Ne perdons pas de vue les vrais enjeux de l'Education nationale (Journal 3/2005) Monique Adam

17.05.2005

Les polémiques autour des devoirs à domicile illustrent une fois de plus notre incapacité à cerner les vrais enjeux d'une réforme de notre système scolaire. Les recommandations de la circulaire de printemps ne diffèrent en fait que légèrement de celles qui étaient énoncées par les ministres précédents mais il est évident que le discours de Madame Delvaux tranche sur celui de Madame Brasseur qui prônait l'effort et la responsabilisation des parents. Ceux qui misent encore sur la capacité de l'école d'assurer l'égalité des chances sont évidemment plus enclin à approuver Madame Delvaux-Stehres quand elle confie une responsabilité accrue à l'école et ceux qui travaillent dans des milieux socio-culturels plutôt défavorisés savent qu'ils ne peuvent de toute façon pas compter sur les devoirs à domicile pour améliorer les compétences de leurs élèves.

Mais tous ceux qui sont sur le terrain savent que (toutes) ces recommandations bien intentionnées ne nous rapprocheront nullement de l'égalité des chances pour tous les élèves. Nous continuerons à avoir des élèves fortement motivés dotés d'une ouverture d'esprit, d'une capacité de concentration et d'une volonté de réussite à toute épreuve et d'autres branchés sur la consommation avec une attention fluctuante avec des difficultés d'acquérir une autonomie de travail même pour des tâches peu complexes. Leur donner des chances tant soit peu équivalentes ou simplement leur faire acquérir les compétences citoyennes ainsi que la qualification professionnelle leur permettant de vivre dignement dans nos sociétés complexes est déjà toute une affaire avec ou sans devoirs à domicile. La question qui se pose c'est: quels moyens accordons-nous à l'école pour mener à bien les missions que nous lui conférons officiellement?

Dans ce contexte, deux dossiers demandent des prises de positions claires. Le premier concerne la formation des instituteurs et institutrices qui assurent la formation de base de notre jeunesse. Quitter le contexte des méthodologies de différentes disciplines pour développer des stratégies d'apprentissage avec des élèves provenant de contextes socio-culturels extrêmement hétérogènes n'est pas une mince affaire. Pour mener à bien cette tâche titanesque, la nouvelle Université a besoin de ressources humaines et d'une durée d'études plus importante pour la formation des instituteurs et institutrices qu'actuellement. Rarement une catégorie professionnelle n'aura tant critiqué ses études que les instituteurs et institutrices.

On nous a même souvent fait remarquer que nous ferions mieux de nous taire, car cette critique ne nous avancerait pas dans la grille des traitements où les 3 années d'études supérieures n'ont jamais été pris en compte.

Néanmoins aujourd'hui, la prolongation des études semble justement impossible à cause de la grille des traitements.

Ceux qui comprennent encore quoi que ce soit à cette impasse doivent quand même se dire qu'ils sont fous ces luxembourgeois qui veulent faire apprendre à leurs enfants un nombre plus important de langues que dans n'importe quel autre pays tout en formant leurs instituteurs au niveau le plus bas en Europe.

La deuxième réforme qui doit absolument être menée à bien est celle de la loi scolaire de 1912. Il faudra tenir compte dans cette loi des changements de société, donner à l'école les moyens de répondre aux besoins fort divers de ses élèves et mettre en place des comités de cogestion pour permettre une gestion plus efficace des écoles.
Ce sont là deux sujets autrement importants pour le système scolaire luxembourgeois et ils demandent de prendre des décisions politiques courageuses.



Monique Adam
Présidente du SEW