Campagne contre le concours: Apprendre la Bourse

Apprendre la Bourse - Ne participons plus à ce concours !
Malgré la dérive financière actuelle, due en grande partie aux spéculations boursières, les organisateurs du concours « Apprendre la Bourse » persistent et signent: l'édition 2009 est annoncée sur le site web de la Banque et Caisse d'Epargne de l'Etat (BCEE) pour la période du 05 octobre au 15 décembre de cette année.

La Commission Européenne soutient « Apprendre la Bourse » parce que « la connaissance des affaires financières devient de plus en plus importante » et qu'« en participant à < Apprendre la Bourse > les jeunes peuvent appliquer la connaissance acquise. »
Si le concours en question connaît un franc succès parmi les lycéens, cela est certainement dû tant au soutien de la part de nombreux professeurs d'économie qu'aux cadeaux distribués aux participants..
Voici à titre d'exemple la liste des prix offerts par la BCEE aux gagnants du concours 2009:
1er prix: | 300 EUR pour chaque participant + participation à une rencontre-évènement européenne réunissant la meilleure équipe de chacun des pays participants au printemps 2010 |
2e prix | 250 EUR pour chaque participant |
3e prix: | 200 EUR pour chaque participant |
4e - 6e prix: | 125 EUR pour chaque participant |
7e -10e prix | 65 EUR pour chaque participant |
Les équipes lauréates des 7 pays participants du concours 2008 sont invitées à Luxembourg, au mois de mars 2009, pour partager un week-end européen. La remise de prix est organisée par la Banque et Caisse d'Epargne de l'Etat de Luxembourg en compagnie de Jörgen Holmquist, Directeur général du Marché intérieur à la Commission Européenne.
Au Luxembourg, l'équipe « E-Unit » a remporté le concours 2008 avec un portefeuille d'une valeur de 89.873,80 euros, se classant 2e parmi les 7 pays concurrents. En d'autres termes, elle a « gagné » 39.873,80 euros en 70 jours, ce qui équivaut à une rentabilité annuelle de 410 % par rapport aux 50.000 € initiaux ! De quoi donner le vertige et faire croire à ces jeunes que spéculer en bourse vaut vraiment le coup.
Or, c'est bien là que le bât blesse ! Comment peut-on faire entrer dans nos salles de classe l'idéologie du profit et de l'argent facile et y parler en même temps d'éthique, de solidarité et de goût de l'effort ?
Depuis que la crise financière et les méfaits de la spéculation boursière sont devenus patents, les organisateurs du jeu ont cru bon ajouter à leur communiqué de presse que « ce concours contribue à la préparation des jeunes aux questions de demain, en faisant place aux notions de développement durable, de gouvernance et de transparence financière. » De qui se moque-t-on ?
Nous disons que l'organisation de ce jeu participe à l'offensive idéologique et économique que subit notre système éducatif et aux conditionnements auxquels sont soumis les jeunes au sein même de l'Ecole. Pour nous, la neutralité scolaire est ouvertement bafouée par ce prétendu outil pédagogique et nous demandons aux professeurs de sciences économiques de ne plus y participer avec leurs classes.
Le Comité secondaire du SEW/OGB-L
Le concours « Apprendre la Bourse » hors de nos écoles !
Dans notre société de consommation et de marché, l'économie est omnipotente et devenue le critère de gouvernement dominant. Des principes vitaux pour la collectivité et la vie sur terre, comme les relations sociales, la répartition des richesses, la préservation de l'environnement, sont considérées comme des « externalités ». Trop souvent, seuls comptent l'argent et le profit, avec pour règle d'or la recherche de rentabilité maximale et l'individualisme.
Or, comme l'attestent la progression des inégalités dans le monde et la dégradation continue de l'environnemente et comme le montre la crise actuelle, la somme des intérêts individuels ne fait pas l'intérêt général,.
