La banalisation de la parole raciste et irrespectueuse – un poison pour notre jeunesse, qui met en danger les fondements de notre société

12.10.2015

Ces dernières années, nous devons malheureusement constater une prolifération de propos racistes et irrespectueux par un nombre croissant de personnalités de notoriété publique, que ce soit à l’étranger ou au Luxembourg. Cette banalisation de la parole raciste et irrespectueuse risque d’avoir des conséquences néfastes sur le comportement de certains de nos jeunes, déjà fragilisés par la politique néolibérale qui s’est propagée partout en Europe et dans le monde.

Pourquoi le Luxembourg en serait-il exempt ?


« Moien du Aasch, bass du och elo héi », tels ont été les mots de bienvenue du député chrétien social Michel Wolter adressés au député Déi Lénk Justin Turpel le 13 novembre 2013 lors de l’assermentation de ce dernier à la Chambre des Députés.

« L’air est rempli des puanteurs que dégagent les cortèges quotidiens de mendiants dégueulasses, insolents qui, grâce aux largesses des intelligents accords de Schengen, nous viennent, sans aucun contrôle, de la lointaine Roumanie. (…) Personne ne s’occupe de cette racaille ». Tels ont été les propos récemment proférés par « l’éminent » Maître Gaston Vogel sur des mendiants roumains à Luxembourg-Ville.

Ces exemples ne sont pas des cas isolés. De plus en plus de personnalités du monde politique, économique, médiatique et culturel se laissent tenter par des paroles irrespectueuses et populistes, respectivement ouvertement racistes et xénophobes – jusqu’ici l’apanage de quelques énergumènes classés, pour l’essentiel, sur l’extrême-droite de l’échiquier politique.



Nicolas Sarkozy, un exemple à ne pas suivre

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Comment exiger des parents et des enseignants d’éduquer les jeunes au respect et aux bonnes manières si, le soir à la télévision, ils écoutent le Président de la République vociférer des « Casse toi, pauv’ con » à qui veut l’entendre.

Christiane Taubira1 et Cécile Kyenge2 ou la malchance d’être de peau noire et femme en même temps

Comment exiger des parents et des enseignants de faire comprendre et de faire accepter aux jeunes le « vivre ensemble » dans une société multiculturelle, de leur faire comprendre le sens et l’importance de la notion de « l’égalité des sexes », si, en même temps, des femmes ministres italiennes et françaises, par le seul fait de la couleur de leur peau, sont traitées publiquement d’Orang-outang, respectivement de guenon par d’illustres personnages publics.

jb_02.jpgAlors que les propos d’Anne-Sophie Leclère, candidate Front National en Ardennes, « Je préfère voir Christiane Taubira dans un arbre que la voir au gouvernement » et son photomontage sur Facebook, comparant Mme Taubira à une guenon, sont totalement déplacés maissomme toute presque compréhensible de la part d’une candidate de ce parti d’extrême-droite, c’est l’effet boule de neige que ces propos ont provoqué dans les réseaux sociaux – et donc aussi et surtout auprès de beaucoup de jeunes – qui est le plus choquant. En effet, des semaines après quela présidente du Front National s’est publiquement excusée pour ce faux-pas et que la candidate FN en Ardennes a été exclue des listes électorales, le photomontage a continué à circuler et à être soutenu massivement. Les réseaux sociaux et Internet, par le fait qu’ils favorisent une expression spontanée et anonyme, donnent ainsi l’occasion à une foule de jeunes et de moins jeunes de se défouler sur leurs obsessions refoulées au quotidien, présentant ainsi un miroir toujours grossissant de ce type de propos.

Le même phénomène a été observé en Italie, où Cécile Kyenge a été traitée d’orang-outan par Roberto Calderoli, qui, tout en étant dirigeant du parti d’extrême-droite « Lega Nord », est pourtant aussi vice-président du Sénat italien et donc une personnalité politique et publique d’une certaine importance.



Toujours et encore la politique du bouc-émissaire


Pour revenir à des personnages dits plus fréquentables, que dire alors de Gilles Bourdouleix, maire UDI3 de Cholet qui, en tenant des propos sur les gens du voyage, a parlé d’Hitler « qui n’en aurait peut-être pas tué assez ». Ou encore d’un Luc Jousse, maire UMP4 de Roquebrune-sur-Argens, qui a déclaré, lors d’un incendie dans une caravane habitée par des Roms, « ce qui est presque dommage, c’est qu’on ait appelé trop tôt les secours ».

jb_03.jpgMais il ne faut pas forcément être de droite pour se distinguer sur le terrain des propos déplacés. La gauche aussi sait s’y mettre quand il le faut. N’est-ce pas Manuel Valls, alors Ministre de l’Intérieur, qui parlait en 2013 de «l’'impossibilité, sauf pour quelques familles, d'intégrer ces populations dont les modes de vie sont extrêmement différents des nôtres et entrent en confrontation avec les populations voisines ».

Il s’agit là très typiquement d’une campagne populiste qui joue, sans vergogne, sur la peur de l'étranger et fait des Roms, en les stigmatisant, des boucs émissaires parfaits. Par ces paroles, leurs auteurs créent un sentiment de rejet, exhortent quasiment à la violence, à la haine et à la discrimination raciste. Mais en montrant du doigt - surtout en tant que personne prétendument respectable – toute une population étrangère, en stigmatisant une population ethniquement étiquetée, en la jugeant incapable de s'intégrer, quelle est l’image qui est ainsi donné à notre jeunesse ? Si un maire, un député, un ministre peuvent se permettre cela …. pourquoi pas nous, doivent de demander beaucoup de jeunes.

Terminons notre liste d’exemples, non exhaustive, par Donald Trump, candidat républicain à la présidence des Etats-Unis, qui, dans une de ses multiples interventions publiques, vient de déclarer que « lorsque le Mexique nous envoie ses gens, il n'envoie pas les meilleurs éléments. Il envoie ceux qui posent problème, qui apportent avec eux la drogue et le crime. Ce sont des violeurs ». Ce que les Roms sont pour les uns, les Mexicains le sont pour les autres. Les méthodes de discrimination et de stigmatisation, elles, restent les mêmes.

Un cocktail des plus explosifs


Par leurs déclarations, certains hommes et femmes politiques et autres personnalités de notoriété publique légitiment la parole irrespectueuse et raciste. Du coup, des jeunes s’y sentent aussi autorisés, il y a la gêne qui disparait, il y a les digues qui tombent.

jb_04.jpgCombiné à une politique néolibérale qui a fait son entrée en milieu scolaire, avec sa vision de l’éducation réduite à la seule notion d’employabilité, délaissant de plus en plus le côté humaniste de l’enseignement et la préparation des jeunes à devenir des citoyens critiques et éclairés ; combiné à une augmentation constante du chômage des jeunes et de la pauvreté qui s’ensuit ; combiné à une prolifération des intégrismes religieux de tous bords, la banalisation de la parole
irrespectueuse et raciste est une pièce supplémentaire à la mosaïque poussant à la dérive de nombreux jeunes.

Voici un cocktail des plus explosifs qui mine les fondements de notre société.





Jules Barthel







1 Garde des Sceaux, Ministre de la Justice française
2 Ancienne Ministre de l’Intégration italienne en 2013/14
3Union des Démocrates et Indépendants, parti français de centre-droit créé par Jean-Louis Borloo en 2012
4 Union pour un mouvement populaire, parti français de droite, aujourd’hui renommé « Les Républicains »