Le leurre des modules préparatoires accordant l’accès aux études techniques supérieures (Journal 4/2013) Jules Barthel

04.11.2013

La formation du technicien dans le nouveau régime professionnel


Le leurre des modules préparatoires accordant l’accès aux études techniques supérieures



Le nouveau RGD applicable à partir de septembre 2013



Le RGD du 9 juillet 2013 déterminant la nature des modules préparatoires par type de formation accordant l’accès aux études techniques supérieures, l’art. 1 spécifie que: « L’accès aux études techniques supérieures dans la spécialité est attesté sur le supplément descriptif lorsque le candidat a réussi tous les modules préparatoires prescrits par type de formation. Ces modules peuvent porter sur les compétences :
  • en communication orale et écrite ;
  • en sciences mathématiques ou naturelles ;
  • se rapportant à la spécialité de la formation.

Les modules se rapportant à la communication orale et écrite et aux sciences mathématiques ou naturelles peuvent être identiques pour plusieurs divisions du régime de la formation préparatoire menant respectivement au diplôme de technicien, respectivement au diplôme d’aptitude professionnelle. Les modules se rapportant à la spécialité de la formation sont propres à chaque division/section du régime de la formation de technicien et de la formation menant au diplôme d’aptitude professionnelle ».


Rappel des critiques du SEW



Rappelons que le SEW s’est opposé, dès le début des discussions sur le projet de réforme de la formation professionnelle, à l’abandon de l’accès automatique des bacheliers techniciens aux études techniques supérieures. Rappelons également que dans l’ancien régime du technicien, le bachelier technicien avait un accès automatique aux études techniques supérieures. En moyenne, selon les propres statistiques du MENFP, 48 % des élèves détenteurs d’un DT ont profité en 2012 de cette possibilité d’études post-BAC (et notamment 78,1% chez le technicien informatique).

Au sujet de la nouvelle règlementation en vigueur à partir de la rentrée de septembre 2013, de nombreuses questions restent sans réponse :
  • Quel sera le poids des modules de communication/langues, de mathématiques/sciences naturelles et de spécialisation ?
  • Comment ces modules seront-ils intégrés dans l’horaire déjà surchargé des élèves ?
  • Qui aura un droit d’accès à ces modules préparatoires ? Le MENFP, dans une première version, n’a-t-il pas exigé que seuls les élèves n’ayant aucun module à rattraper au début de la classe de 12e puissent y avoir accès.
  • Les modules préparatoires seront-ils proposés dans tous les lycées indépendamment du nombre d’élèves inscrits ?
  • Les modules préparatoires de communication/langues et de mathématiques/sciences naturelles seront-ils, dans leurs grandes lignes, identiques aux différentes formations – non-sens pédagogique mais très raisonnable financièrement – ou seront-ils adaptés aux besoins des différentes formations – de bon sens au niveau pédagogique mais financièrement plus coûteux ?
  • Quel est le pourcentage d’élèves technicien que le MENFP compte pousser vers les études supérieures ? Tout taux en-dessous des 48 % actuellement atteints dans l’ancien régime ne doit-il pas être considéré comme un échec cuisant pour les responsables du MENFP ?


Pour le SEW, il est évident que la nouvelle formation du technicien, dans sa forme actuelle, ne garantira qu’un accès très limité aux études techniques supérieures. Il s’agit là d’une dégradation flagrante de la valeur de ce diplôme. Alors que toutes les études nationales et internationales montrent qu’une majorité des emplois futurs se situera au niveau Bac+, le MENFP s’engage, sur le dos de milliers d’élèves, dans une direction diamétralement opposée.

Un retour à l’accès direct aux études techniques supérieures



Le SEW estime que le nouveau diplôme de technicien doit habiliter les meilleurs élèves – dans des proportions au moins identiques à l’ancien régime - à poursuivre des études techniques supérieures. Pour y arriver, il faudra absolument :
  • Permettre aux techniciens d’acquérir un niveau linguistique adéquat. Rappelons, dans ce cadre, que le nombre d’heures d’enseignement des langues a été fortement réduit dans le nouveau régime alors que, selon le MENFP, les modules préparatoires de communication/langues ne seront réussis que si l’élève parvient à se hisser à un niveau B2/C1,
  • Réintroduire un cours de mathématique de base dans toutes les formations. Actuellement, plus aucun cours de mathématiques n’est enseigné dans le cadre de l’enseignement général.
  • Le cas échéant, mettre en place des modules préparatoires spécifiques aux différentes formations et garantir que ces modules soient enseignés dans tous les lycées proposant la/les formation(s) en question et ceci dans le cadre de la grille-horaire régulière !


