Chargés d'éducation : un verdict intéressant de la Cour administrative (Journal 4/2005) Guy Foetz
Un chargé d'éducation, qui se trouve depuis 1997 au service de l'Education nationale n'avait pas vu son nième contrat à durée déterminée reconduit à la fin de l'année scolaire 2002/2003 et il a dès lors entamé une procédure devant le Tribunal administratif. Après
que ses recours par différents moyens avaient été refusés par ce tribunal, la Cour administrative a prononcé un jugement en appel (et en dernière instance) avec le contenu suivant :
- « Bien que la tâche confiée à l'appelant soit de celles qui, aux termes de la loi du 5 juillet 1991 portant dérogation à la loi du 24 mai 1989 sur le contrat de travail, peuvent faire l'objet de plus de deux renouvellements, même pour une durée excédant 24 mois, il n'en est pas moins que les contrats, même conclus dans le contexte de cette faculté dérogatoire à certaines règles de contrat à durée déterminée, doivent être conformes aux règles des articles 5 et 6 de la loi. »
- Ces règles sont notamment les suivantes :
- article 5 de la loi du 24 mai 1989 sur le contrat de travail:
Le contrat de travail à durée déterminée peut être conclu pour l'exécution d'une tâche précise et non durable; il ne peut avoir pour objet de pourvoir durablement à un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.
Sont notamment considérés comme tâche précise et non durable
- le remplacement d'un salarié temporairement absent … ,
- l'emploi à caractère saisonnier … ;
- les emplois pour lesquels … il est d'usage constant de ne pas recourir au CDI en raison de la nature de l'activité exercée ou du caractère par nature temporaire de ces emplois,
- l'exécution d'une tâche occasionnelle et ponctuelle,
- l'exécution d'une tâche précise et non durable en cas de survenance d'un accroissement temporaire et exceptionnel …,
- l'exécution de travaux urgents …
- … .
- article 6 de la loi du 24 mars 1998 sur le contrat de travail: :
… le contrat de travail conclu pour une durée déterminée doit comporter … son objet
… [qui permet alors de juger si l'emploi correspond bien à ce qui a été défini comme tâche précise et non durable à l'article 5]
- « … aucun des contrats … qui concernent sans discontinuation la période allant du 16 octobre 1997 au 14 septembre 2005, donc au-delà de la date du recours en justice ne définit l'objet du contrat de travail au titre de l'admissibilité de son caractère à durée déterminée par l'indication vérifiable d'une des causes d'ouverture telles que définies à l'article 5 de la loi … ni d'une autre cause justifiant le recours à des contrats à durée déterminée, comme l'exige l'article 6 de la loi.. »
- « … il y a lieu de définir qu'en l'absence d'une définition de l'objet du contrat, celui-ci doit être considéré comme étant conclu pour une durée indéterminée. »
- Par ces motifs la Cour
* … dit qu'il y a entre l'appelant et l'Etat, une relation de travail à durée indéterminée avec effet remontant au 16 octobre 1997,
* renvoie le dossier devant le ministre pour y être tenu compte de la présente décision.
Ce jugement a de fortes chances de faire date: en effet, au-delà de l'absence d'objet dans nombre de contrats à durée déterminée qui circulent dans l'Education nationale, il évoque la conformité de cet objet avec l'esprit de la loi sur le contrat de travail. Celle-ci considère qu'un CDD ne peut être conclu que pour exécuter une tâche précise et non durable. Comment pourrait-on alors soutenir qu'un chargé d'éducation qui enseigne 3-4 années de suite le même cours exécute une tâche non durable ? Voici que la dérogation au code du travail ordinaire contenue dans la loi du 5 juillet 1991 est sur le point de devenir inopérante. Or, c'est sur cette dérogation qu'est basée toute la politique du MEN à l'égard des chargés d'éducation.
La voici ébranlée jusque dans ses fondements !
Guy Foetz
Vice-président du SEW
- article 5 de la loi du 24 mai 1989 sur le contrat de travail: