Editorial: Journal 5-2006: Des réformes par quels moyens ? (Monique Adam)

22.11.2006

Dans notre précédent éditorial, nous exigions des réformes bien réfléchies et partagées, aujourd'hui malheureusement nous devons tirer la sonnette d'alarme. La préoccupation primordiale du ministère de l'Education nationale semble se résumer de plus en plus à la question suivante: Comment faire évoluer un nombre croissant d'élèves aux moindres frais à travers le système scolaire ?

Cela peut se lire dans le projet de budget des dépenses courantes de l'Éducation nationale pour 2007 dont l'évolution décroche de plus en plus par rapport à l'évolution du budget courant total et ceci malgré une évolution du nombre d'élèves toujours en forte croissance. Seules les écoles privées semblent échapper aux restrictions.

Cela continue dans l'avant-projet de loi relative à l'obligation scolaire qui stipule qu'un élève âgé de treize ans ou plus ne peut pas suffire à l'obligation scolaire dans l'enseignement primaire, à moins d'y avoir été autorisé par le ministre. Rappelons qu'un élève ayant bénéficié d'un sursis en début de scolarité ou ayant redoublé une année atteint normalement l'âge de treize ans au cours de la 6e année d'études. Il n'est pas dans notre intention de faire un plaidoyer pour le redoublement, mais face à des programmes surchargés et en l'absence d'un véritable appui individualisé pour les élèves en difficulté, un redoublement peut paraître souvent comme le dernier recours pour un élève en difficulté.

N'avions-nous pas espéré que la définition de socles de compétences allait enfin alléger nos programmes ? Néanmoins, ce qui se prépare actuellement au niveau du primaire n'est qu'une transcription des objectifs actuels avec le but déclaré d'y appliquer des épreuves standardisées pour contrôler les acquis des élèves. Si l'on sait par ailleurs que ces épreuves sont destinées à entrer dans l'évaluation des écoles, on peut aisément imaginer ce que cela générera comme stress dans nos classes. Où prendrons-nous le temps d'aider efficacement les élèves en difficulté ? Où sont les moyens pour fournir un appui individualisé ? Il est bien prévu du personnel socio-éducatif, mais son attribution semble soumis à toute une procédure bureaucratique par la CMPP et seulement pour les élèves qui n'ont pas réussi à atteindre les objectifs du cycle dans le temps imparti. Pourquoi ne pas apporter l'aide au moment où les premières difficultés se font ressentir et où elle est la plus efficace ?

Alors que jusqu'à présent les communes étaient libres d'établir leur organisation scolaire, l'avant-projet de loi concernant l'organisation de l'enseignement primaire prévoit l'établissement d'un contingent de leçons d'enseignement mis à disposition par le ministre. Voilà le moyen des comptables de restreindre les moyens loin des réalités concrètes du terrain. On doit espérer que les communes seront assez vigilantes pour défendre leur autonomie communale afind'être capables de répondre aux besoins réels de leurs écoles.

Les mille et une missions de l'enseignant sont de plus en plus tournées vers l'extérieur: documenter le travail des élèves, faire passer des tests, informer les parents d'élèves et les diverses autorités. Partout on retrouve de nouvelles missions en rapport avec l'établissement de rapports pour l'Agence qualité ou encore des délégués à la formation continue. Tout se passe comme si l'organisation de la classe, la préparation des cours et des différentes activités des élèves, la correction des devoirs étaient des occupations démodées qui n'ont plus leur place dans nos écoles. Parions cependant qu'ils ont plus d'influence sur la qualité des apprentissages que les statistiques et les rapports d'activités.

Les moyens mis en oeuvre actuellement par le ministère visent tous la maîtrise des coûts par le contrôle bureaucratique des activités pédagogiques. Or les ressources utilisées pour la mise en place des instruments de contrôle manquent cruellement à l'action pédagogique.

Monique Adam