Comme ces adaptations seront très difficiles à réaliser dans le cadre actuel de la Formation professionnelle, le SEW plaide pour un retour à l’accès direct aux études techniques supérieures des détenteurs du diplôme de technicien, sans devoir passer par des modules préparatoires. L’approche de l’enseignement par modules et les programmes/contenus actuels devront être retravaillés tout autant que les objectifs primaires de la formation du technicien redéfinis.

Une ribambelle de démission dans les groupes curriculaires



Au cours des derniers mois, un nombre élevé de démissions dans les groupes curriculaires a été constaté, signe évident du malaise grandissant et d’un ras-le-bol généralisé. Les démissions massives dans les groupes curriculaires pour les formations commerciales et informatiques concernent, en outre, deux des formations les plus importantes du régime de technicien.

Les arguments justifiant les démissions dans le groupe curriculaire pour l’informatique confirment par ailleurs toutes les craintes émises par le SEW depuis très longtemps :

  • Crainte que les modules préparatoires risquent de freiner, voire de barrer l’accès des techniciens aux études post-secondaires plutôt que de les y préparer.
  • Fortes réticences par rapport à des modules uniformisés pour toutes les formations sans tenir compte des spécificités de chacune d’entre elles.
  • Risques liés aux stages de formation. En effet, en raison de stages en entreprise dont les périodes sont différentes d’une formation à l’autre, des élèves de certaines formations n’auront que 24 leçons à leur disposition pour assimiler un programme donné, tandis que d’autres élèves pourront effectuer le même programme en 36 leçons. A titre d’illustration, les élèves de la formation du technicien commercial effectuent des stages de 6 semaines en classe de 12e et 13e alors que ceux de la formation du technicien informatique effectuent ces mêmes stages en classe de 11e et 12e.
  • Problèmes liés aux modules de mathématiques :
    • Toutes les compétences - hormis les compétences sociales – étant obligatoires dans ces modules, la nouvelle réglementation prévoit qu’il faudra réussir au minimum 80% de ces compétences pour réussir un module. Or, dans l’enseignement secondaire et secondaire technique, 50 % (30/60) voire 33 % (20/60) – en cas de compensation – suffisent pour réussir.
    • Les heures disponibles, comparées au niveau de difficulté des modules, sont ridiculement limitées. Le programme proposé paraît encore plus volumineux que le programme dans l’ancien régime de la formation informatique alors que ce dernier était déjà, aux dires des enseignants, trop volumineux.
    • Dans sa totalité, il faut constater une perte de plus de 80 leçons d’enseignement en mathématiques, ce qui correspond plus ou moins à une année scolaire entière à raison de 2 leçons hebdomadaires. Cette perte de leçons se situant au niveau des classes de 10e et 11e (2 leçons de mathématiques au lieu de 3 précédemment), on peut s’imaginer le désastre qui s’annonce en classe de 12e et de 13e avec des modules préparatoires où un surplus de matières devra être assimilé avec des connaissances de base moins élevées que précédemment.
    • Les modules préparatoires ne correspondent qu’en partie aux exigences particulières de la formation du technicien informatique.

En complément à ces arguments du groupe curriculaire informatique démissionnaire, il faut ajouter que le niveau des échecs en classes de 10e et 11e étant très important, un nombre élevé d’élèves auront déjà un horaire surchargé dû à leur participation aux modules de rattrapage et autres mesures de remédiation et seront donc d’office exclus de toute participation aux modules préparatoires et à l’accès aux études techniques supérieures.


L’enseignement des mathématiques dans la formation du technicien commercial



Tout l’argumentaire du groupe curriculaire pour l’informatique vaut à fortiori pour le technicien commercial, division de très loin la plus importante de la formation professionnelle. Ces élèves, en effet, sont sensés poursuivre les modules préparatoires en mathématiques en classe de 12e et 13e alors qu’ils n’ont plus eu une seule heure de cours dans cette branche depuis leur classe de 9e du régime inférieur.





Des solutions proposées par le MENFP qui ne convainquent pas


Les responsables du MENFP ont tenté de réagir en proposant notamment les solutions suivantes :
  • mise à disposition d’une année supplémentaire (14e) afin de terminer et réussir les modules manquants,
  • possibilité de mise à niveau dès le 5e semestre,
  • dispense des cours de l’enseignement général de la langue correspondante si l’élève poursuit un module préparatoire dans cette langue,

Et pourtant, ce ne sont pas ces « demi-solutions » qui vont nous rassurer sur le sort qui risque d’attendre une grande majorité de nos élèves du régime du technicien dans les années à venir si les responsables politiques ne décident pas d’urgence à retravailler de fond en comble la formation professionnelle face au désastre qui s’annonce.

Jules Barthel