connaissances de base en chimie --> si un élève choisit le cours de spécialisation Biologie, il doit aussi choisir celui de Chimie.
- Comment est défini un cours de sciences naturelles?
Sera-t-il enseigné par un seul titulaire ou par plusieurs en fonction des spécialisations? Sera-t-il tranché en 3 branches différentes enseignées chacune par un titulaire pendant un trimestre, comme cela s’est déjà fait lors d’un cours à option?
L’expérience a montré que chaque enseignant a tendance à faire dominer dans un cours sa spécialisation.
Notons qu’à l’Ecole Européenne chaque enseignant enseigne sa spécialité.
Page 20: «Dominante sciences et technologie- classes de 10e et 11e»
Cours d’Economie: ce cours semestriel de 2 heures en 10e vient trop tôt (les élèves manquent de maturité) et le temps mis à disposition est insuffisant. Nous proposons de placer ce cours en 12e et de prévoir 2 heures pendant 2 semestres.
Page 23: «Dominante commerce et communication»
Pour des raisons pédagogiques, un cours d’une leçon par semaine comme il est proposé pour les sciences naturelles et le droit en classe de 12e, respectivement de 13e est inadmissible.
De manière générale, nous proposons intégrer les questions d’éthique dans le programme d’autres cours. Cela vaut pour toutes les dominantes de l’EST. Dans le même ordre d’idées, nous plaidons pour l’élimination des cours de Formation religieuse et de Formation morale et sociale des grilles horaires de l’ES et l’intégration des questions d’ordre moral et social dans les autres branches.
Orientation
Un plus grand choix pour les élèves doit être salué, mais il présente aussi un danger. Ainsi, les spécialisations ne sont pas nécessairement choisies en fonction des études ultérieures envisagées mais parce que le Lycée habituel les offre, parce que le copain ou la copine les choisit aussi ou parce qu’elles présentent un plus faible degré de difficulté…. Ainsi, nombre d’élèves risquent de gâcher leur accès aux études futures. Mais au-delà de ces problèmes subjectifs, il sera aussi objectivement plus difficile de faire le choix correct: il devient donc absolument nécessaire de développer parallèlement les services de conseil et d’orientation (SPOS) dans les lycées et lycées techniques.
Enseignement interdisciplinaire
La notion d’interdisciplinarité/de transdisciplinarité revient souvent dans le document.
Le SEW a toujours soutenu l’idée de l’enseignement interdisciplinaire. Un moyen efficace serait la création de champs libres dans l’horaire pour la réalisation de projets interdisciplinaires. Or le MENFP n’ouvre pas la voie dans cette direction. Au lieu de cela, il propose de regrouper certaines branches comme l’histoire, la géographie ou l’économie, ce qui conduira forcément à une réduction de leurs contenus respectifs. Parallèlement dans l’ES, le cours de Formation religieuse/ Formation morale et sociale est maintenu et dans l’EST, un cours d’Éthique est même nouvellement créé, alors que les contenus de ces branches pourraient facilement être intégrés dans d’autres branches. L’interdisciplinarité reste donc ici un slogan malmené à d’autres fins.
Enseignement et évaluation par compétences
La notion de compétence est l’incarnation de la pensée utilitariste sous-jacente à cette réforme. Dans le premier document d’orientation du MENFP, le mot «compétence » avait été employé 66 fois, tandis que la notion «savoir» n’y émergeait que 8 fois, dont 3 fois dans un sens négatif. Cela reflète une logique dans laquelle ce n’est plus le savoir qui est au premier plan, mais la réalisation de tâches dans un certain contexte. Le savoir passe du niveau d’objectif, à celui d’outil (qu’on peut aussi au besoin se procurer sur Internet). Or, il est illusoire qu’un élève puisse faire une recherche ou résoudre un problème de façon autonome et productive dans une situation concrète sans disposer des savoirs et savoir-faire de base essentiels.
Ceci dit, le SEW n’a pas d’opposition de principe contre l’enseignement par compétences, qui peut effectivement présenter des avantages s’il est clairement circonscrit. C’est le cas dans l’enseignement fondamental, lorsqu’il s’agit d’apprendre des habiletés fondamentales aux enfants, comme lire, écrire, calculer, ou encore dans l’enseignement professionnel, lorsqu’il s’agit de préparer les élèves ou apprentis à des tâches concrètes.
