Organisation scolaire pour l’année scolaire 2011/2012: L’enseignement par compétences – il faut enfin discuter des fondamentaux! (Guy Foetz) Journal 3/2011

Organisation scolaire pour l’année scolaire 2011/2012
L’enseignement par compétences – il faut enfin discuter des fondamentaux!
Les «Réflexions autour de l’évaluation aux classes inférieures de l’ES et de l’EST», affichées sur le site du MENFP ont fait l’objet d’un communiqué du SEW reproduit dans ce journal. Le contexte est donné dans le document de réflexion: «tous les pays suivent la même voie», ce qui soutient notre thèse que la mise en place de l’enseignement par compétences est avant tout une politique orchestrée par l’OCDE et appliquée dans les différents pays de l’UE.
A l’occasion d’une entrevue avec la ministre de l’Education nationale, celle-ci a considéré que les «réflexions» ne sont qu’une base de discussion. Ouvrons donc la discussion, mais pas uniquement au sujet d’une méthode absurde d’ajustement entre les résultats issus d’une évaluation par compétences et ceux provenant d’une notation sur 60 points! Il faut enfin mettre à l’ordre du jour l’opportunité de l’enseignement et de l’évaluation par compétences tout court!
Le SEW n’a pas d’opposition de principe contre l’enseignement par compétences, qui peut effectivement présenter des avantages, s’il est clairement circonscrit. Mais il devient de plus en plus apparent pour nous que notre système d’enseignement tout entier tend à y être subjugué d’une manière inacceptable!
Dans l’enseignement fondamental, où il s’agit d’apprendre des habiletés fondamentales aux enfants, comme lire, écrire, calculer, l’enseignement et l’évaluation par compétences peut trouver un champ d’application adéquat; il en est de même dans l’enseignement professionnel lorsqu’il s’agit de préparer les élèves ou apprentis à des tâches concrètes.
Chaque fois par contre que des connaissances non directement liées à une action sont en cause, l’enseignement et l’évaluation par compétences doivent être relativisés. C’est le cas pour l’apprentissage par coeur des tables de multiplication, d’un vocabulaire ou des formes de conjugaison d’un verbe à l’école fondamentale, tout comme pour la transmission des éléments de base en Histoire, Géographie, Littérature, Économie ou encore Comptabilité.
Les responsables du MENFP déclarent sans cesse que connaissances et compétences sont intimement liées. Comment expliquent-ils alors que dans lesdites réflexions, ” le niveau atteint en fin de cycle ne se déduirait pas nécessairement d’un calcul de moyenne de notes obtenues au cours des différents semestres (!), mais décrirait le niveau atteint par l’élève en fin de cycle”? A titre d’exemple cela reviendrait pour l’Histoire à négliger la partie “Révolution Française” rencontrée au 2e trimestre au profit de la partie “Industrialisation”, traitée au 3e trimestre ! A moins d’organiser une sorte d’examen en fin d’année scolaire regroupant toute la matière traitée! Ou de considérer que “les connaissances, la maîtrise de concepts théoriques ou les savoirs-faire pratiques ne doivent plus être, en soi, des objectifs d’apprentissage et que seule compte la capacité de l’élève de mobiliser ces ‘outils’ dans des situations inédites”, comme l’écrit Nico Hirtt.
La réforme de l’enseignement professionnel montre l’aboutissement de la voie choisie. Les contenus des modules sont tellement vagues qu’un corpus commun n’est plus assuré, mais qu’il dépend du lycée technique ou même du titulaire, quel bagage est réellement transmis. Or, du fait que la nouvelle loi de formation professionnelle ne prévoit plus d’examen final au niveau national, on se demande ce que vaut encore un diplôme sous ces conditions?
Une autre matière à discussion est l’évaluation des compétences personnelles ou sociales comme “travailler en autonomie”, “communiquer” ou encore “coopérer avec d’autres personnes”. Alors que ces “compétences” sont cruciales, leur évaluation est non seulement extrêmement difficile, mais aussi empreinte de subjectivisme et elle risque d’empiéter sur des domaines plutôt intimes.
Concrètement: si l’école doit encourager un élève à coopérer avec ses condisciples, nous ne pensons pas qu’elle doit en faire un élément de promotion ou qu’elle doit documenter cette “compétence” sur un bulletin scolaire, dévoilant ainsi sur un document officiel un trait de caractère personnel, cela contrairement aux principes déontologiques les plus élémentaires. Il devient urgent de faire la part des choses et de tracer clairement les limites de l’enseignement et de l’évaluation par compétences!
Extraits du document de travail en relation avec les “Réflexions autour de l’évaluation aux classes inférieures de l’ES et de l’EST” ![]()
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Le savoir réduit au rang d’instrument et la disparition d’un corpus commun de culture citoyenne“Le problème majeur c’est que l’approche par compétences réduit le savoir au rang d’instrument. Les programmes basés sur cette vision affirment que les connaissances, la maîtrise de concepts théoriques ou les savoirs-faire pratiques ne doivent plus être, en soi, des objectifs d’apprentissage. Seule compte la capacité de l’élève de mobiliser ces “outils” dans des situations inédites. Bien sûr, il est impossible d’atteindre ou d’exercer de telles compétences sans également maîtriser des savoirs. Mais lesquels ? D’un élève à l’autre, d’un professeur à l’autre, d’un établissement à l’autre, ils seront extrêmement différents. Et ce qui va déterminer ces différences, c’est notamment le bagage de connaissances avec lequel les élèves arrivent à l’école, bagage acquis dans leur milieu familial, donc fortement lié à leur origine sociale. L’approche par compétences est ainsi fortement génératrice d’inégalité. De plus elle conduit à abandonner l’idée, à mes yeux cruciale, de formuler un corpus commun de culture citoyenne.” Nico HIRTT, enseignant agrégé en physique et mathématique dans le Brabant Wallon |
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La conférence du 17 mars 2010 avec Nico HIRTT au sujet de l’enseignement par compétences avait été un énorme succès. Malgré le refus du SCRIPT d’inscrire cette conférence dans son programme de formation continue, plus de 250 enseignantes et étaient venus entendre un son de cloche différent de celui propagé par la “pensée unique” des pédagogues conviés par le MENFP. |
Compétences personnelles et sociales inscrites dans des modules du DAP et du DT![]() ![]() Au-delà du ridicule qui s’attache à la formulation de certaines de ces “compétences”, leur évaluation pose problème à deux niveaux, celui de l’objectivité d’une part et celui du secret professionnel d’informations personnelles sur les élèves d’autre part. |