La réforme de la fonction publique nuit gravement au système scolaire (Journal 4/2012)

18.09.2012

La réforme de la fonction publique nuit gravement au système scolaire

Pourquoi refusons-nous l’application des principes du projet de réforme de la Fonction publique à l’enseignement ?



Depuis les premiers projets, le SEW/OGBL s’est fortement opposé à cette réforme de la fonction publique. A ce jour, le ministre Biltgen nous a toujours refusé tout dialogue. Voici un résumé de notre argumentaire que le ministre refuse obstinément d’écouter

Encouragé par les quelque 4500 signataires de notre manifeste et les 6000 membres du personnel enseignant du fondamental et du secondaire (faut-il le rappeler), le SEW/OGBL ensemble avec l’APESS a engagé une procédure de conciliation avec le Gouvernement, étape obligatoire menant à une grève. Devant le refus net du ministre de la Fonction publique d’engager des négociations voire d’écouter leurs arguments, les deux syndicats se sont vus obligés d’entamer cette procédure de grève. Monsieur Biltgen, tout en ayant dû admettre la représentativité des deux syndicats pour le secteur de l’enseignement, a trouvé en la CGFP, craignant pour son monopole, un allié de circonstance pour essayer d’éviter des négociations avec les enseignants. En même temps il essaye de les priver de leur droit de grève.

Le ministre qui a tout fait pour éviter les discussions, ne manque pas de cynisme, pour affirmer que les syndicats refuseraient le dialogue.

Argumentaire de fond que nous n’avons pu exposer au ministre jusqu’à présent



  1. Un litige collectif du secteur de l’enseignement


    Le litige qui oppose le SEW/OGBL et l’APESS au Gouvernement est un litige collectif du secteur de l’enseignement. Les conditions de l’enseignement et des enseignants sont spécifiques dans la Fonction publique. Les principes du projet de loi sur la réforme de la Fonction publique ne sont pas applicables à l’enseignement sans mettre en péril la sérénité nécessaire du travail des enseignants et la qualité de l’école publique. L’appréciation des enseignants, la gestion par objectifs et la hiérarchisation de leurs carrières respectives ne constitueraient pas un avantage pour la qualité de l’enseignement, mais au contraire seraient nuisibles et préjudiciable aux enfants.

    D’ailleurs dans son rapport au Gouvernement, la Commission des traitements propose, compte tenu de la particularité des carrières de l’enseignement, de ne pas les hiérarchiser. Le secteur de l’enseignement, à l’image de la magistrature avec ses spécificités propres qui est exclue des principes de la réforme, demande des dérogations pour certains principes de l’accord entre le gouvernement et de la CGFP. Concernant la question du stage, le SEW/ OGBL et l’APESS se sont montré d’accord pour former deux commissions de conciliation, l’une pour l’enseignement fondamental et l’autre pour l’enseignement secondaire et secondaire technique.

    Pour les autres points du litige, les deux syndicats demandent une conciliation simultanée avec le ministre de la Fonction publique.
  2. Les sujets du litige simultané


    1. La gestion par objectifs
      La gestion par objectifs n’est pas compatible avec la situation particulière de l’enseignement. Ces principes sont issus d’entreprises privées et restent totalement étrangers à la façon de penser et de travailler des enseignants de l’école publique.
      Ainsi notamment les questions suivantes essentielles sont restées sans réponse :
      • quels objectifs pourraient être fixés ?
      • comment transposer ces objectifs au plan individuel ?

      Les « objectifs » du travail des enseignants sont définis à court et à moyen terme par les besoins de leurs élèves. On ne pourra jamais introduire des critères de productivité et de concurrence dans le système scolaire. Les objectifs à atteindre par les élèves sont d’ailleurs déjà définis par les plans d’études.

      1. L’évaluation annuelle
        L’accord parle d’un « placement de l’évaluation au coeur de la gestion par objectifs ». Nous refusons catégoriquement ce type de gestion dans l’enseignement.

        Cette évaluation exige une forte autopromotion des écoles et des enseignants. Des efforts considérables devraient être déployés par les écoles et par les enseignants pour définir des objectifs et pour démontrer que les objectifs ont été atteints. Comme toute évaluation dans un système hiérarchisé demande un esprit de concurrence par rapport aux collègues, les écoles et les enseignants feraient la surenchère pour des projets pédagogiques spectaculaires avec le fort risque de négliger leur travail de base avec leurs élèves dans leurs classes.

        Les enseignants ont d’autres priorités. S’occuper des élèves demande tous leurs efforts et leur énergie. Il ne reste guère de temps pour s’occuper de paperasseries qui ne sont d’aucun avantage pour les enfants et les jeunes. Par ailleurs l’enseignant, par sa fonction, se trouve constamment sur la voie publique. Son travail et son engagement sont contrôlés de toute façon par les parents et les élèves. On aurait d’ailleurs du mal à trouver des critères d’évaluation. Le travail des enseignants n’est souvent pas spectaculaire, mais demande un engagement patient sans rendement impressionnant. Faudrait-il négliger cet engagement et concentrer les efforts plutôt sur des actions plus visibles ?

        Qui est-ce qui serait désigné pour mesurer ?
        Les directeurs des lycées et les inspecteurs du fondamental ont certainement autre chose à faire!

