Les socles de compétences : un travail utile et nécessaire, mais pas de solution miracle

21.09.2006

En lisant les interviews que la Ministre de l'Education nationale a données à certains journaux durant l'été, on a l'impression que les socles de compétences pour les différents cycles de l'éducation préscolaire et de l'enseignement primaire seront fixés sous peu et que les écoles préscolaires et primaires pourront alors en assurer l'acquisition par tous les élèves au cours des cycles biannuels en y consacrant les deux tiers du temps scolaire.
On peut évidemment admirer le courage de la Ministre qui essaie de foncer pour rattraper le temps perdu et nous sommes les premiers à saluer cette discussion qui amène l'école à se préoccuper enfin des résultats de son action, mais nous avons du mal à partager l'optimisme de Madame Delvaux-Stehres sur le calendrier de mise en ?uvre de ce nouvel instrument.
Le SEW/OGBL qui a plusieurs représentants dans le groupe d'accompagnement qui doit aviser les textes produits par un groupe de rédaction n'a cessé de souligner qu'il ne suffit pas de publier une liste de compétences à acquérir pour la fin de chaque cycle en y supprimant une partie des éléments contenus dans les programmes actuels pour affirmer que ceux-ci peuvent être atteints dans les deux tiers du temps scolaire par tous les enfants.
Et d'abord qu'est-ce qu'une compétence ? Le texte qui nous est proposé la définit comme la capacité de mettre en oeuvre un ensemble organisé de connaissances, d'habiletés et d'attitudes qu'un élève doit mobiliser dans un contexte donné lui permettant de fournir une réponse adéquate à une problématique complexe. On y découvre clairement l'intention de sortir l'élève des apprentissages trop fermés, trop scolaires pour l'amener à une plus grande autonomie dans la résolution de problèmes concrets, mais complexes.
C'est une démarche louable, mais les auteurs du texte se sont rapidement aperçus qu'il n'est pas facile de définir une liste de compétences bien concrètes pour chaque cycle. Ils se sont donc souvenus que ces compétences se construisent grâce à des connaissances et des habilités de base et ils nous ont rajouté la liste de toutes les activités de classe dans les différentes disciplines, disons en gros à quelques exceptions près, le contenu des manuels existants. À mon avis, cela ne va pas nous permettre de travailler autrement.
Par ailleurs, et sans vouloir limiter le niveau des compétences à acquérir, nous avons toujours souligné que tous les élèves n'apprennent pas au même rythme et ce que certains maîtrisent en deux, voire un tiers du temps ne peut être atteint par d'autres même en ajoutant des heures supplémentaires. D'autant plus qu'il ne sert à rien de s'obstiner dans l'acharnement pédagogique et de rabâcher le passage de la dizaine à l'addition avec un élève qui n'est pas prêt pour cet apprentissage en le privant de découvertes culturelles ou scientifiques autres. Ce risque est d'autant plus important que l'on a commencé à définir les socles de compétences pour les mathématiques et les langues et point encore pour les sciences, l'esthétique ou la motricité. Les problèmes auxquels nous sommes confrontés quotidiennement dans nos classes c'est l'écart croissant entre les compétences des élèves et surtout la difficulté de motiver les élèves les plus faibles à acquérir de nouvelles compétences. C'est pour travailler avec cette hétérogénéité sans accepter que les écarts ne se creusent chaque jour un peu plus et que de plus en plus d'enfants se trouvent relégués dans des programmes spéciaux. Il est exact que toutes les études montrent que le redoublement n'est pas efficace et il est vrai aussi qu'on ne peut pas accepter qu'un élève passe tous les cycles en 3 ans de façon à acquérir un retard de 4 ans sur sa classe d'âge à la fin du primaire, mais certains élèves ont besoin de beaucoup plus d'attention afin de pouvoir progresser. En introduisant les cycles et en définissant un cadre plus large et plus libre avec les socles de compétences, nous devons en même temps réfléchir aux possibilités que cela ouvre pour accompagner les élèves en difficulté.
Cela demandera aussi des moyens, des équipes pluridisciplinaires, des teams pédagogiques, tout le cadre que nous avait laissé entrevoir l'avant projet pour la nouvelle loi scolaire. Ce n'est pas une mesure isolée qui résoudra tous les problèmes de l'école luxembourgeoise.

Monique Adam
Journal 4/2006