Editorial: La réforme de l'enseignement fondamental compromise: réagissons vite!

20.11.2009

Il n'a fallu que quelques semaines après la mise en place de la réforme scolaire, que le mécontentement s'installe au sein des équipes pédagogiques du fondamental. Pourtant les orientations et les changements pédagogiques avaient trouvé un accueil favorable et un large consensus dans le corps enseignant. Les institutrices et les instituteurs étaient prêts à affronter le défi et à investir leur énergie et leur savoir-faire pour garantir le succès de la réforme. Profitant du troisième trimestre de l'année scolaire écoulée, les comités d'école et les équipes pédagogiques se sont constitués dans une atmosphère positive de renouveau.

Mais d'ores et déjà un désenchantement a remplacé l'enthousiasme initial. Les sentiments prédominants des enseignants sont la colère, la résignation et la démotivation. Malgré les efforts supplémentaires considérables qu'ils ont fournis, la situation dans les écoles s'est dégradée par rapport aux années précédentes.

Aucune amélioration de la qualité de l'école publique n'est en vue, bien au contraire.

Les raisons à cette situation déplorable sont multiples, elles se trouvent au niveau organisationnel, mais aussi au niveau des changements pédagogiques.

La période électorale n'était certainement pas le meilleur moment pour la finalisation de la nouvelle loi scolaire. La propagande annonçant un changement radical des méthodes d'enseignement et des formes d'évaluation a déstabilisé nombre d'enseignants et de parents d'élèves. La précipitation dans la mise en œuvre, alors que tant de travaux préparatifs n'ont pas été réalisés demande aux équipes pédagogiques de pallier au jour le jour aux manques évidents de la réforme proposée. C'est une navigation à vue qui n'est pas très confortable pour des enseignants qui ont l'habitude de préparer sérieusement les apprentissages qu'ils proposent à leurs élèves. Et le ministère continue d'organiser des réunions d'information pour les parents, tandis que les enseignants sont conscients qu'ils doivent les affronter à la fin du premier trimestre avec des bilans d'évaluation qui ne trouveront pas d'accueil favorable.

Au cours des premières semaines les enseignants ont été submergés par un travail administratif exagéré et souvent superflu ce qui ne leur a guère laissé de temps pour s'occuper des questions pédagogiques. De toute façon, il n'y a pas de matériel didactique édité par le ministère qui corresponde aux critères d'un enseignement par compétences, et le SEW s'oppose à l'idée de le faire élaborer individuellement par les enseignants.

Ainsi le SEW demande d'ajourner les changements pédagogiques mal préparés au lieu de précipiter leur introduction ce qui compromet fortement le succès de la réforme. Il faut se laisser le temps d'évaluer honnêtement les expériences des écoles en mouvement et d'élaborer des concepts précis pour la mise en pratique de l'enseignement par compétences, ainsi que des grilles d'évaluation claires, sans ambigüités et compréhensibles par les parents et les élèves. Une évaluation qui ne trouve pas l'appui des parents risque de faire échouer toute la réforme scolaire.

Inutile de rappeler dans ce contexte que le SEW n'a pas signé l'accord gouvernemental sur le reclassement de la carrière. En effet, le surplus de travail rend l'horaire et l'emploi du temps des enseignants de plus en plus ingérable. L'augmentation de la tâche des enseignants, porte atteinte à la qualité de l'enseignement.

D'autant plus que quelques inspecteurs ont exagéré dans les mesures de contrôle au sujet des heures d'appui et des concertations en exigeant des rapports détaillés et en fixant des conditions contraignantes de manière à gaspiller davantage l'énergie des enseignants. Cette façon de mettre en doute leur conscience professionnelle, en leur imposant des conditions parfois ridicules, va rapidement détruire leur motivation et détruire l'ambiance de travail dans les écoles.

A la rentrée les enseignants étaient préparés pour mettre en place les changements pédagogiques annoncés. Mais au lieu des informations et des outils pédagogiques nécessaires, qui font totalement défaut, ils se voient confrontés à une multitude de travaux administratifs. Ces tâches sont souvent redondantes et n'ont aucun effet positif sur le système scolaire.

Il ne fallait ajouter à cette situation qu'une désorganisation totale des remplacements pour ruiner définitivement l'image de l'école publique. Les bureaux régionaux des inspecteurs ne sont pas à même de trouver des remplaçants pour les congés de maladies. Les titulaires voient donc leur salle de classe transformée à longueur de journées en garderie pour surveiller en plus les élèves des collègues malades.

La question est bien légitime. Comment réaliser une réforme scolaire dans des conditions qui se sont largement détériorées par rapport à l'année passée ? Et ceci malgré les énormes efforts supplémentaires fournis par tous les enseignants.

Les membres des comités d'école et leurs présidents semblent être considérés par le ministère et tous ses services comme des chauffeurs-livreurs. Toutes sortes de paperasseries et de brochures arrivent à un rythme effréné dans les écoles ou à leur domicile et doivent être distribué aux enseignants. Surtout les présidents sont débordés par un travail administratif kafkaïen qui engage énormément de ressources-temps et d'énergie. En même temps, l'inspectorat considère les présidents comme leur bras rallongé. Ils les utilisent pour transmettre leurs instructions et consignes aux collègues. Les comités d'école sont en tout cas très loin d'un modèle participatif favorisant l'autonomie pédagogique des écoles.

Et déjà les comités sont chargés d'élaborer le plan de réussite scolaire qui demande un travail administratif démesuré. Le SEW ne s'oppose pas à un travail de réflexion sur les forces et les faiblesses de nos écoles. Mais le plan de réussite risque de se réduire à un outil pour justifier des ressources humaines dans les écoles qui existent déjà et vont être réduites par l'introduction du contingent.

Mais n'oublions pas qu'il y a aussi des acteurs qui doivent bien se réjouir des conséquences de la nouvelle loi. Les chargés de cours de religion sont désormais membres des équipes pédagogiques et ont donc le droit de participer à l'évaluation des enfants et de discuter sur l'organisation, les sujets et les contenus de tous les cours. Et cela sans être sous l'influence du ministère de l'Education nationale.

S'il n'est pas trop tard pour éviter un fiasco de la réforme scolaire, il faut réagir vite. Pour rétablir un climat serein dans nos écoles, il faut tout de suite arrêter le harcèlement des équipes pédagogiques par des directives trop rigides quant à l'organisation des réunions de concertations et des leçons d'appui. La rédaction de rapports doit se limiter à un strict minimum toujours dans l'intérêt d'une amélioration de l'enseignement. Les équipes pédagogiques sont bien à même d'organiser leurs concertations selon les besoins. La réforme des évaluations doit être ajournée jusqu'à ce que les grilles d'évaluation aient trouvé l'approbation et l'appui des enseignants.

Soyons sincères et ne promettons pas aux parents des mesures pour lesquelles les moyens manquent cruellement sur le terrain.

Permettons aux enseignants de se consacrer au travail pédagogique et réduisons les tâches administratives au strict minimum.

Pour garantir un enseignement plus personnalisé, il n'est pas possible de transformer l'école en garderie ou d'augmenter les effectifs de classe. Il faut que le problème des remplacements soit résolu dans les meilleurs délais.

Il n'est pas trop tard, mais il faut rapidement améliorer les conditions de travail des enseignants et leur faire confiance dans leur engagement professionnel pour la gestion des écoles et le travail pédagogique dans les classes.

Patrick Arendt
membre de la direction syndicale