        Y aurait-t-il une chance de quantifier objectivement ? Il est bien évident qu’il est impossible de mesurer l’impact du travail des enseignants sur la réussite ou l’échec des élèves ! Monsieur Biltgen parle dans ce contexte du plan de réussite scolaire (PRS) du fondamental et du plan de développement scolaire (CDS) du secondaire en tant qu’instruments d’évaluation. On voit que le terrain a été préparé et que le SEW/OGBL a eu raison de mettre en garde devant le PRS qui non seulement gaspille les énergies des enseignants lors de son élaboration, mais qui semble maintenant dévoiler ses vrais objectifs.

        Ce système d’évaluation est non seulement inapproprié et inefficace pour le secteur de l’enseignement, mais au contraire risque de compromettre la qualité de l’école publique.
      2. L’appréciation

        La grille d’appréciation distincte pour l’enseignement montre une certaine prise de conscience de la problématique. Or le problème de l’évaluation est plus fondamentale (voir l’article « La folie évaluation »). Pour les mêmes raisons démontrées plus haut, nous n’acceptons pas cette appréciation qui conduit à la hiérarchisation des carrières que nous refusons dans l’enseignement.
    2. La hiérarchisation des carrières dans l’enseignement (création de 15% à 20% de postes à responsabilités particulières)
      Les carrières actuelles de l’instituteur et du professeur sont des carrières planes, et pour cause. Tous les enseignants exercent un travail identique dans un groupe de personnes égales, avec une même formation initiale dans la même fonction. Il faut donc favoriser l’esprit de coopération pour obtenir une atmosphère favorable pour un travail en équipe et en éloigner tout esprit de concurrence et de favoritisme. Quels pourraient d’ailleurs être ces postes à responsabilités particulières ? Comporteraient-ils des tâches en dehors du travail normal ? Faudrait-il par conséquent fuir les élèves pour décrocher ces postes mieux rémunérés ? En de quels critères se ferait l’affectation à ces postes ?

      Le rapport de la Commission des traitements aux membres du Gouvernement dit à ce sujet (p.880): « La majorité des carrières planes de l’Administration générale peuvent … être transformées en des carrières hiérarchisées. Ceci n’est cependant pas le cas pour les carrières de l’enseignement. (…) Leur particularité s’explique par le fait que le législateur à l’origine de ce classement ne voulait se fixer sur une hiérarchie dans les différents corps enseignants, les agents étant identiquement classés et leur rémunération ne fluctuant qu’en fonction de l’ancienneté de service, respectivement par l’attribution d’un grade de substitution. (…
      La Commission désire (…) proposer dans cette optique, compte tenu de la particularité des carrières de l’enseignement, de na pas les hiérarchiser..
    3. La dévalorisation des carrières « de base » de l’instituteur et du professeur

      Si la réforme, d’un point de vue financier, devra rester neutre, c’est-à-dire ne pas faire augmenter les dépenses de l’Etat, il est clair que les 25 points dont profiteront uniquement les bénéficiaires des postes à responsabilités particulières devront engendrer une réduction salariale des carrières de base.

      Des calculs effectués par nos soins révèlent effectivement une réduction salariale sur l’ensemble des deux carrières.

      Quelques imprécisions et ambiguïtés dans le texte du projet de loi ne nous permettent pas de donner des chiffres plus précis. Le SEW/ OGBL et l’APESS ont demandé les tableaux des deux carrières au ministre Biltgen. Cette requête est restée sans réponse à ce jour, malgré les promesses du ministre.
  3. Le sujet du litige séparé (entre l’enseignement fondamental et les enseignement secondaire et secondaire technique)

    La formation des enseignants du fondamental inclut déjà les stages dans les écoles et prépare les futurs enseignants de façon à ce qu’ils soient prêts à assumer leur mission à cent pour cent dès la fin de leurs études.

    Quelle pourrait alors être la formation supplémentaire au cours d’un stage de 2 à 3 ans, alors que les institutrices et les instituteurs ont déjà accompli une formation de bachelor professionnel s’étalant sur quatre ans et incluant de nombreux stages dans les écoles? Ainsi, ajouter aux stages existants trois autres années de stage avec des indemnités amputées de 20 % pendant les deux premières années et de 10 % pendant la 3e année ne peut avoir d’autres objectif qu’une réduction de la rémunération des jeunes et par conséquence une détérioration de leur carrière. Alors que celle-ci vient d’être revalorisée suite à l’allongement des études et l’attribution de nouvelles missions par la loi scolaire de 2009 dans les nouveaux barêmes, il n’est pas admissible qu’on revienne à la case départ !

    Dans l’enseignement secondaire et secondaire technique, le stage confère aux futurs enseignants la formation pédagogique nécessaire suite à leur formation disciplinaire acquise à l’université (professeurs) ou dans le cadre d’un métier (maîtres d’enseignement technique). La prolongation proposée de ce stage d’une année peut trouver l’accord des collègues du secondaire, à condition d’y incorporer la rédaction du travail de candidature et de rattraper la perte en matière d’indemnités de stage (-20,-20 et -10%) au courant de la carrière.
  4. Conclusion


    Nous demandons au ministre de la Fonction publique d’écouter nos arguments et de négocier avec nous! Nous n’acceptons pas l’application des principes de sa réforme à l’enseignement et nous ne pouvons donc entamer des pourparlers sur leur application avec la ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle. L’avis juridique que nous avons demandé au Maître Guy Thomas nous conforte dans notre démarche et dans nos revendications.