Évaluation du projet pilote cycle inférieur (PROCI) (Journal 3/2007)

23.06.2007

Des résultats mitigés qu'il faudra analyser davantage



Le projet pilote cycle inférieur (PROCI) avait pour objectif de « transformer le fonctionnement de trois premières années de l'enseignement secondaire technique
  • à travers une adaptation des contenus et des méthodes d'enseignement,
  • à travers une plus grande responsabilisation de l'équipe pédagogique et des parents des élèves, et finalement,
  • à travers une participation plus active des élèves dans les séquences pédagogiques. »


Le PROCI, qui n'a plus séparé les élèves en différentes filières et les a fait évoluer sans redoublement visait à améliorer l'orientation au terme de la classe de 9e à travers plusieurs moyens

  • les programmes: distinction entre connaissances de base et connaissances approfondies
  • l'évaluation: évaluation plus fine par compétences (écrit, oral, compréhension), inscrite aussi sur le bulletin; appréciation écrite de l'attitude de l'élève face au travail ainsi que du bilan provisoire de ses capacités en vue du choix d'une formation
  • l'encadrement de l'élève: séjour de l'élève dans la même classe tout au long du cycle inférieur; accompagnement de la classe de 7e en 9e par une équipe enseignante réduite; suivi régulier des élèves; renseignement régulier de l'élève et des parents sur les formations qui lui sont ouvertes en fonction de ses résultats, sur les possibilités de revoir la façon dont il apprend et d'améliorer son attitude au travail et sa motivation
  • le processus d'orientation: décision sur l'admission au cycle moyen en fin de 9e par le conseil de classe, sur le vu de tous les résultats qu'a obtenus l'élève.


Les premiers élèves issus du projet sont maintenant arrivés en fin de 10e et le projet a été évalué quantitativement (résultats obtenus par les élèves) et qualitativement (enquête auprès des acteurs).

L'évaluation quantitative a donné les résultats suivants :



  1. Inscription en classe de 10e



    Au vu de ces résultats, on note que :
    • le taux des élèves PROCI inscrits au régime technique [colonne 10] est inférieur à celui des élèves non-PROCI
    • le taux des élèves PROCI inscrits au régime du technicien [colonne T0] est supérieur à celui des élèves non-PROCI
    • le taux des élèves PROCI qui redoublent en classe de 9e [colonne redouble] pour obtenir l'admission à la formation visée est encore plus élevé que celui des élèves non-PROCI
    • le taux des élèves PROCI qui quittent la formation [colonne quitte] est supérieur à celui des élèves non-PROCI.


    Les deux tableaux ci-dessous distinguent entre les élèves avec une orientation initiale 7ST et ceux avec une orientation initiale 7Adapt :



    On remarque que les élèves PROCI faibles (Adapt) se retrouvent moins souvent dans la filière du technicien et davantage dans la filière professionnelle que les élèves non-PROCI.
  2. Résultats en classe de 10e

    Les résultats scolaires du premier trimestre en classe de 10e de l'année scolaire 2006-2007 ont été légèrement meilleurs pour les élèves PROCI que pour les autres :


  3. Epreuves communes en mathématiques
    Des « Lernstandserhebungen » en mathématiques ont été effectuées en automne 2006 en classe de 9e et en 5e. Ces épreuves évaluent les compétences mathématiques des élèves sans que les exercices ne se réfèrent directement aux programmes; elles ressemblent donc à celles des études PISA. Le graphique suivant montre les résultats de ces tests pour les différentes voies de formation, l'enseignement secondaire « classique », et les voies pédagogiques du cycle inférieur de l'enseignement secondaire technique: voie théorique, voie polyvalente, voie pratique, ainsi que pour les classes PROCI.



    Il apparaît que les élèves PROCI ont obtenu des résultats qui dépassent nettement les résultats de la voie polyvalente et de la voie pratique et se situent à un niveau équivalent de la voie théorique.

