Des élèves en manque d’attention et des enseignants submergés par la bureaucratie

Des élèves en manque d’attention et des enseignants submergés par la bureaucratie
On s’en doutait: si l’on crée des structures hiérarchiques supplémentaires, elles génèrent du travail de documentation pour les subordonnés. C’est ce qui est en train d’arriver à l’enseignement fondamental.
Alors que les effectifs de classe sont en croissance, lentement mais sûrement, en accord avec l’application progressive du contingent.
Alors que le besoin d’attention des élèves explose, par manque d’adultes disponibles pour prêter une oreille attentive.
Alors que les titulaires de classe ont à s’occuper de mille détails en même temps.
Alors qu’ils savent que le moindre refroidissement d’un enseignant entraîne, faute de remplaçants, la répartition des élèves sur plusieurs classes.
Alors que les réunions s’accumulent dans tous les domaines : plénières de l’école, concertations de cycle, réunions de service avec la direction de région, concertations avec les foyers scolaires, crèches et maisons relais, concertations avec des intervenants externes : psychologues, professeurs de logopédie, orthophonistes, assistantes sociales, pédagogues curatifs, spécialistes en psychomotricité, etc., etc.
Alors que les consultations pour parents s’allongent et se multiplient.
Alors que la gestion de l’agenda ressemble de plus en plus à un casse-tête insoluble. Alors qu’il y a de plus en plus d’informations à transmettre aux parents d’élèves ou à d’autres professionnels intervenant auprès des élèves.
Alors que les enseignants peinent à trouver le temps nécessaire pour corriger les productions des élèves et préparer les cours du lendemain.
Alors que tout cela est en train d’advenir, le travail administratif est en passe de devenir l’occupation principale de l’enseignant du fondamental.
Les nouvelles directions régionales, dans une tentative désespérée de reprise en main d’une situation ingérable, viennent de diffuser une première livraison de notes de service avec formulaires assortis : Un formulaire pour organiser une sortie de la classe pour laquelle il faudra dorénavant l’autorisation du directeur et du bourgmestre. Un formulaire pour annoncer les dates des différentes concertations dès le début de l’année scolaire. Des listes de présence aux réunions, à signer et à adresser au directeur à la fin de chaque trimestre. Des fiches, des formulaires et des rapports à la pelle pour chaque élève à besoins éducatifs particuliers ou spécifiques, alors que chacun sait que ces élèves se font de plus en plus nombreux.
Alors que la transmission de connaissances et de compétences aux jeunes générations était encore la première occupation de l’enseignant il y a à peine une dizaine d’années, cet aspect de la profession tend à devenir désormais accessoire. Cette transformation rapide et conséquente d’une profession considérée longtemps comme centrale pour le bon fonctionnement d’une société moderne a de quoi inquiéter. Si les professionnels de l’éducation s’occupent plus à s’entretenir entre professionnels que d’intervenir auprès des élèves, ils négligeront leur mission d’éducation et d’instruction des futures générations.
Même si les directions ont certainement de bons arguments pour vouloir garantir le déroulement minutieux des différentes mesures à mettre en place pour tenir compte des divers aspects sécuritaires, déontologiques, juridiques, psychologiques entrant dans la prise en charge de jeunes enfants, ils méconnaissent en fin de compte le but premier poursuivi par l’institution scolaire. À moins qu’ils ne se méprennent sur l’extensibilité du temps de travail d’un enseignant qui devrait en fin de compte assurer une tâche administrative à plein temps avec une tâche d’enseignement de la même envergure.
Avec l’avancement de la recherche en matière d’éducation nos sociétés sont en effet de plus en plus capables d’analyser ce qui empêche le développement harmonieux des compétences et des connaissances des jeunes, malheureusement elles ne consentent guère à employer les moyens nécessaires pour y remédier. Ainsi la bureaucratie visant à garantir le respect sans faille des différentes prescriptions dans le travail de l’enseignant ne parviendra qu’à détourner son attention des besoins réels de ses élèves.
Tiraillé entre diverses injonctions et devant l’impossibilité d’y répondre en même temps, l’enseignant sera appelé à faire soit des choix clairement assumés : pour l’instruction des enfants et contre la bureaucratie ou à l’inverse pour la carrière et contre la culture ; ou encore à réaliser des compromis entre les deux extrêmes qui lui donneront toujours l’impression de n’être pas à la hauteur de sa tâche. Cette dernière posture risque de s’avérer la plus pénible pour lui-même.
Voilà pourquoi il est grand temps de réagir et de signaler une fin de non recevoir aux directions qui voudraient imposer toutes ces contraintes bureaucratiques. Ceci est d’autant plus nécessaire que nous sommes sur le point d’entrer dans une logique qui n’en est qu’à ses débuts. N’oublions pas qu’après les sorties, les concertations et les enfants à besoins spécifiques viendront à coup sûr les consultations pour parents, les plans de développement scolaire, les règlements intérieurs et j’en passe.