Mais il devient de plus en plus apparent pour nous que notre système d’enseignement tout entier tend à être subjugué d’une manière inacceptable à l’enseignement par compétences même dans des situations pédagogiques tout à fait inappropriées! Chaque fois en effet que des connaissances non directement liées à une action sont en cause, l’enseignement et l’évaluation par compétences doivent être relativisés. C’est le cas pour l’apprentissage par coeur des tables de multiplication, d’un vocabulaire ou des formes de conjugaison d’un verbe à l’école fondamentale, tout comme pour la transmission des éléments de base en Histoire, Géographie, Littérature, Économie ou encore en Comptabilité.
La réforme de l’enseignement professionnel a montré l’aboutissement de la voie choisie.
Les contenus des modules sont tellement vagues qu’un corpus commun n’est plus assuré, mais qu’il dépend du lycée technique ou même du titulaire, quel bagage est réellement transmis. Or du fait que la nouvelle loi de formation professionnelle ne prévoit plus d’examen final au niveau national, on se demande ce que vaudra encore un diplôme sous ces conditions?
Une autre matière à discussion est l’évaluation des compétences personnelles ou sociales comme «travailler en autonomie», «communiquer» ou encore «coopérer avec d’autres personnes». Alors que ces «compétences» sont cruciales, leur évaluation est non seulement extrêmement difficile, mais aussi empreinte de subjectivisme et elle risque d’empiéter sur des
domaines plutôt intimes.
Concrètement: si l’école doit encourager un élève à coopérer avec ses condisciples, nous ne pensons pas qu’elle doit en faire un élément de promotion ou qu’elle doit documenter cette «compétence» sur un bulletin scolaire, dévoilant ainsi sur un document officiel un trait de caractère personnel, cela contrairement aux principes déontologiques les plus élémentaires.
Pour la réforme du cycle supérieur de l’ES et du régime technique de l’EST, que nous sommes en train de discuter, le MENFP note: «Les questions de l’évaluation, de la promotion et de l’examen de fin d’études ne sont pas traités dans ce document .» Nous pensons qu’il est
urgent de faire la part des choses et de tracer clairement les limites de l’enseignement et de l’évaluation par compétences!
C’est bien pour cette raison que nous avons tenu d’aborder dès à présent ce sujet crucial dans cet avis!
Nous voici à nouveau confrontés à un projet de réforme structurelle, qui présuppose l’autonomie, la responsabilité et l’engagement des élèves.
En réalité, les jeunes évoluent dans une société où leur vécu quotidien n’encourage pas toujours le développement de ces qualités, bien au contraire! Citons notamment:
- le détournement systématique de l’attention de ce qu’est important (cf. Handymania)
- le développement de mondes artificiels (jeux électroniques à longueur de journée et téléréalité),
- le consumérisme, qui nourrit l’irresponsabilité et le manque de créativité,
- les problèmes en milieu familial de plus en plus fréquents.
Il ne faut pas ignorer ces phénomènes et faire comme si les élèves étaient d’emblée autonomes, responsables et engagés. Ceux-ci sont des produits de la société dans laquelle ils vivent, ce qui fait que lesdites qualités sont plutôt en régression.
C’est donc à l’École qu’il reviendrait une nouvelle fois de rectifier le tir. En a-t-elle les moyens, alors que les émissaires politiques et les responsables du MENFP semblent ignorer le problème et considèrent l’autonomie et l’engagement des élèves comme allant de soi? Peut-elle aboutir au niveau de la réforme du cycle supérieur, alors que les dispositions de compensation laxistes dans le cycle inférieur n’y préparent nullement le terrain?
Réflexion finale
Nous déconseillons fortement une nouvelle réforme précipitée. Un débat en profondeur sur l’enseignement des langues et sur ce qu’on entend par formation générale fait toujours défaut. D’autre part, nous doutons qu’une nouvelle réforme structurelle basée sur une approche idéologique contestée- celle des compétences - ne puisse résoudre les problèmes de qualification dans le cycle supérieur de l’ES et de l’EST. A notre avis il faudra s’abstenir de généraliser cette approche dans le cycle supérieur de l’ES et de l’EST avant d’avoir évalué les projets d’enseignement par compétences dans le cycle inférieur!
Luxembourg, le 20 septembre 2011 SEW/OGBL
1 Combiné à la réforme de la formation professionnelle et toutes ses conséquences sur l’organisation scolaire, une complication des horaires scolaires au delà des horaires classiques semble inévitable.