    Dans les enquêtes en relation avec l'évaluation qualitative, des critiques ponctuelles ont été formulées «concernant les modalités de déroulement, notamment les programmes élaborés d'une façon trop sommaire et l'information insuffisante des acteurs.»
    De manière générale, les différents acteurs semblent avoir soutenu le projet.
    Dans le rapport final1 , il est souligné «qu'un tel projet demande un accompagnement plus prononcé par un groupe de pilotage et qu'une généralisation du projet au niveau national doit se faire étape par étape.»


Des résultats mitigés



Les résultats du projet PROCI - il faut le dire - sont donc mitigés :
On note d'un côté des résultats négatifs …:
  • le projet n'a pas réduit, mais augmenté au contraire le nombre des élèves quittant prématurément l'école - contrairement aux attentes des protagonistes du projet, PROCI a été moins favorable aux élèves faibles
  • PROCI a orienté moins d'élèves vers la 10e technique et plus d'élèves vers la 10e technicien, voire la 10e professionnelle
  • le nombre d'élèves qui ont redoublé la 9e pour passer à une classe de 10e de leur choix (d'un niveau de formation supérieur) était encore plus élevé dans les classes PROCI que dans les classes non-PROCI.


… et de l'autre des résultats positifs:
  • le retard scolaire a diminué; (en fait ceci est normal, puisque le redoublement dans le cycle inférieur est exclu)
  • les résultats scolaires du premier trimestre en classe de 10e des élèves PROCI ont été légèrement meilleurs que ceux des élèves non-PROCI
  • dans les épreuves communes2 , les élèves PROCI ont obtenu de bien meilleurs résultats en Mathématiques
    que les élèves non-PROCI.


Pousser l'analyse et l'évaluation



Dans son avis sur le document «Un nouveau cadre pour le cycle inférieur et le cycle moyen de l'EST», le SEW avait exigé que le niveau ainsi que les chances de réussite des élèves faibles et des élèves forts au sein des classes PROCI, très hétérogènes, soient évalués sérieusement. Au vu des premiers résultats, il semble que l'hétérogénéité a eu des conséquences négatives pour les élèves faibles, alors que les élèves forts n'en ont pas souffert, du moins en ce qui concerne leurs compétences en mathématiques. Qu'en est-il des compétences linguistiques? Il est souhaitable de pousser l'analyse dans cette direction.

Il faut relever aussi qu'à l'issue de la classe de 9e, moins d'élèves ont été orientés vers la filière forte (technique); ceci nourrit la crainte d'une «prépondérance des formations professionnelles moins exigeantes dans le cycle moyen», crainte que le SEW avait exprimée dans son communiqué du 3 mars 2003, lorsque le projet en question fut lancé.
Il convient donc de rester sceptique quant à l'introduction - dans les conditions actuelles - de classes hétérogènes dans le cycle inférieur de l'EST. Avant de s'engager dans cette direction,
  • il faudra réduire les différences de niveau énormes entre les élèves qui accèdent à l'EST en investissant massivement dans les premières années de la scolarité pour donner sa chance à chaque enfant; en 7e en effet il est bien trop tard pour corriger le tir
  • il faudra former les professeurs de l'enseignement postprimaire à travailler avec de telles classes et concevoir du matériel didactique adapté; il faudra également prévoir des structures d'accompagnement performantes et limiter le nombre d'élèves dans ces classes.


En attendant de progresser dans cette voie, certains éléments positifs du projet PROCI méritent d'être diffusés au niveau national: création d'une équipe de base par classe qui se concerte régulièrement, orientation plus conséquente des élèves, coopération entre les lycées et lycées techniques.

Guy Foetz





1 Pierre Fixmer, psychologue diplômé, chercheur en psychologie sociale des processus cognitifs collaboratifs à l'Université du Luxembourg (Retour)

2 Les contrôles communs sont contestés par certains titulaires vu qu'au moins un critère permettant une comparaison valable et représentative n'est pas assuré. En effet, chaque titulaire corrige sa propre classe, alors que normalement, pour mieux garantir une certaine neutralité, une correction centralisée devrait être organisée. (Retour)