Ne touchez pas à la cogestion! (Journal 4/2013) Patrick Arendt

A l’approche des élections, certains partis politiques relancent la discussion sur le directeur d’école. Le SEW/OGBL, défenseur de la cogestion depuis toujours, n’acceptera pas que le modèle des comités de cogestion et des comités d’école soit remis en question.
Le modèle de la cogestion représente un des aspects de la réforme du fondamental qui a été accueilli favorablement par tous les partenaires scolaires. La gestion des écoles par des comités d’école et des comités de cogestion dans les grandes communes possède l’appui d’une large majorité des enseignants. A part quelques cas isolés, les comités fonctionnent à la grande satisfaction des enseignants, des parents, des supérieurs hiérarchiques et des responsables communaux.
Lors des négociations menant à la reforme du fondamental, le SEW/OGBL s’est fait le héraut du modèle de la cogestion. Faut-il rappeler que la cogestion n’a pas été « inventée » pour cette réforme, mais que les premiers comités de cogestion (Luxembourg- Ville, Steinfort) existent déjà depuis une trentaine d’années. A cette époque, le délégué du personnel enseignant se retrouvait entre le marteau et l’enclume, d’un côté il devait répondre aux exigences des autorités communales et de l’autre côté défendre les intérêts des enseignants. Cette tâche était devenue presque mission impossible, voilà pourquoi les enseignants s’organisèrent en comités de cogestion pour faire entendre la voix des enseignants aux partenaires scolaires.
La loi de 2009 fournit enfin la base légale aux comités qui s’étaient rapidement multipliés au niveau national et qui s’étaient même organisés dans la fédération des comités de cogestion FCEEL. La loi scolaire de 2009 a placé les enseignants sous la tutelle du ministère de l’Education nationale. Dorénavant les nominations se font par le ministère et par les communes. Le législateur n’a cependant pas eu le courage de transférer toute l’autorité sur l’enseignement fondamental à l’Etat.
Cette situation engendre des relations parfois ambigues entre d’un côté les communes et de l’autre côté le ministère, représenté par l’inspecteur du ressort. Heureusement les enseignants peuvent s’appuyer sur les comités pour faire entendre leur voix. Les comités sont le garant d’un minimum d’autonomie des écoles et contribuent à responsabiliser le personnel enseignant.
Ce modèle du « bottom-up » a fortement contribué au bon fonctionnement de l’enseignement, notamment pour pallier les nombreuses défaillances de la réforme scolaire et de sa mise en oeuvre.
Même s’il y a eu beaucoup de tentatives d’instrumentalisation des comités, les présidents des comités de cogestion et des comités d’école se considèrent toujours comme les représentants des enseignants et permettent aux équipes pédagogiques de formuler leurs critiques et leurs suggestions par rapport aux instructions du ministère.
Malheureusement, certains partis politiques s’obstinent à réclamer le modèle du « top-down » par la mise en place d’un directeur d’école. (Curieusement ces partis se prononcent souvent contre une hiérarchisation de la carrière des enseignants.) Ce directeur est souvent présenté comme le remèdemiracle qui a lui seul résoudra tous les problèmes de l’enseignement fondamental.
Il est vrai que les écoles ont besoin d’une personne identifiable pour les relations entre les enseignants, les parents, la commune et les associations à l’extérieur de la vie scolaire. Pour cela: point besoin d’un directeur, il s’agit d’une des missions du président du comité.
Il en est de même pour les relations entre les parents et les enseignants: sollicité par des parents, le président (re)met dans un premier temps les parents en contact avec le titulaire de la classe. Si le différend ne peut pas être réglé, ce sera la mission du supérieur hiérarchique (l’inspecteur du ressort) de trouver une solution.
Les propositions pour l’organisation scolaire et la répartition du budget de l’école sont en règle générale discutées et élaborées par les membres du comité. Ces propositions viennent par conséquence des enseignants qui en sont le plus concernés et qui en portent bien sûr la responsabilité par rapport aux partenaires scolaires.
Il est évident que des actions et projets pédagogiques trouveront toujours le meilleur consentement parmi ceux qui les ont proposés eux-mêmes. Le directeur d’école pourrait s’occuper du travail administratif et désencombrer les enseignants. Il est vrai que la charge administrative surtout du président s’est alourdie considérablement les dernières années. Or point besoin d’un directeur pour des tâches administratives, il suffit d’engager une aide administrative pour les comités.
Le dernier argument en faveur d’un directeur d’école, c’est d’avoir une gestion plus professionnelle des écoles. Voilà le biais trouvé par le professeur Tröhler, qui dans son bilan provisoire de la réforme a confirmé le prestige et la grande satisfaction de tous les acteurs avec le modèle de la cogestion et qui voudrait bien, semble-t-il, pouvoir soutenir un revirement éventuelle du nouveau ministre en ce qui concerne la gestion des écoles.
Les présidents des comités seraient certainement prêts à participer à des formations continues pour « professionnaliser » leur gestion de l’école. Encore faudrait-il d’abord écarter le risque de concentrer tout le travail et la responsabilité de la gestion scolaire sur les seules épaules du président en minimisant et en ignorant même le rôle important des autres membres du comité et en même temps garantir que le choix du président du comité ne pourrait jamais être lié à la condition d’une formation continue avant la candidature.
Un des grands atouts des présidents reste le fait que leur grande majorité n’a qu’une décharge de quelques leçons pour cette fonction, sa mission première est toujours l’enseignement.
Aucun des partis politiques qui se prononcent pour le directeur d’école, n’a d’ailleurs pu définir la répartition des compétences entre le directeur d’école et la commune. Il est fort improbable que les députésmaires votent pour une loi qui supprime tous leurs droits d’ingérence dans l’école fondamentale. Le directeur se limiterait par conséquence à faire des propositions quant à d’organisation scolaire, la répartition de budget, les infrastructures scolaires et le personnel non enseignant des écoles.
Le directeur serait surtout le bras droit du ministère dans les écoles et veillerait à transmettre les instructions du ministère et des inspecteurs. Les enseignants se verraient réduits à de simples exécutants qui n’auraient plus leur mot à dire. Partageant la même logique que le système d’évaluation des fonctionnaires, applicables aussi aux enseignants, proposé par la réforme de la Fonction publique, le directeur représenterait une autre pierre angulaire d’une politique qui vise à contrôler les enseignants et à rendre très difficile voire impossible toute forme de contestation.
Pour le SEW/OGBL, notre modèle de cogestion, où les comités d’école ont leur mot à dire et ne peuvent pas être réduits à des organes consultatifs dont l’influence dépend de la bonne volonté d’un directeur, comme c’est actuellement le cas au secondaire, ne doit en aucun cas être remis en question.

Patrick Arendt