Effets pervers
Des entreprises rentables, mais dont les taux de profit / dividendes ne sont jamais assez élevés pour les actionnaires, baissent leurs coûts par leur politique de l'emploi et par l'exportation de leurs activités polluantes: pression sur les salaires, licenciements, sous-traitance, délocalisations, travail à bas prix dans des pays moins réglementés, dans des conditions inhumaines et non démocratiques.
Les exemples en sont nombreux. Parmi les plus connus ces dernières années, on pourrait citer: Danone, Michelin, Renault, Marks & Spencers, Elth, Union Carbide (Bhopal).
La manipulation à grande échelle des comptabilités d'entreprises pour ne pas compromettre les cours en bourse est devenue une règle de gestion usuelle, comme l'ont montré des scandales récents: Enron, Worldcom, le Crédit Lyonnais, Vivendi, etc. L'opacité des méthodes de gestion et les implantations multiples dans les paradis fiscaux, pour échapper à l'impôt sur les sociétés et masquer les pertes, affaiblissent les États et alimentent les circuits de financement de la criminalité internationale. Par ailleurs, des pressions considérables sont exercées sur les institutions nationales et internationales, par le recours au lobbying et à la corruption de personnels politiques, pour obtenir toujours plus de libéralisation et toujours moins de contrôle démocratique.
A force de libéraliser et de laisser libre cours à la libre circulation du capital et à la spéculation, ceux qui nous gouvernent ont préparé le terrain à la crise financière actuelle que nous vivons et qui est en train de se répercuter sur l'économie tout entière.
Opportunisme commercial
Alors que l'on constate dans le monde entier le creusement des inégalités et les effets pour l'environnement d'un système économique inhumain, le jeu « Apprendre la Bourse » légitime et banalise cette logique auprès des jeunes. C'est la loi du plus fort et de la jungle économique qui est mise en avant.
À l'heure où les salariés, les petits porteurs et les épargnants sont floués par les scandales à répétition de débâcles d'entreprises à comptabilité frauduleuse et impliquées dans les réseaux de criminalité financière pour maintenir la confiance des investisseurs et leurs cours en bourse, est-il acceptable que nos jeunes apprennent, dans leur école, sous une forme ludique et pédagogique, que le boursicotage serait simple comme un jeu d'enfant, en le déconnectant des effets pervers ?
Pour le secteur bancaire, c'est surtout une formidable occasion de marquer les esprits et de sensibiliser de futurs clients potentiels, et dès maintenant les enseignants et les parents d'élèves - ainsi d'ailleurs que les jeunes eux-mêmes, auxquels des produits bancaires sont proposés dès l'âge de 12 ans.
Malaise dans la société
Le culte de la performance économique à tout prix constitue une pression psychologique considérable sur l'ensemble de la société, en renforçant les principes de concurrence et d'individualisme. Avec pour résultat: crise économique et financière, résignation, dépressions, violence, suicides et exclusion, psychotropes pour ceux qui cherchent à rester dans la danse et à être les meilleurs, prisons dorées pour les vedettes d'un star système de l'argent et des biens matériels.
L'État résigné et complice
Que le Ministère de l'Éducation Nationale accepte ce jeu dans les écoles postprimaires, est bien révélateur du renoncement de l'État face aux puissances économiques. Déjà trop de kits pédagogiques et autres dispositifs équivalant à de la publicité déguisée permettent à des entreprises de marquer durablement les esprits des futurs consommateurs.
Marchandisation de l'enseignement
L'entrée des entreprises privées dans les écoles est une atteinte à la neutralité de l'école. Elle préfigure ce que deviendra l'école si l'État ne met pas un coup d'arrêt aux négociations de l'AGCS (Accord général sur les services) en cours de négociation dans le cadre de l'OMC (Organisation mondiale du commerce). Dans cette logique, la Commission européenne s'efforce également d'entraîner l'Europe vers la marchandisation des services publics, en conformité avec le traité de Maastricht, qui revient à soumettre toute activité à la concurrence, donc à la loi du profit de quelques-uns plutôt qu'au contrôle des citoyens.
L'Ecole doit former des citoyens responsables et solidaires, et non des consommateurs, des boursicoteurs et des salariés bien-pensants, aux réflexes marchands.