Le rapport de planification des besoins en personnel enseignant du postprimaire de 2009/2010 à 2013/2014 - principales données et commentaires (Journal 4/2009) Guy Foetz

17.09.2009

Titulaires en baisse, chargés de cours en hausse



Le rapport de planification des besoins en personnel enseignant de l'enseignement postprimaire pour la période 2009/2010 à 2013/2014, établi par une commission d'experts1, a paru en juillet 2009.

D'après ce rapport, la répartition des tâches d'après le statut des enseignants au cours de l'année scolaire 2008-2009 a été la suivante :

Tâche des enseignants par statut (2008-2009)2:



Le pourcentage des leçons assurées par les titulaires (60,21 %) a encore légèrement baissé (-0,52 %) par rapport à l'année précédente.

Certes, le nombre élevé de candidats qui ne présentent pas leur travail de candidature dans les délais (155 personnes en 2008-2009) et l'augmentation du nombre de titulaires à tâche partielle ajoutent au déficit d'enseignants titularisés. Mais ce déficit est dû avant toutes choses à une politique de recrutement insuffisante depuis des années, qui ne parvient pas à compenser les départs massifs à la retraite et l'augmentation du nombre des élèves.

Cela a eu pour conséquence que le nombre des chargés de cours est passé de 294 à 891 en 2008, et que ceux-ci assument à présent plus de 22 % des leçons dans l'enseignement secondaire et secondaire technique.

Comment le rapport voit-il les besoins futurs en personnel enseignant?



Un certain nombre de facteurs accroissent les besoins:
  • Le rapport table sur une augmentation de 750 élèves en moyenne par an 3, ce qui nécessitera la création de 460 postes supplémentaires en l'espace de 5 ans.
  • Il estime comme suit les départs à la retraite: 2009/10: 155 (!) postes (+25 postes au-delà de la prévision de juillet 2008); 2010/11: 125 postes; 20011/12: 114 postes; 20012/13: 115 postes; 2013/14: 103 postes, c'est-à-dire 612 postes au total. A noter la remarque qu' «il est à prévoir qu'en raison de la nouvelle législation concernant la retraite et le montant des pensions des fonctionnaires, la plupart des départs à la retraite seront reculés d'une à deux années dans la période quinquennale à venir. »4
  • Il tient compte d'un accroissement des congés pour travail à mi-temps et du service à temps partiel, dû en partie à l'accroissement du pourcentage d'enseignants de sexe féminin, à raison de 5 postes supplémentaires par an.
  • La construction de nouveaux établissements scolaires est un autre facteur qui tend à accroître les besoins (+10 postes par an); pour la commission d'experts, les réformes scolaires en cours ainsi que le développement de la journée continue (« Ganztagsschulen ») ne donnent pas lieu à des besoins accrus en personnel enseignant.


Parmi les facteurs qui résorbent les besoins figure d'abord la nouvelle réglementation de la tâche. Le gain en postes dû à ce facteur est chiffré à 8 postes par an, ce qui correspond à 40 postes sur 5 ans 5.
Remarquons que le rapport de planification de juillet 2008 avait totalisé 93 postes pour la période quinquennale 2008-2013 6.
En deuxième position interviennent les postes résorbés par le recrutement prévu dans le plan quinquennal arrêté par le Conseil de gouvernement du 06 février 2009, compte tenu des décharges des stagiaires lors du stage et de période de candidature. Ce plan de recrutement a prévu 200 postes pour 2008/09, 210 postes pour 2009/10, 220 postes pour 2010/11, 230 postes pour 2011/12 et 240 postes pour 2012/13, ce qui donne 1.100 postes au total.

Par « transformation CDD en CDI »(3e rubrique au niveau des postes résorbés dans le tableau ci-dessous), la commission d'experts prévoit que « chaque année, un certain nombre d'enseignants CDD n'ayant pas réussi aux épreuves du concours de recrutement obtiennent un contrat CDI et [que ] les leçons qu'ils assurent ne seront plus disponibles pour être transformées en leçons assurées par des fonctionnaires. … environ 30 postes par année ne seront plus disponibles …. »7 Voici donc actée officiellement la politique de recrutement menée depuis des années par le MENFP: en créant un nombre insuffisant de postes à l'entrée du concours d'admission au stage, le MENFP favorise l'augmentation du nombre de chargés de cours, qui malgré leur échec à l'examen-concours restent en place à durée indéterminée, mais à des conditions de travail et de rémunération inférieures. Ce qui est nouveau par rapport aux rapports précédents, c'est que la commission d'experts fait de la création de postes de chargés de cours à durée indéterminée un facteur de résorption des besoins figurant dans le rapport de planification.

Rappelons que le projet de loi no 5787 portant création d'une réserve nationale de maîtres auxiliaires pour les lycées et lycées techniques, déposé pendant la législature précédente attend toujours d'être soumis au vote des députés. Ce projet de loi officialise la carrière de chargé de cours sur la base d'un diplôme bac +3 et en offrant 60 (!) heures de formation pédagogique. Il est évident que le SEW refuse cette voie de recrutement parallèle d'enseignants du postprimaire à un niveau de formation inférieur à celui prévu pour les titulaires.

