L’évaluation Un premier bilan des nouveaux bilans (

12.10.2010

Tout au long de leurs quatre années d’études, on ne cesse de faire intérioriser l’évaluation formative par les étudiants en sciences de l’éducation de l’uni.lu. On insiste sur une évaluation des progrès de l’élève et fait en sorte que les futurs enseignants respectent le rythme d’apprentissage de l’élève. Mais, à la fin de leurs études et juste avant leur affectation, les nouveaux enseignants se voient confrontés à la dure réalité de la vie professionnelle: ils doivent affronter un examen concours où ils sont notés au dixième de points avant d’entrer quelques semaines plus tard dans les écoles et y pratiquer l’évaluation formative. Alors Mme Delvaux veut-elle d’une façon subversive contrecarrer le modèle individualiste, égocentrique voire égoïste qui s’est introduit partout dans le monde professionnel?
Or rien n’est moins sûr.


Le modèle d’évaluation choisi détermine les objectifs, les contenus et les méthodes pédagogiques de tout système éducatif. Le SEW/OGBL s’est exprimé clairement pour une évaluation formative. Il soutient donc le principe de la nouvelle évaluation.

Mais analysons d’abord si le système actuel est vraiment cohérent en soi. Le message du MEN aux parents est univoque: chaque élève a le droit de suivre son propre rythme d’apprentissage. Est-ce vrai ou y a-t-il des pièges à éviter?

Au début du cycle 3 les élèves subissent des épreuves standardisées. A ce moment, les élèves, l’enseignant et l’école sont comparés à une moyenne nationale. Imaginons que les résultats d’une classe soient inférieurs à ceux d’une classe d’une commune d’un arrière-fond social identique. Va-t-on féliciter l’enseignant d’avoir respecté le rythme de ses élèves ou n’aura-t-il plutôt le feedback d’améliorer la « qualité » de son enseignement?

La même situation, mais encore plus grave, se présente lors de la procédure d’orientation (la notion de «sélection» est toujours évitée). Les épreuves standardisées qui ont acquis de plus en plus d’importance, (de sorte qu’à devenir presqu’un nouveau examen ou concours d’admission) ne tolèrent plus de rythme d’apprentissage plus lent. A ce moment précis, les élèves sont tout simplement comparés au niveau national et comme d’habitude, selon un pourcentage à peu près identique chaque année, ils sont répartis dans les différents ordres d’enseignement secondaires.

C’est au plus tard à ce moment que l’évaluation formative perd tout son sens, mais devient au contraire une mesure socialement injuste. Les parents autochtones ayant acquis un certain de niveau d’éducation connaissent très bien les exigences de notre système scolaire. Ils sauront aisément interpréter les résultats scolaires de leur progéniture et parer rapidement à d’éventuelles lacunes. Tandis que les parents émanant de couches sociales moins aisées auront beaucoup plus de difficultés à guider la carrière scolaire de leurs enfants.

Est-ce que les informations des bilans intermédiaires sont assez pertinentes pour éviter ces pièges. Apparemment non, car assommés par l’impressionnant nombre d’items qui leur sont présentés lors des réunions pour les bilans intermédiaires à la fin de chaque trimestre, les parents posent presque tous la même question sur le niveau général des compétences et des performances scolaires de leur enfant. Et si la question du niveau de compétence à atteindre pour entrer dans un secondaire classique se pose déjà dès le cycle 3 voire plus tôt pour les parents, et ceci pour un nombre confus d’items, ne risque-t-on pas d’augmenter la pression et le niveau de stress pour certains élèves et de compromettre éventuellement la carrière scolaire des autres qui n’en sont même pas conscients. Le SEW/OGBL demande donc de définir et de formuler clairement les critères requis pour les différents ordres d’enseignement et donner une appréciation globale des performances d’un élève. Sinon il y a un grand risque que tout le système d’évaluation ne trouve pas le consentement des parents ni d’ailleurs des enseignants.

L’élaboration des bilans intermédiaires engendre un travail considérable pour les enseignants. Ils passent des heures et des heures à remplir les grilles des socles de compétences et doivent quand même se rendre compte qu’une objectivité de l’évaluation ne peut être atteinte.

Le grand nombre d’items et l’hétérogénéité du niveau des compétences des élèves vont faire en sorte qu’en réalité certains élèves ne vont pas beaucoup évoluer sur certains items au cours d’un trimestre ou même au cours de l’année scolaire. Dû au grand nombre d’items et à la courte durée entre la présentation des bilans intermédiaires, l’enseignant va devoir marquer qu’il n’y pas eu de nouvelles acquisitions de compétences et ainsi s’exposer à la critique d’avoir négligé certains élèves.

L’enseignant va investir beaucoup de temps précieux pour faire l’évaluation et se retrouver quand même dans l’impossibilité de présenter des preuves ou des indices pour son appréciation.

Le SEW/OGBL demande donc d’abolir les épreuves standardisées, de revoir le système des items des bilans, de réduire considérablement le nombre des items et de se limiter à des bilans semestriels. Quant aux bilans de fin de cycle qui pour le cycle 4 sont présentés après l’avis d’orientation et ne représentent donc plus aucun intérêt, le SEW/ OGBL demande de les abolir pour tous les cycles ou de les substituer aux derniers bilans intermédiaires du cycle.

Patrick Arendt