La confrontation des deux types de facteurs (d'accroissement et de résorption des besoins) conduit au tableau ci-dessous :8




Ce total des besoins se chiffrant à 307 postes en 2013/14 constitue le besoin résiduel après la réalisation du plan de recrutement quinquennal de 1.100 postes arrêté par le gouvernement début février 2009. Les auteurs du rapport en concluent: « Afin de subvenir aux besoins en personnel enseignant durant la période quinquennale à venir, un recrutement plus important que celui prévu par le plan de recrutement serait nécessaire. (…) A défaut de procéder à une correction des autres paramètres en rapport avec les besoins en personnel enseignant (augmentation des effectifs de classe, augmentation de la tâche des enseignants, diminution notable des décharges, suppression des redoublements, …), le recours à de nouveaux chargés d'éducation restera indispensable pour couvrir les besoins en personnel enseignant dans les cinq années à venir. »9

La gestion de la pénurie au niveau des différentes branches d'enseignement



En fonction du plan de recrutement arrêté le 06-02-2009 par le gouvernement, la commission a réparti comme suit les besoins prévisibles sur les différentes disciplines:10



Or, ces chiffres ne correspondent pas au recrutement effectif lors des concours.
Les auteurs du rapport de planification sont conscients de cette réalité. En effet, du fait des besoins non couverts par le programme de recrutement arrêté par le gouvernement, le rapport évoque « un recrutement supérieur aux chiffres indiqués dans les disciplines pour lesquelles les horaires prévoient un nombre élevé de leçons d'enseignement (français, allemand, anglais, mathématiques) ou dans lesquelles beaucoup de titulaires approchent l'âge de la retraite (biologie, chimie, histoire, enseignement préparatoire …) » et un recrutement inférieur « pour d'autres disciplines où le nombre de chargés d'éducation CDI est élevé (éducation artistique) ou dont le nombre de leçons d'enseignement diminuera en raison d'une réorganisation des cours (sciences économiques et sociales …) »11
Il faut dire qu'une telle gestion de la pénurie aux dépens des disciplines qui voient ainsi diminuer leur recrutement par rapport au tableau de répartition suivant les branches d'enseignement est aberrante.

Nous pensons que le nombre élevé de chargés de cours à durée indéterminée dans une branche ne peut être un facteur de blocage d'accès à la fonction pour des candidats au concours. Si le SEW s'est engagé pour régulariser la situation professionnelle des chargés d'éducation en service depuis des années, la garantie de l'emploi résultant d'un CDI ne doit pas pour autant conduire à un privilège à l'encontre de ceux qui suivent la voie régulière du concours de recrutement et du stage pédagogique.
En d'autres termes, les chargés d'éducation à durée indéterminée devraient pouvoir être déplacés dans un autre établissement ou enseigner d'autres branches !
Quant au recrutement effectif en sciences économiques et sociales, inférieur de moitié depuis plusieurs années à ce qui est prévu dans le rapport de planification, il débouchera rapidement sur une forte pénurie en raison du nombre important de départs à la retraite dans cette branche.

Un nouveau plan de recrutement légèrement en hausse



En date du 3 septembre, le Conseil de gouvernement vient d'augmenter légèrement le nombre de postes figurant dans le nouveau plan de recrutement quinquennal :

2009/10: 210 postes ( - )
2010/11: 230 postes (+10)
2011/12: 240 postes (+10)
2012/13: 250 postes (+10)
2013/14: 260 postes.

Ce plan de recrutement reste insuffisant et il faudra l'augmenter substantiellement pour tenir compte des besoins effectifs.

Guy Foetz
Professeur de sciences économiques
et sociales au LTNB
Vice-président du SEW/OGBL





1 Font partie de cette commission: M. J. Hansen (président), M. S. Koenig, Mme V. Rhein (secrétaire), M. J. Levy, M. A. Wilmes, M. G. Zens, (MENFP); M. J. Fettes (Ministère d'Etat); M. Gilles Feith (ministère de la Fonction publique et de la Réforme administrative), M. J-M. Haensel (Inspection générale des Finances); Mme G. Ditsch (Statec); M. J-M. Weber (UdL-Département de la Formation pédagogique), M. R. Bohnert (Collège des directeurs de l'ES); Mme M. Gillen (Collège des directeurs de l'EST); M. D. Weiler (professeur-attaché, expert en informatique).
2 Rapport de planification des besoins en personnel enseignant de l'enseignement postprimaire de 2009/2010 à 2013/2014, MENFP, juillet 2009, page 19.
3 Le rapport 2006-07 avait tablé sur un chiffre de 600 élèves supplémentaires par an et celui de 2007-08 sur un
chiffre de 700.
4 page 36 du rapport 2009.
5 page 39 du rapport 2009.
6 page 38 du rapport 2008.
7 pages 39-40 du rapport 2009.
8 page 44 du rapport de 2009.
9 page 45 du rapport 2009.
10 page 46 du rapport 2009.